Dans l’avion qui les emporte vers leur pays et leur famille d’accueil, les participants au programme d’une année se prêtent à un petit exercice : écrire à la personne de leur entourage qui s’est opposée, ou qui a tentée de s’opposer à leur ‘voyage’. L’occasion est ainsi offerte aux jeunes ‘aventuriers’ de répondre à leur détracteurs et de faire un bilan de leurs objectifs. Cette purge, qui est aussi un catalogue raisonné des motivations, nous renseigne de notre côté sur les obstacles qui entravent encore le développement de ce type d’expérience.
Plus de 120 témoignages nous sont parvenus. Gageons que s’il s’était agi d’écrire à tous ceux qui avaient soutenu le projet les réponses auraient été bien plus nombreuses ! Survol et morceaux choisis.
Chère Grand-mère,
Quand tu as appris que je partais, tu m’as dis : ‘Quelle idée d’aller vivre un an chez ces tarés d’américains’. Je te pardonne.
Céline, un an aux USA, Minnesota
Chère partie de moi-même qui a failli vaincre,
aTu as failli gagner cet ultime combat mené contre mon âme aventurière, contre mon esprit assoiffé de connaissances et d’amitiés nouvelles. Tu m’as fait douté, tu as jeté un voile trouble (un de ses voiles de lâcheté qui apparaît toujours et de façon vicieuse au moment le plus critique) et tu as obscurci un projet jusque-là clair et rayonnant. Je m’explique : tout se passait pour le mieux. Je me faisais une joie de partir (soutenu et aidé que j’étais, par tous et toutes, dans ma quête du nouveau monde).Il y a une semaine environ, tu es parvenu à m’atteindre de la façon la plus vile. J’ai entendu ta petite voix – elle est parvenu jusqu’à moi et m’a dit : ‘Arno, ne pars plus, reste au Mans pour t’emmerder une année de plus.’Mais tu as perdu, vile idée ! L’âme forte et aventurière l’a emporté.
Votre dévoué futur lecteur et gourou préféré.
Arno, un an aux USA, Californie
A tous ceux qui sont tristes de me voir partir !
Dites-vous que c’est un immense privilège pour moi de tenter cette expérience et que ce séjour sera fondamental pour mon orientation professionnelle. Réjouissez-vous en songeant que je suis impatiente de poser le pied sur le sol US. Bon courage à vous !
Mélanie, un an aux USA, Indiana
Chère…
Il y a deux ans tu es parti aux USA pour un an. A cette époque, j’aurais fait n’importe quoi pour que tu ne partes pas. Je réalise aujourd’hui que j’étais à la fois jalouse et égoïste. Je comprends, aujourd’hui seulement, que j’aurais dû, ne serait-ce qu’un instant, me mettre à ta place, que j’aurais du comprendre tes motivations, comprendre que tu ne pouvais pas laisser passer cette opportunité. Alors la séparation aurait été moins dure, et moins longue aurait été l’attente. Si seulement, à cette époque, j’avais pu envisager ton point de vue. Me voilà dans l’avion, et si aujourd’hui je comprends tout cela c’est à cause, ou grâce à tous ceux (parents et amis) qui au moment de mon propre départ m’ont avoué que l’annulation de mon voyage leur aurait fait plaisir !
Julie, un an aux USA, Oklahoma
A tous ceux qui m’ont dit :
‘Pourquoi là-bas ? Pourquoi chez ces monstres capitalistes, chez ces gens qui ont pour seul Dieu l’argent, chez ces matérialistes ? Pourquoi pas l’Angleterre ? Et pourquoi si longtemps ?’
Vous n’avez pas compris que les stéréotypes ne m’intéressent pas et ne correspondent pas forcément à la réalité. Vous n’avez peut-être pas la possibilité de vivre la même expérience, mais est-ce une raison pour n’en faire ressortir que les points négatifs ? Pourquoi ne me parlez-vous jamais de la belle Amérique, et des hommes et des femmes que je vais découvrir là-bas ? Pourquoi ne me parlez-vous pas de l’autonomie, de la maturité que je vais forcément acquérir ?
Béatrice, un an aux USA, Massachusetts
Monsieur le Professeur principal,
J’aurais pensé que vous étiez ouvert et que lorsque je vous annoncerai mon départ pour une année scolaire aux États-Unis, vous seriez, sinon enthousiaste, du moins encourageant. Or, vous m’avez regardé bizarrement et m’avez parlé comme si je vous annonçais que je mettais fin à mes études. Vous m’avez dit textuellement : ‘Qu’allez-vous foutre là-bas ?’. Je vous ai exposé mes motivations et ma détermination. Vous êtes parti sans rien dire. J’attendais une petite réaction de votre part, un encouragement, un soutien… Rien. Mais tant pis. De toute façon, me voilà dans l’avion, en route pour l’aventure. J’espère seulement que vous ne retrouverez pas votre poste de professeur principal, car j’estime que lorsque l’on est incapable d’écouter les élèves et de s’intéresser à leurs initiatives on est indigne d’occuper cette fonction. Sachez que je salue tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé dans mon projet et que j’espère ne plus avoir à faire à vous.
Anonyme
Chère Manue,
Je vole vers les USA, là où tu m’as déconseillé d’aller. Je voulais d’abord te rappeler les raisons qui m’ont poussé à te désobéir, autrement dit à partir. Je voulais m’enrichir, apprendre, connaître ce pays (Philadelphie, où je suis placée est parait-il une ville passionnante) pratiquer le sport sérieusement (c’est si dur dans notre école !). Je ne voulais pas passer à côté de cette occasion unique qui s’offrait à moi. Tu m’as dit que tu avais passé un an aux États-Unis quand tu avais dix ans et que tu n’en gardais pas un bon souvenir. Mais j’en ai dix-sept, et j’ai été le seul maître de ma décision. Tu m’as dit que dix mois c’était vraiment long et que ce serait insupportable de laisser, pendant tout ce temps, ceux que j’aime. Mais, au fond de moi, je me sens assez fort pour supporter cette séparation. Les dix mois passeront et je retrouverai tout le monde. Il faut tenter pour réussir, Manue. J’espère que tu comprendras et que tu me pardonneras d’avoir négligé ton conseil. A bientôt. Ton ami.
Jérôme, un an aux USA, Massachusetts
Cher Monsieur le Proviseur,
Vous êtes indigne, je pense, du titre que vous portez. Vous souvenez-vous au moins de moi. Cette jeune fille de votre lycée qui a choisi de prendre ‘une année sabbatique.’ Ce sont vos termes. C’est à moi, Monsieur le proviseur, que vous avez dit ‘Non, je m’y oppose.’ C’est face à moi que vous avez pris cet air hautain et désagréable. Je ne vous remercie pas, et je tenais à vous dire que je viendrai vous voir à mon retour pour vous dire, dans le détail, tout ce que cette année ‘perdue’ aura pu m’apporter.
Anonyme
Maman,
Si je fais ce voyage, ce n’est pas parce que vous me faites chier. J’étais dans l’impasse à l’école alors il fallait que je fasse de la boxe. Et puis, je ne pars pas pour la vie. Je pars un an !
Odyssée, un an en Thaïlande
A celui qui m’a dit que je me mettais en danger.
Je t’ai rencontré au stage de PIE. tu étais en partance pour les USA. Lorsque je t’ai dit que je partais en Tchécoslovaquie, tu as dis : ‘Tu es fou, il parait que c’est dangereux. Tu peux te faire braquer.’ J’ai trouvé ça bien naïf. Et drôle aussi car toi qui m’as dit ça tu pars dans l’État de New-York.
Yannick, un an en République Tchèque
Chère Nathalie,
‘Pourquoi le Japon ?’. C’était ta question. Je crois qu’aujourd’hui je peux te répondre. Je cherche à savoir ce que je veux faire dans le futur – et le Japon devra me donner la réponse. Cette année sera décisive. A bientôt, par écrit.
Anonyme
Greg,
Non, je ne suis pas folle. Je t’expliquerai pourquoi en revenant, car pour l’instant, franchement, je crois que je ne sais pas exactement pourquoi j’ai choisi de faire ça !
Anonyme
Ulysse,
Je ne suis pas fou. Je conçois très bien que tu puisse être un peu jaloux, mais je crois sincèrement que j’ai toute ma tête. Tout cela tient plus, il n’y a aucun doute, d’un manque d’ouverture et d’un complexe d’infériorité de ta part que d’une soi-disant folie de mon côté.
Anonyme
A tous ceux qui sont atteints par la bêtise.
Partir, c’est une histoire de force mentale. Critiquer cette décision c’est con. Peu de personnes ont le courage de partir et le fait qu’on nous prenne pour des fous montre simplement que les Français ont vraiment des progrès à faire.
Anonyme
Cher…
Vous vous demandez pourquoi je pars au Canada. Vous pensez sérieusement que je m’en vais perdre un an. Vous dites qu’il y a assez de monde qui parle anglais, et vous estimez que c’est plutôt aux étrangers de parler notre langue. Honnêtement, je ne vous comprends pas.
Anonyme
Chère Maman,
Tu ne m’as jamais dit : ‘Non, tu ne partiras pas. Mais j’ai senti ta peur de te retrouver seule, et le doute s’est lentement installé dans ma tête. Il a lentement gagné du terrain. N’oublie pas Maman, qu’un jour ou l’autre il faudra bien se quitter et que c’est pas si mal de vivre un an comme ça, un peu éloignés. Dans un sens, je crois que cela va nous rapprocher. Quant aux amis, tu sais (je parle de ceux qui tiennent vraiment à moi) ils me resteront fidèles. J’ai besoin, il me semble, d’un peu d’indépendance. Je dis un peu, car je sens tout si bien organisé autour de cette année que je me sens plutôt porté qu’autre chose.
Anonyme
Marie-Claire,
Quand je t’ai annoncé que j’avais une grande nouvelle tu as d’abord cru que j’étais enceinte. Et puis quand je t’ai expliqué que j’avais décidé de vivre un an au Canada, tu m’a dit que je n’étais pas bien. Je crois que tu as d’abord pensé au fait que je ne serai plus à tes côtés. Et je te comprends très bien car, quelque part, c’est très dur pour toi et pour tous ceux qui restent.
Merci pour les encouragements qui ont suivis. A bientôt.
Ta meilleure amie
Maman,
Mes raisons ? Je n’ai jamais eu de petit frère et j’étais persuadée que je n’en aurais jamais… Or me voilà pour un an avec un frère de 3 ans. Quelle aubaine ! Je ne parle même pas de l’école et de cette impression de se plonger dans un feuilleton télé.
Aurélie, un an au Canada, Manitoba
Chère Caroline,
Tu étais bien là-bas en Bretagne. Pourquoi t’éloigner des tiens ? Ils ont besoin de toi et te l’ont dit ? As-tu pensé à eux ? Crois-tu qu’ils apprécient ? Et d’ailleurs, es-tu si sûre de toi ? Tu as peur, non ? Est-ce raisonnable de partir après le bac ? Tu m’inquiètes, Caroline ? Mais tant pis. C’est trop tard, tu es partie. Alors plonge, investis-toi à fond. Et profites bien de la chance que tu as. A bientôt. Je penserai à toi Caroline.
Caroline, un an au Canada, Nova Scotia
Chère Nourrice.
Tu ne voulais pas que je parte. Tu répétais : ‘C’est loin et c’est coupé de tout. Et pense à ta vraie famille.’ Mais, chère nourrice, c’est un projet essentiel pour moi. Il s’avérera enrichissant et magnifique. Pour te le prouver, je t’écrirai très souvent et te convaincrai j’en suis certaine que tu te trompais.
Fabienne, un an au Canada, Ontario
A personne,
Autrement dit, à tous ceux qui m’ont soutenue (amis, profs et surtout parents…), merci !
Géraldine, un an au Canada, Saskatchewan
Cher professeur,
Je n’ai pas tenu compte de vos sages conseils. J’ai décidé, avec sang-froid de ‘perdre une année pour améliorer mon anglais’ de faire ‘quelque chose d’inutile.’ Je suis toujours décidée à travailler dans le domaine de l’art graphique et reste persuadée que, vu les débouchés de cette profession, il me faudra être toujours prête à bouger, à savoir quitter la France et à maîtriser la connaissance de l’étranger. Voilà pourquoi, en toute connaissance de cause, je fais ce que vous appelez : ‘une grosse bêtise.’
Emilie, un an au Canada, British Columbia
Cher professeur de lettres,
Vous m’avez conseillée de ne pas partir. Vous avez pensé que j’étais trop jeune, que la durée de mon séjour était trop longue et que ma destination était trop lointaine. Moi, j’ai pensé qu’il fallait savoir s’éloigner de son cocon – alors, je n’ai pas suivi votre conseil. Comme vous étiez la seule à me déconseiller de partir, il m’était facile de résister. Dans quelques heures je serai en compagnie de Donna Keith, Alonna et Jon… et votre conseil, de toute façon sera obsolète.
Mathilde, un an au Canada, Saskatchewan
Ma petite Séverine,
J’ai bien remarqué les efforts (certes vains) que tu as fait ces derniers temps pour masquer ton désarroi. Et je voulais t’en remercier. Je n’ai pas cru à la sérénité de ta dernière visite, mais j’ai apprécié le fait que nous ayons pu en parler si facilement. J’ai bien compris à quel point cette histoire de départ te touchait (presque autant que moi en réalité) et j’ai d’autant plus apprécié la bénédiction que tu m’as donné avant le départ (même si c’était timide, même si c’était du bout des lèvres). Je t’aime.
Jéremy, un an au Canada, Nouvelle Écosse
A ma mère
D’abord c’était : – ‘Non.’ J’ai fait : – ‘Ah bon!.’ Tu m’as dit : ‘Mais pourquoi ?’ J’ai répondu Canada, famille, école, langue et chaleur humaine. Toi tu parlais froid, distance et temps. J’ai rétorqué : – ‘Mais l’armée aussi c’est long et ça doit être pire.’ Tu m’as dit : ‘Est-ce que tu as pensé à nous ?’ J’ai fait : – ‘N’aies pas peur, j’y penserai encore beaucoup.’ – ‘Tu vas nous manquer.’ – ‘Je sais.’ – ‘Salut mon fils, je t’aime.’ – ‘Moi de même, à l’année prochaine.’
Baptiste, un an au Canada, Alberta
Cher toi qui es en moi,
Je sais que tu n’es pas toujours d’accord avec moi. Mais maintenant c’est comme ça. c’est moi qui ai pris cette décision du grand voyage. Me voilà dans l’avion et je te demande seulement d’être positif et de partager mon euphorie. Je te souhaite un bon voyage.
Noël, un an au Canada, Alberta
Cher moi,
Pourquoi es-tu allée te mettre dans une telle galère ? A Nice il fait si beau. Et le train-train c’est si bien. La famille, les amis, ca roule. Je sais bien tu vas me parler de changement, d’apprentissage, de rencontres. Et tout ça…
En fait, tu as peut-être raison. D’ailleurs le stage était déjà super. J’ai rencontré des gens extra, et j’ai déjà construit de nouveaux ponts.
Merci à moi.
Rachel, un an au Canada, Saskatchewan
…
Tu me disais que me laisser partir c’était comme m’envoyer en prison, que ce départ ressemblait à une fuite, que j’allais perturber mes études pour rien, que l’anglais ça s’apprenait aussi bien en France, qu’il ne fallait pas chercher ailleurs ce qui existait dans notre pays. J’ai poussé des cris, j’ai pleuré. Je voulais partir pour connaître mes capacités et mes limites, pour la langue et pour le pays, pour réaliser un rêve. Je n’ai pas su te convaincre, je n’ai pas su te faire partager mon désir. Mais tu m’as tout de même laissé partir, et c’était, je crois, la plus belle façon de me dire que tu m’aimais. Merci.
Gwenaëlle, un an au Canada, Ile du prince Edward
Cher système scolaire français,
Tu nous forces, tous autant que nous sommes, à grandir dans le même moule, et tu nous assènes un objectif incontournable et obsessionnel : réussir le baccalauréat. Alors, au moins, laisse-nous la possibilité après ce sacré bac de nous échapper et de voir un autre monde. Cesse de nous répéter que nous allons perdre une année ! Dis-toi plutôt, qu’après ce baccalauréat il est temps pour certains de se poser, de regarder derrière et devant, et de s’interroger sur le chemin qu’ils doivent engager ? Il est parfois utile de savoir pourquoi on fait les choses. Et trop nombreux, à mon avis, sont ceux qui entament des études sans le savoir.
Astrid, un an au Canada, Alberta
Madame la conseillère d’orientation,
Nous avons eu un entretien au mois de janvier dernier. Vous rappelez-vous de moi ? J’étais perdue et j’avais besoin d’être soutenue? J’avais un projet en tête et je n’arrivais pas à me décider. Vous avez parlé sans m’écouter, sans comprendre mes besoins et mes motivations. Vous me répétiez : ‘il faut partir plus tard, après des années de faculté.’ Vous me disiez d’attendre, de patienter. Moi, je pensais à toutes ces années d’école, barbantes, que j’avais encaissées. Je ne vous en veux de croire ce que vous croyez. Je vous en veux de ne pas savoir de quoi vous parler et de ne pas vous renseigner sur cette autre possibilité offerte aux élèves. J’espère que désormais vous saurez dire aux élèves qu’il est possible de partir toute une année pour apprendre et pour partager.
Mélanie, un an au Canada, Manitoba
Cher Janine,
La prochaine fois que je me lance dans quelque chose, abstiens-toi de faire des réflexions désagréables sans connaître les tenants et les aboutissements de l’affaire. Il est 11 heures. L’avion plane vers Detroit-USA et, tu vois, je ne t’ai pas écoutée. Gros bisous. Sans rancune !
Laetitia, un an au Canada, Georgie
Chers parents,
Je veux vous expliquer à quel point ce voyage est important pour moi. Je suis timide et cette expérience, je crois, va me changer vraiment. Je vais être contrainte d’aller vers les autres et d’acquérir de la confiance. Ca ne sera pas facile, car ce n’est pas simple de quitter sa famille pendant 10 mois. Mais le jeu en vaut la chandelle. Merci de me laisser cette chance.
Caroline, un an aux USA, Washington
Cher conscience, cher côté rabat-joie et raisonnable qui est en moi !
Je suis au regret de te dire que je m’en vais, que je te quitte… Je t’ai écouté, je t’ai questionné des tas de fois. Mais, pour l’instant je ne veux plus t’entendre. Je veux partir. Ma décision est irrémédiable. D’ailleurs, je suis déjà partie.
Mélanie, un an aux USA, Californie
…
Tu ne voulais pas. Parce que tu m’aimes et que tu es près de moi. Tu veux mon bonheur. Alors, parlons-en de mon bonheur. Mon bonheur c’est de devenir universel, de découvrir d’autres horizons, de me découvrir moi-même plus profondément. Oui je perds une année scolaire. Oui je serai seul, oui j’aurai des coups de cafard. Mais je veux le faire. Laisse-moi partir. Il faut que je réalise mon rêve, ma vie.
Anonyme
Madame la Directrice,
Vous dirigez l’école de Commerce de Chartres et déconseillez à vos futurs élèves de partir une année scolaire après le Bac. Vous prétendez que là-bas on devient paresseux – que le niveau scolaire américain est très faible – que si les élèves reviennent légèrement plus fort en anglais, ils régressent dans tous les autres domaines et qu’ils oublient toutes leurs connaissances. Dès lors vous considérez que cette année perdue a forcément des conséquences néfastes sur le comportement des étudiants. Je suis partie pour vous démontrer le contraire. Je réussirai mon année, et je réussirai ensuite, au sein de votre école. Ne mélangez pas, Madame la directrice, paresse et courage, ne croyez pas qu’un système différent est un système inadapté. Et à l’avenir pensez un peu à la maturité à l’assurance et à l’ouverture d’esprit de vos étudiants.
Carole, un an aux USA, Dakota du Nord
A ma chère prof d’anglais,
Je n’en ai fait qu’a ma tête. Et cette fois-ci j’en suis fière. Je me souviens de vos conseils et je suis heureuse de ne pas les avoir écoutés. Car jamais, à vrai dire, je ne me suis sentie aussi bien que depuis ce jour où j’ai quitté famille et amis. Me voilà au-dessus des lacs canadiens (vol NW051) et il est vrai que j’appréhende un peu. Il est vrai également que je ne regrette rien. Je ne vous en veux pas d’être bornée… A condition que vous n’empêchiez pas d’autres étudiants de tenter le même expérience. A l’année prochaine.
Carole, un an aux USA, Tennessee
Chère M…,
Tu prétends que les américains sont laids et gros. Je n’ai rien à répondre à cela. Je n’ai aucun argument. J’espère par contre en glaner au cours de mon année et revenir un peu plus grande, et peut-être aussi un peu plus grosse !
Carole, un an aux USA, Minnesota
A tous ceux qui ne pensent pas comme moi,
J’entends : ‘Tu es trop jeune pour partir un an !’ Trop jeune, sans doute. Raison de plus pour partir un an. J’ai le sentiment que ce départ ressemble à une quête. Je me cherche. Je veux justement quitter ma peau de petit garçon. Et, pour cela je compte sur le pays de l’Oncle Sam ! A vous tous je dis à dans dix mois. Aux autres (ceux qui m’ont soutenu : famille et PIE) je dis un grand merci.
Aldo, un an aux USA, Texas
A toute ma famille (excepté mon père), à mes amis, à tous ceux qui ont été un peu trop égoïstes pour être objectifs !
Vous aviez tort de tenter de me dissuader – de me dire que dans le contexte socio-économique actuel c’était de la folie de s’aventurer sans garantie ! Car, je suis persuadés que ce séjour est le meilleur moyen d’échapper à la routine envahissante qui est, à mon avis, l’une des principales causes de l’échec universitaire qui frappe les étudiants en 1ère année de faculté. Personnellement, je veux prendre mon temps, retrouver la motivation, partir sur des bases optimistes, trouver cette petite lueur que je retrouve dans les yeux de ceux qui sont partis avant moi… Et dans celle des animateurs de PIE.
Isabel, un an aux USA, Floride
Chère Education Nationale,
L’avenir nous donnera raison, au risque pour le moment de nous faire passer pour des marginaux.
Anne Hélène, un an aux USA, Michigan
Cher …
Je pars pour améliorer mes rapports avec le monde, je pars pour améliorer le monde.
Anonyme
Cher Cédric
Je sais que tu n’étais pas très enthousiaste à l’idée que je parte? Mais, si nous arrivons à tenir 10 mois, nos liens seront encore plus forts… Et tous les couples alors nous envierons.
Typhaine, un an AUX USA, Texas
A tous ceux qui ne voulaient pas que je parte,
Je réalise combien je compte pour vous. Et franchement, ça fait plaisir.
Véronique, un an aux USA, Dakota du Nord
A toi,
Je pars parce que j’aime voyager. Je suis à la verticale du Groënland. C’est très beau. On peut dire que mon voyage d’un an commence super bien.
J e réalise combien je compte pour vous. Et franchement , ça fait plaisir.
Bertrand, un an aux USA
Cher Madame Verzy,
Je ne pense pas, contrairement à vous, que le fait de partir à 15 ans (et de faire une pause dans mes études) ne change quoi que ce soit à mon avenir scolaire, mais je crois par contre que cela orientera et bouleversera totalement mon existence. Je sais que vous êtes sûre de votre méthode (pour enseigner l’anglais), et vous remercie d’avoir tout essayé avec moi, mais je sens, de mon côté, que si je ne prends pas le taureau par les cornes, je n’arriverai jamais à parler correctement cette langue. Voilà pourquoi je pars. J’aurais bien tort de ne pas profiter de cette opportunité et de ce privilège.
Elodie, un an aux USA, Michigan
Désolé, Manu,
je ne serai pas là pour ton mariage. Je sais que tu m’en veux de ne pas avoir annuler mon séjour d’un an pour ça. Mais vraiment, vraiment, je ne voulais pas louper ça. Et d’ailleurs, toi, tu n’a pas renoncé à te marier ? Je te souhaite plein de bonheur. Friendly,
Guillemette, un an aux USA, New-York
Madame,
Je ne comprends toujours pas comment vous avez pu me dire un jour que le voyage auquel je voulais participer était ‘une très bonne idée’, et dire le lendemain à ma mère qu’il ne fallait pas que je parte. Je comprends que je suis votre seule élève de grec et que mon départ entraîne l’annulation de 3 heures de cours qui s’annonçait peinard, mais ce n’est tout de même pas une raison pour changer ainsi d’avis. Et pourquoi avoir dit à ma mère qu’une langue s’apprenait mieux dans un livre. C’est peut-être encore à cause du grec !
Cécile, un an aux USA, Dakota du Nord
A la partie de moi-même qui ne veut toujours pas que je parte,
Il faut parfois être capable de tout. Tout lâcher, tout reconstruire. Alors cesse un peu de rejeter sans réfléchir et d’avoir peur de la nouveauté. Aujourd’hui encore je t’écoute. Et tes arguments sont toujours les mêmes. Tu les répètes indéfiniment. Tu as failli avoir le dessus, je l’avoue, mais tu as perdu. Alors reconnais ta défaite. Alors tais-toi et arrête. Je ne veux plus t’entendre !
Valérie, un an aux USA, Michigan
Ma petite Mamie,
Evidemment, à cause de ton âge, tu as peur de ne jamais me revoir. Evidemment, quitter ta petite fille c’est dur. Evidemment, tu sais que la vie est courte, et tu penses qu’il ne faut jamais quitter les siens. Mais justement Mamie, la vie est courte ! Et il y a des occasions qu’on se doit de saisir. Si tes pleurs ne m’ont pas retenue (ne crois pas qu’il ne m’ont pas fait de peine!) c’est que je sentais qu’une occasion unique se présentait. Tu sais bien que je ne suis pas en parfait accord avec moi-même. Je veux abandonner mon adolescence (et tout ce qu’elle représente) pour vivre en adulte heureuse. Ce voyage peut m’y aider. Je ne pouvais donc pas t’écouter, Mamie. Je pars pour l’avenir. Je veux déployer mes ailes.
Astrid, un an aux USA, Virginie
“Un seul être vous manque et tout est dépeuplé” a dit Lamartine. Pense à moi Mamie, j’en perd 20 à la fois. Et, ne t’inquiète pas… Je sais que notre séparation ne fera que renforcer notre amour.
….,
Tu me parlais du coût de ce séjour. Tu trouvais ça cher ! Et pendant que tu dépensais doucement ton argent dans l’essence de ta mobylette, moi j’économisais doucement afin de m’offrir ce voyage.
Anonyme
Chère Madame du Schnock,
Vous prétendez que les USA c’est “nul”, que c’est “gros”, “grossier”, que les ricains ont une “sale mentalité”, une “sale culture”, un “sale pays”, Mais j’y vais. Tant pis si je prends 40 kilos, tant pis si j’ai le mal du pays, tant pis si je trouve tout moche. J’apprendrais, Je reviendrais fière, bilingue et prête pour faire le boulot que j’aime. Quant à vous, je vous invite à revenir sur vos positions. Sincèrement
Julie, un an aux USA
Lettre à personne
C’est sans mentir que je peux dire,
Qu’aucun, pas un,
Ni un parent, ni un cousin,
Ni une copine, ni ma frangine,
N’a essayé de m’reten’ir,
De m’empêcher d’partir,
Tous m’ont poussé dehors, vers le grand Nord,
Celui que j’ai choisi,
Pour un an de ma vie.
Epaulée, choyée, Ils m’ont tous aidé,
A passer du rêve à la réalité,
Et si parfois je voulais renoncer
C’est avec plus de coeur encore qu’ils m’ont poussé.
Sans doute m’ont-ils compris,
(Force d’une vraie famille, de vrais amis.)
Sans doute savent-ils que s’ils me laissent voyager,
C’est pour mieux me retrouver, que c’est une chance à me donner.
Parce que longtemps restent les regrets, des choses que l’on a pas fait,
Que l’on se souvient toute sa vie des rêves accomplis,
Que chaque expérience est une chance,
Et qu’aux problèmes que j’aurai eu, je me flatterai d’avoir survécue
Alors oui, je pars, et je reviendrai la tête pleine d’histoires…
A vous tous qui ne m’avez rien dit,
Si ce n’est “fonce, vas-y”,
Je dis un grand : MERCI !!!
Solène, un an au Canada, Saskatchawan
Je sais :
éloignement des parents, des amis, perte des bonnes petites habitudes françaises…
Je sais : bouffe dégueulasse, mal du pays, la peur qu’on t’on et que tu oublies…
Je sais…
Mais je sais aussi : le bout ru rêve, le changement, un nouveau partaghe, essayer quelque chose.
Ma décision est prise.
Laurent, un an aux États-Unis, Illinois
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°27