Aaron est Américain. Il est né le 8 janvier 1971 à Glenn Falls dans l’État de New-York… Il y a un an, il a décidé de venir vivre en France. Histoire de partager la vie d’un pays, d’une école et d’une famille, la famille Auxoux. Aaron a atterri le 2 Septembre 1989 dans la banlieue toulousaine, les bagages pleins de doutes et d’à priori. Ses certitudes sont rapidement bousculées. Elles font place à de nouvelles interrogations et à un sentiment majeur et déterminant, celui de mieux se connaître.
3,14: Que pensais-tu de la France avant de venir y vivre ?
Aaron: Je la connaissais déjà un peu. J’étais venu avec mon école il y a deux ans. C’était à Paris – J’ai eu l’impression que les Français étaient snobs.
3,14: Qu’entends-tu par snob ?
Aaron: Ils n’étaient pas simples et ils étaient très renfermés. C’est vrai que je n’avais connu que les Parisiens, mais je ne les avais pas trouvé accueillants. J’avais été surpris car je pensais que les Français étaient très innovateurs et je trouvais des gens très conservateurs.
3,14: Pourquoi as-tu quitté les États-Unis?
Aaron: Par ce que j’en avais marre. Je n’aimais pas mon propre pays. J’avais déjà voyagé plusieurs fois en Europe (en France mais aussi en Allemagne et en Angleterre) et j’étais persuadé que j’étais un européen. Je voulais donc vivre avec des gens dont je me sentais plus proche.
3,14: Mais pourquoi avoir choisi la France en particulier?
Aaron: C’était une décision difficile. J’ai procédé par élimination. Il n’était pas question que j’aille en Angleterre puisque je parlais déjà Anglais. Et d’un autre côté, je ne voulais pas me retrouver dans un pays où je comprenais rien. Comme j’avais déjà suivi des cours de français, j’ai choisi votre pays. Et puis je me souviens que Paris était une ville snob mais très belle. La France était pour moi un peu l’antipode des USA.
3,14: Dans quel sens?
Aaron: Je m’excuse pour l’expression, mais j’étais persuadé que tous les Américains étaient cons. Qu’ils étaient tous stupides. Et j’étais persuadé qu’en Europe on était beaucoup plus intelligent. Je savais qu’en Europe en général et qu’en France en particulier le système solaire était beaucoup plus difficile et beaucoup plus exigeant. J’avais été très impressionné par une élève d’échange que j’avais rencontrée aux USA. Elle savait beaucoup de choses. Et j’en avais tiré des conclusions.
3,14: Tu pensais que les élèves européens étaient beaucoup plus cultivés?
Aaron: Disons qu’on leur en apprenait beaucoup et que j’avais été bluffé par leurs connaissances. À côté d’eux je constatais que nous ne savions rien… donc que nous étions stupides.
3,14: Voilà pour les impressions que tu as eu avant de venir. Mais parlons un peu du présent. Te souviens-tu de tes premiers contacts avec l’école?
Aaron: Si je m’en souviens! Oh, là, là! Franchement, j’ai eu peur. Le premier jour j’ai raté le car scolaire. Donc ma mère d’accueil m’a déposé à l’école. Elle m’a laissé au secrétariat. À partir de là il a fallu que je me débrouille. Je me suis retrouvé seul. je ne comprenais rien. Un type du secrétariat m’a dit quelque chose que je serais bien incapable de répéter.
Il avait l’accent toulousain. J’ai seulement compris que je devais attendre quelqu’un. Je me suis assis. J’ai attendu une heure et demi. J’ai vu passer plein d’ élèves qui demandaient plein de trucs. Et moi je ne savais pas ce qu’il fallait faire. Tout le monde me regardait et moi je ne comprenais rien. Alors je me suis regardé et j’ai pensé: ‘qu’est ce que je fais ici? J’comprends rien. J’ai pas d’amis. Je veux rentrer… Maintenant… Tout de suite’. C’était horrible.
Madame le proviseur est arrivée. Elle m’a envoyé dans un autre bureau. Elle m’a présenté à une autre femme qui m’a accompagné en cours. Quand la porte s’est ouverte, tout le monde m’a regardé. Je ne savais pas quoi dire, alors tout le monde a rigolé. Heureusement c’était un cours d’Anglais. C’est ça qui m’a sauvé.
3,14: Et après?
Aaron: C’était bon. C’était parti. Les élèves ont été sympa. Mais…
3,14: Mais ?
Aaron: Il y a des choses qui m’ont paru très étranges. Dès que le professeur a parlé, tout le monde a sorti les stylos – bleus, rouges, noirs – et la règle… et ils se sont tous mis à écrire. Le système était très au point. On commençait le titre en rouge, après on faisait quelque chose en noir, puis on continuait en bleu et on soulignait en rouge et on laissait des marges… et plein de trucs comme ça. C’était dingue…Et tout le monde le faisait.
3,14: Et toi qu’est ce que tu as fait?
Aaron: Au début je me suis demandé pourquoi tout le monde faisait ça et j’ai ri. Et j’ai continué à prendre mes notes comme d’habitude. Alors il m’ont regardé bizarrement et ils m’ont dit: ‘T’es fou… c’est dégueulasse’.
3,14: Est-ce qu’il y en a qui font comme toi aujourd’hui?
Aaron: Non. Honnêtement, maintenant, c’est moi qui fait un peu comme eux. De toute façon l’idée de souligner ne me paraît pas bête en soi. Mais de voire ces nouvelles normes qui étaient évidentes pour tous, m’a fait réfléchir.
3,14: Tu en as tiré des conclusions sur l’école française?
Aaron: C’est un détail. Mais c’est vrai qu’en même temps c’est significatif de ce système scolaire. Au lieu d’écouter et de chercher à comprendre il fallait d’abord prendre des notes et enregistrer. Les élèves avaient peur de ne pas le faire. Je crois que les Français ont très peur de leur école. Ils ne sont pas très à l’aise dedans. Ils n’ont pas confiance en elle. Ils ne sont pas assez décontractés.
3,14: Pourquoi?
Aaron: Il y a trop de pressions sur eux. L’école est trop exigeante. Elle ne laisse pas à la vie sociale le temps de se développer. Mais ça se ressent même dans la société. Je trouve que les Français sont généralement tristes et un petit peu fatigués. Et je pense que c’est à cause de leur lycée. Ils ont tous beaucoup trop travaillé à l’école et ils se sont usés trop tôt.
La problème avec cette école, c’est qu’elle vous bloque totalement votre emploi du temps. Elle ne vous laisse aucun temps libre pour vous inciter à prendre en charge vos activités et pour vous faire découvrir ce que vous aimez. L’école vous demande tellement de travail que vous n’avez pas le courage de faire quelque chose par vous-même.
Alors qu’aux USA par exemple on t’incite à avoir un ‘truc’. Beaucoup de jeunes font du sport, du théâtre ou de la danse et s’y dépensent avec énergie et sérieux. Il s’amuse et en même temps il font quelque chose d’intéressant. Ca va même plus loin que ça. Même un excellent élève doit, pour rentrer dans une bonne université, être apte dans une matière extra-scolaire. Quelqu’un qui est simplement bon élève (au sens où il a de bons résultats), et qui ne fait ni musique, ni sport, etc, ne sera pas accepté en université. Il doit montrer qu’il est entreprenant. Qu’il a un ‘truc’.
3,14: Le système américain serait donc le système idéal?
Aaron: Non. Je ne crois pas. Je suis certain que les élèves Français connaissent plus de choses, qu’ils sont plus libres dans l’enceinte de l’école, qu’ils sont plus indépendants.
3,14: Alors, qu’elle serait le système idéal?
Aaron: Je crois que je donnerais une base à tous les élèves (cette base qui fait peut-être défaut aux USA) et ensuite je laisserais une grande place à la souplesse. Je la laisserais s’installer. J’inviterais chaque élève à prendre des initiatives. Et je me méfierais de la connaissance. Parce que s’il est évident qu’il faut apprendre je crois aussi qu’il faut regarder.
Je pense qu’il faut trouver la juste mesure entre le sérieux, l’apprentissage, et la décontraction.
3,14: Si tu étais Ministre de l’Éducation Nationale, quelle serait ta première mesure?
Aaron: Mais je veux être Ministre de l’Éducation Nationale. (Rires). (Il réfléchit, puis…) Sérieusement? Je mettrais le Bac à la poubelle. ‘Bac, bac, bac’. Les élèves français ne pensent qu’à ça. C’est la catastrophe de ce système scolaire. Depuis la 6ème ils ne raisonnent que pour avoir ce satané truc. Mais pour moi c’est pas un but valable. Tu dois pas aller à l’école pour avoir un bout de papier. C’est pas sain. Tu dois y aller pour apprendre à réfléchir, à penser. Attention, je ne dis pas que les Français ne savent pas réfléchir… Tiens par exemple, si tu joues au ‘Trivial Poursuit’ avec un Français il va te balader et tu ne vas rien comprendre, mais…à quoi ça sert?
Les Français savent beaucoup de choses. Ils en ont mémorisé des tonnes, mais je crois, personnellement que ça ne leur sert à rien. Aujourd’hui, on a des problèmes. Ce qu’il faut savoir, c’est la meilleure façon de les aborder. Et je ne pense pas que les connaissances du type ‘Trivial Poursuit’ puisse nous aider.
3,14: Tu mets donc en cause la façon dont en France on conçoit le travail.
Aaron: Oui c’est un peu ça. Les jeunes Français bûchent sans arrêt. Ils sont obsédés par l’idée du travail, au point de chercher à le court-circuiter. Mon père d’accueil par exemple il reproche souvent à ses enfants de passer trop de temps au téléphone et à s’amuser. Ils voudraient que ses enfants travaillent plus. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution de se focaliser très jeune sur cette idée. Il y a d’abord un âge où on doit apprendre à aimer travailler. Et je ne pense pas que le système français soit très adapté pour ça.
Tiens je pense à un truc idiot. Quand tu vois quelqu’un en train de mourir il se dit jamais: ‘Merde j’aurais dû travailler plus?’. Il se dit: ‘Qu’est ce que j’ai fait de ma vie? Qu’est ce que j’ai aimé faire dans ma vie?’. S’il a aimé son boulot et qu’il a bien bossé c’est super. Mais ici ça doit être évident, car les Français n’aiment pas bosser.
3,14: Tu penses qu’en France on travaille trop et que, par dessus le marché, on n’aime pas ça?
Aaron: Oui, mais je ne voudrait pas en faire une généralité. Disons qu’il y a une tendance ici à ne pas vivre assez dans le présent. On n’arrête pas de penser à l’avenir et à se demander ce que l’on va devenir. Mais avec un raisonnement comme celui là on glisse bêtement sur sa jeunesse. Les Français oublient qu’un jour on sera tous vieux et qu’on se dira ‘pourquoi on en a pas profité’.
3,14: Profiter, ça veut dire quoi?
Aaron: Je ne peux pas répondre. C’est une affaire personnelle. Pour moi c’est de chanter, pour un autre ça sera de faire du sport ou d’aller au cinéma, etc… En fait c’est d’être heureux. Être conscient de ce qui nous entoure et être heureux.
3,14: Parle de nous de tes relations avec ta famille.
Aaron: Ca va. Ils ont très sympas. On a jamais eu d’arguments. Je veux dire de disputes. Mais en même temps je ne les vois pas beaucoup, car moi je pars tôt et eux ils rentrent tard. Le soir on passe un peu de temps ensemble. Mon frère d’accueil est en pension, donc je le vois très peu. Mon père et ma mère sont ingénieurs. Ils travaillent beaucoup. Et puis j’ai des activités à Toulouse (chants, cours de Français) et nos horaires ne coïncident pas toujours. On se croise. Je vois surtout ma soeur. Je pourrais les voir plus le week-end, mais je profite généralement du samedi pour dormir et pour sortir un peu en ville. Je vais au cinéma ou au café. J’ai rendez-vous avec les copains. Et puis eux ils ont leurs activités. Je ne suis peut-être pas tombé dans une famille très familiale… Mais ça a ses avantages.
3,14: As-tu une remarque à faire sur les relations parents-enfants en France?
Aaron: Je ne veux pas faire de généralités, car la famille dans laquelle je suis est un peu particulière. Ils sont très libéraux et ils me laissent faire ce que je veux. Ils ont confiance. Or, j’ai parlé avec des gens à l’école qui n’ont pas du tout le même type de relations avec leur parents. Ils ont souvent des horaires très stricts. Ils ne peuvent pas sortir. Je crois vraiment que tout dépend des familles et qu’on peut voir de tout. J’étais persuadé avant de venir que tous les européens étaient très laxistes. Mais ça n’est pas vraiment le cas. Aux USA c’est un peu pareil. Il y a des parents très traditionnels et d’autres qui le sont moins et qui laissent plus d’initiatives à leurs enfants. Dans un petit groupe, les Français sont extraordinaires. Quand ils connaissent les gens, ils se sentent bien et sont très sympa. Mais en dehors de ça ils ne sont pas très ouverts… Ce problème a quelque chose à voir avec leur langue. Je crois que ça a un rapport avec le ‘tu’ et le ‘vous’. Car les Français disent ‘tu’ avec les bons amis et ‘vous’ avec les autres pour mieux prendre leurs distances.
3,14: Tu fais du sport?
Aaron: Non…(un temps) J’ai pris des cours de musculation au début. Mais j’ai dû arrêter à cause des problèmes de transport. Non… Je ne fais rien…(il sourit). Moi, je suis un fainéant (rires). De toute façon mon truc, je te l’ai dit, c’est la musique. C’est pas le sport.
3,14: Quel sera pour toi le grand enseignement de cette année?
Aaron: C’est une grande question. Tu sais depuis que je suis en France j’ai eu beaucoup de temps pour moi. Pour réfléchir. J’ai passé de long moment tout seul. Dans ma chambre et dans le bus. Et j’ai vraiment eu l’occasion de penser et de retourner les choses dans ma tête. Et j’ai découvert quelque chose de moi-même. Ou plutôt j’ai découvert deux choses. La première c’est que je suis Américain. Et la seconde c’est que c’est pas bon de trop réfléchir.
3,14: C’est donc en ayant le temps de réfléchir que tu as découvert que ça n’est pas bon de trop réfléchir?
Aaron: Oui. Je m’excuse pour la contradiction. Mais disons pour simplifier que je pense m’être amélioré un peu. J’ai eu le temps de voir qui j’étais et de regarder ce qui était bon et pas bon en moi. Je vais te raconter un petite histoire. C’était avec Magali (ma soeur d’accueil). On jouait à un jeu qui s’appelait ‘Puissance 4’. et avec ce jeu, ce qui est terrible, c’est que je n’arrive jamais à gagner. je perds à chaque fois. C’est idiot mais c’est comme ça. Et ma soeur qui avait observé m’a dit: ‘tu penses trop et tu vois rien’. Et j’ai découvert quelque chose de très important dans ma vie. Je pense trop et je vois rien.
Ca c’est vraiment mon problème.
3,14: Il y avait donc bien en toi quelque chose qui te rapprochait et qui t’attirait vers les Français dont tu me disais tout à l’heure: ‘On leur enseigne trop à penser et pas assez à regarder’.
Aaron: Oui…Peut-être. Il y avait sûrement de ça.
3,14: Et finalement, est-ce-que ces deux découvertes, admettre que l’on est Américain et prendre conscience qu’il y a un danger à se poser trop de questions, est-ce-que ces deux découvertes n’en sont pas qu’une?
Aaron: C’est vrai que je suis venu en France pour prendre le temps de m’arrêter sur ce qui me paraissait important. Là-bas il m’était difficile de me questionner. J’avais besoin de prendre du recul. Et ici, en France, j’ai pu me rendre compte d’une autre volonté que je cachais en moi: celle d’agir.
3,14: Car ton pays est un pays d’action?
Aaron: Exactement. Ici on met du temps à bouger. On pèse. On pèse. On réfléchit. On calcule. Là-bas, il y a l’énergie. On est plus enthousiaste pou remettre les choses en route. On s’agite plus. Ca je l’ai vraiment découvert en venant ici. C’est parce que j’étais loin que j’ai compris tout ça.
Ici, cet esprit m’a manqué.
3,14: Est-ce-qu’un aspect de la France te manquera quand tu retourneras aux Etats-Unis?
Aaron: En dehors du pain et du camembert… Attends que je réfléchisse. (Un temps…). Oui je sais… Une certaine indépendance. Aux USA les gens sont très sympas. Ils savent vous venir en aide. Ils sont gentils. Ils s’occupent de toi si tu as des problèmes. Mais en même temps, ils s’occupent trop de toi. Ils s inquiètent de ce que tu portes, de la manière dont tu es, de ton hygiène. de tout. La société te juge trop. Et les gens ont des rapports trop superficiels avec toi. Ils s’attachent trop à tes apparences…
Mais dans un même temps, et dans un autre d’idée, en France aussi on est superficiel.
3,14: Dans quel sens?
Aaron: Laisse moi réfléchir. (Un temps). Les Américains sont trop superficiels parce qu’ils s’attachent trop aux signes extérieurs, au fric, aux vêtements, aux politesses. A première vue, c’est pas des gens qui creusent. mais les Français sont superficiels en ce sens qu’ils ne s’investissent pas complètement dans leurs relations. Ils s’engagent difficlement… Mais tout ça est dur à expliquer pour moi. Parce que je crois que je n’ai pas encore compris les Français.
3,14: En venant en Europe tu étais attiré par ‘l’autre’ – un ‘autre’ qu’il y avait en partie en toi – et tu semblais résister à un sentiment très courant, très puissant, le patriotisme. Est-ce que l’éloignement que tu viens de vivre n’a pas fait naître en toi un peu de patriotisme. Est-ce que l’éloignement que tu viens de vivre n’a pas fait naître en toi un peu de patriotisme ? En un mot, n’es-tu pas devenu: Pro-Américain ?
Aaron: Pour l’instant je ne peux pas répondre, parce que je suis en France. Mais c’est vrai que la capacité des Américains a s’impliquer et à agir me séduit beaucoup. Et puis il y a aussi, (il hésite…) enfin les Américains sont (il hésite encore…) enfin on est gentil. (Il se reprend…) Mais en fait c’est idiot, ça dépend des gens.
Je crois que je résisterai au patriotisme au sens où le patriotisme est une religion. Je me méfierai encore plus qu’avant de ceux qui sont sûrs d’avoir raison. Mais dans le même temps je sais qu’il y a une nécessité aux USA à être patriote. Et puis j’aime bien la terre américaine, le paysage.
Par contre, je crois que je résisterai à cette tendance qu’a la société américaine à te gouverner, à t’imposer ses mœurs.
3,14: A t’enrôler?
Aaron: Disons à te faire jouer un rôle. A te faire suivre un certain chemin.
3,14: Comment faut-il s’y prendre pour résister?
Aaron: En ne perdant pas de vue qu’il y a d’un côté soi, et de l’autre, le pays que l’on aime et dans lequel on habite. Les deux ne sont pas liés. Je serai prêt à être Américain dans ma façon d’aider les autres mais en dehors de ça je ferai ce que je dois faire. Je ferai en sorte de rester moi-même. Je crois qu’il faut toujours prendre le parti de l’individu.
3,14: Qu’est-ce que tu voulais faire avant de venir en France?
Aaron: Je voulais faire des langues et du commerce international.
3,14: Et maintenant?
Aaron: Je ne sais pas. Je sais seulement que je ne veux plus faire ça. Je veux être disponible.
3,14: Pour chanter?
Aaron: (Il hésite). Oui… Mais ça c’est mon jardin secret. La musique c’est ma vie. J’ai toujours voulu faire ça. Mais avant je n’avais pas confiance en moi. Si quelqu’un me disait, même en plaisantant, ‘t’y arriveras pas, c’est nul’, j’avais peur et je laissais tout tomber. Mais maintenant je suivrai mon chemin quoi qu’il arrive. Je serai moi.
Avant les gens ne me voyaient pas du tout comme j’étais. En tout cas ils ne me voyaient pas comme moi je me voyais, et je ne supportais pas ce décalage. On me disait des choses que je trouvais fausses car elles ne prenaient en compte qu’un aspect de ma personnalité. Par exemple, aux USA, on me trouvait snob alors que moi j’avais plutôt l’impression d’être timide. On me disait ‘tu es comme ça’ et moi j’étais aussi autre chose. J’ai l’impression que m’on refusait le droit à être quelqu’un de complexe. Mais maintenant je me moque de tout ça. Je suis prêt à rester une énigme…
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°15