« C’est idiot, un enfant de 15 ans a encore besoin de son père et de sa mère ! »
La réplique est sèche. Elle vient de celle que je croyais être mon amie – de celle à qui j’avais simplement envie de faire partager mon allégresse. Mais, de toute façon je ne lui demande ni son avis ni sa bénédiction. Mon fils, quoi qu’il en soit, partira aux USA !
Nous sommes en décembre (98). Jérémy, notre gentil rêveur introverti à 14 ans et 1/2, il est flanqué de quatre frères, d’une sœur et d’une maman enceinte de jumeaux ! L’idée de s’expatrier lui plaît, à une condition toute puérile : qu’il y ait beaucoup de neige l’hiver. L’idée se transforme en dossier. Le dossier tient la route. Jérémy, avec sa bonne humeur et son optimisme, est retenu. Et c’est tout naturellement qu’arrive le « surname » qui ne le quittera plus : « Michigan boy ».
Le compte à rebours commence. Les bébés arrivent, Jérémy va bientôt partir. Je suis chamboulé… Gardons le cap. Les lettres traversent l’Atlantique. Nous sympathisons déjà avec la future famille de Jeremy. Une amitié douce et sincère me lie à Michelle sa nouvelle maman. Tania, notre fille lorgne sur les lettres et les photos et ronge son frein. En silence. Jérémy termine son année scolaire – il a déjà la tête ailleurs. Son envie est énorme, sa détermination impressionnante.
L’été, déjà ! Tout, maintenant, a un goût de « dernière fois ». Dernière semaine de vacances, dernier anniversaire, dernières photos. Nous avons tous mal au ventre. Jérémy, lui, est serein et souriant. Lors de la « dernière promenade, je lui demande : « Mais, que vas-tu dire au directeur de la « High school » ?» Il me répond, en haussant les épaules : « Je lui dirai : « Nice to meet you ! ». »
Tu te souviens Jérémy, le jour où tu es parti. Tu rigolais encore quand on a tous fait semblant de s’accrocher à la voiture en pleurant. Aujourd’hui tu es à Grand Rapids. Quelle heure est-il ? Que fais-tu à l’école ? Beaucoup de questions. On parle beaucoup de toi à la maison. Un simple coup de fil nous fait l’effet d’un soleil. Tu as acheté une cravate ? Ah bon ! Tu vas à un bal. Ah, tu sais danser ?
Bonne chance Jérémy, on t’aime.
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°31