8 000 euros : le coût moyen d’une année scolaire à l’étranger (8 000 pour les USA, un peu plus pour les pays les plus lointains, un peu moins pour les pays européens).
8 000 euros : le coût d’une voiture… une petite… la plus petite des voitures. Pourquoi cette comparaison ? Parce que ces deux « produits » vous permettent, chacun à leur façon, de bouger, de partir, de vous en aller… plus ou moins loin, plus ou moins longtemps. La comparaison s’impose avec évidence quand on sait que pour la majorité des consommateurs, l’automobile est associée prioritairement à trois idées : le déplacement, l’autonomie, la liberté.
La comparaison est judicieuse quand on sait que certains parents — aisés au demeurant — offrent une voiture à leurs enfants à l’occasion de leurs 18 ans. Ils y voient là un « symbole d’indépendance », une façon de les aider à « prendre leur envol » au moment du passage à la majorité. On peut d’ailleurs imaginer — sans grand risque de se tromper — que si l’automobile n’était pas si dangereuse, ils seraient bien plus nombreux à le faire, quitte à s’orienter — finances obligent — vers un modèle d’occasion.
Un séjour contre une automobile : poussons plus loin la comparaison. Raisonnons maintenant en terme d’investissement, d’avenir (d’autonomie et d’indépendance pour reprendre les mots des amateurs/consommateurs d’automobiles). Dans un cas, l’investissement est nul. La voiture, c’est bien connu, perd 20% de sa valeur aussitôt sortie du garage. Elle perd 50% en un an. Elle s’abîme de jour en jour, elle s’use, c’est ainsi, c’est inexorable ; dix ans après l’avoir acquise, elle ne vaut plus rien, et quoi qu’il arrive, elle termine à la casse. Dans l’autre cas au contraire — celui d’un séjour d’une année à l’étranger — il en va tout autrement. Le produit ne cesse de se valoriser. Aussitôt qu’un adolescent a pris la décision de partir, les bienfaits du séjour se font sentir, et à mesure que l’année avance, ils enflent : langue, maturité, indépendance… Ils s’étendent même bien au-delà du séjour proprement dit. Il suffit pour s’en convaincre de lire et de relire les témoignages de ceux qui sont partis une année. Ils parlent de « révélation », de « richesse intérieure », « d’atout professionnel », de « bagage pour la vie »… Vingt ans après leur retour, les participants savent que cette année les a changés pour toujours, et qu’elle ne cesse d’influer sur leur parcours et leur destin. Le séjour avec le temps prend toute sa valeur. Il se bonifie. Résumons par cette image : une voiture vous permet d’aller faire votre marché, un séjour vous nourrit pour la vie. Nos deux courbes d’investissement se croisent donc : de jour en jour, la voiture se déprécie. Pendant le même temps, celui qui a engagé un séjour long s’enrichit. Comparons maintenant les chemins parcourus. Dans le premier cas, les obstacles sont plus nombreux qu’attendus. On se croit en sécurité, bien au chaud dans son habitacle… On ne l’est pas. Que d’obstacles : perte d’énergie, embouteillages, crevaisons, fatigue, pannes, incidents, accidents… Conduire c’est mener un parcours du combattant. Dans l’autre cas, on s’attend au pire, on a peur, on ne veut pas se lancer, on refuse de mettre le contact. On a tort. La route est surprenante certes, mystérieuse à n’en pas douter, sinueuse parfois, mais fructueuse toujours. Car si les obstacles sont réels, ils sont franchissables, ils permettent d’emmagasiner de l’énergie, du savoir, de l’expérience. Partir c’est grandir un peu. Plus les participants avancent dans le temps plus leur route s’élargit, s’agrandit, s’embellit.
Le bilan est clair. Il doit servir de conseil et d’avertissement à tous les amateurs de déplacement, d’indépendance et de liberté. Quoi de plus rétrograde et irréfléchi, à l’ère de Davos, de l’explosion des coûts de l’énergie, que de s’offrir un bien aussi périssable qu’une voiture ? À l’opposé, quoi de plus raisonnable et de plus fécond que de s’offrir une année d’études, dans une école, là-bas, dans un pays lointain ?