Nous sommes en 1990. Pour les Borie tout commence par un petit encart dans «Femme actuelle». Il y est question de séjours à l’étranger. Mr et Mme Borie songent à envoyer un de leurs enfants. Mais, à l’époque, Pierre et Hélène sont trop jeunes. Le projet est donc remis à plus tard. En attendant.. PIE propose alors à la famille de recevoir. Les Borie se disent : « Pourquoi pas ? ». Et les voilà qui accueillent. D’abord une fois, puis deux, puis trois… Au moment d’accueillir pour la quatrième fois, Mme Borie dresse un petit bilan collectif et individuel des expériences et en profite pour délivrer quelques précieux conseils.
De manière générale.
A PIE on m’a dit : « Vous allez voir, l’accueil c’est formidable, c’est la source de plein de joies. » J’ai tout de suit été partante. J’étais très enthousiaste. Quelque temps plus tard il nous a fallu choisir un jeune. Pour nous le choix fut relativement simple. Nous voulions une Canadienne – Susan était canadienne – c’est donc Susan que nous avons pris. Je dirais donc que c’est le Canada plus que Susan que nous avons choisi. La seconde fois ce fut encore plus simple : c’est Susan, notre hôte, qui fit son choix. Elle opta pour Sandra. Et un an plus tard, Sandra nomma Piia. Bien sûr, nous et nos enfants donnions aussi notre avis, mais globalement nous nous laissions guider par le choix de la jeune fille qui était à la maison. C’était comme une chaîne. Nous faisions aussi attention au prénom. Vous remarquerez que nous n’avons accueilli que des filles Oui, ça c’était une donnée évidente, il fallait que ce soit des filles.
Question adaptation je suis persuadée d’une chose : il faut trois mois. Les premières semaines c’est du tout beau, tout nouveau. Après il commence à y avoir moins d’échanges avec le pays naturel, le temps en France se dégrade, et à l’école ça devient vraiment difficile. C’est le creux de la vague. Et puis, Noël arrive – et là, d’un seul coup, ça y est, tout se débloque, tout est plus facile. Les jeunes parlent mieux – elles se sentent en France comme chez elles – on peut dire qu’elles sont intégrées. Il faut savoir que nous, à Noël, nous organisons un petit voyage à Paris – histoire de montrer toutes les belles choses de la ville. Peut-être que ça les aide.
Nous avons toujours reçu des filles très simples, très gentilles. Je ne sais pas si c’est un hasard, mais le fait est qu’elles se sont parfaitement adaptées à notre mode de vie et à notre monde.
Toutes les trois ont été très bosseuses, très brillantes – à l’école, elles ont mêmes été de vraies locomotives pour leur classe. Elles ont toutes les trois passé leur bac français et ont obtenu de bons résultats à l’oral.
Je crois qu’elles ont beaucoup appris à notre contact et qu’elles ont été pour nous une bouffée d’air pur, un vrai ballon d’oxygène.
A l’extérieur on nous disait : « Accueillir, cela doit déranger, cela doit perturber la vie de couple et la vie de famille. » Les gens raisonnent toujours comme si un intrus pénétrait chez nous et nous causait du tort. Je crois que ceux qui pensent comme ça ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Ces trois accueils ont, en réalité, été trois expériences formidables. Je dirais même que l’expérience a été de plus en plus extraordinaire. C’était de la richesse qui s’accumulait. De toute façon, il faut prendre ça simplement, ne pas s’angoisser, laisser les questions et les réponses venir naturellement.
Nous n’avons jamais réussi à réunir nos trois hôtes en même temps, mais j’espère que ça viendra.
Susan, la Canadienne.
Susan était brune, avec de magnifiques yeux verts, des tâches de rousseur. Elle était très gracieuse et assez timide. Au départ, elle a eu des difficultés en Français. Elle en avait fait sept mois, elle avait du mal à appliquer ses connaissances. Elle disait toujours : « Je connais ce mot, mais je n’arrive pas à le dire. »
Susan était la plus jeune de cinq enfants (4 soeurs). Elle avait déjà l’esprit de famille. Elle s’est donc intégrée assez facilement. Mais je crois que cette année là lui a fait beaucoup de bien. Elle était la grande soeur. Cela l’a changée. De son côté, elle nous a appris à communiquer différemment. Elle nous a fait réaliser que dans la vie il y avait des choses minimes et des choses importantes.
Sandra, l’Islandaise
Elle était blonde. C’était un vrai physique de nageuse, elle avait les épaules larges. Mais, mon Dieu, elle était bien faite et elle avait une coupe de cheveux très originale (très courte mais très originale). A son arrivée, ses connaissances en français se limitaient à quelques mots : sable, soleil… Elle n’avait aucune base de grammaire. Le proviseur a été très gentil. Il a mis à sa disposition une institutrice à la retraite, et cela l’a beaucoup aidée. Sandra a énormément progressé durant l’année. Au deuxième trimestre, en histoire-géographie, elle a tout de même eu la meilleure note de sa classe. Son professeur n’en revenait pas des progrès qu’elle avait pu accomplir.
Sandra a eu des difficultés réelles à s’adapter. Elle était de la ville et a eu beaucoup de mal à se faire à notre vie de campagne. Au creux de la vague, elle est vraiment tombée bas. Elle voulait partir, changer… Mais j’ai senti son mal être… Alors je lui en ai parlé. Je crois qu’elle a été très surprise de mon attention. Par la suite ça a été de mieux en mieux. Aujourd’hui c’est notre plus fidèle fille. Et la campagne, maintenant, elle adore ça.
Piia, la Finlandaise
Elle était aussi très jolie, fine et menue. Ses cheveux étaient très longs. Piia était très nature, très campagne. C’était une fille d’une simplicité extraordinaire. Chez nous, elle a été bien. Elle faisait attention à tout. Elle a été étonnante à l’école. Elle a fait de l’escalade (c’était sa spécialité) et elle a réussi à emmener son lycée au championnat de France. Oui, carrément ! Elle a été un élément très important dans l’équilibre de la famille – je crois qu’elle m’a même aidée dans mes relations avec ma fille. C’est elle qui s’est sans doute le plus facilement et le mieux adaptée à notre vie et à notre mode de vie.
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°28