Boris, étudiant PIE CAMPUS en 3e année à SUU (Cedar City, Utah), fait le point sur la façon dont son université a géré la crise sanitaire, sur les perspectives de reprise et sur les vertus et les limites de l’enseignement en ligne.
ÉTUDES EN LIGNE
Boris, Cedar City, Utah, USA
Études universitaires aux États-Unis
3.14 — Un point sur la crise sanitaire et sur ses conséquences au niveau de ton université ?
Boris — Cedar City est très peu impactée par le Covid-19. Le nord de l’État est plus touché, notamment la ville de Salt Lake, mais ici nous sommes plutôt épargnés (50 cas déclarés depuis le début). Pour autant les cours de visu ont cessé le 13 ou 14 mars pour être remplacés par des cours en ligne.
As-tu envisagé, à ce moment-là, de rentrer en France ?
Non pas vraiment. En fait, je me considère ici chez moi. Maintenant je suis installé, et il faut absolument que je finisse mon cursus et que je “graduate”. En partant en France, j’aurais clairement pris le risque de ne pas pouvoir revenir. C’est ce que m’a (nous a) clairement signifié le bureau des étudiants étrangers.
Concrètement, comme sont organisés les cours en ligne ?
Certains profs ont remplacé les cours habituels par des classes en lignes (aux heures habituelles), via des plateformes de type “zoom”. D’autres ont mis en place des cours en ligne sans échanges directs : dépôt des cours et des devoirs sur internet.
Et, dans ce cas-là, comment les étudiants échangent-ils avec les enseignants ?
On communique beaucoup en ligne, voire même au téléphone (questions/ réponses, échanges particuliers, etc.). Les profs sont très disponibles et relativement habitués à cette façon de procéder. On tombe en fait dans des formules de type cours en ligne classiques (comme des cours par correspondance), lesquels sont relativement pratiqués aux USA (notamment en “Community College”).
La formule est-elle concluante ?
D’après moi, pas tant que cela. C’est une alternative précieuse, mais pas une solution miracle. La plupart des enseignants ont tout de même fait évoluer leurs objectifs et leurs attentes par rapport aux étudiants ; et, bien entendu, à la baisse. C’est surtout vrai pour tout ce qui touche aux projets de groupe.
Mais au niveau individuel, le travail fourni est-il le même ?
C’est vrai que l’exigence individuelle a été (et reste) la même. Aucun travail et aucun cours n’a été supprimé, mais tout est plus compliqué : le “rendement” est simplement moins bon. On doit fournir plus d’efforts (de compréhension, d’attention, etc.) pour un résultat moindre. Il y une dimension “feeling”, échange, souplesse qui disparaît. L’enseignement en ligne a des vertus… mais des vertus limitées.
Avez-vous pu passer les examens ?
Oui… mais en ligne aussi, bien entendu! Avec des facilités offertes aux étudiants en termes d’accès aux sources et un contrôle de l’étudiant via une extension Chrome qui, combinée au partage d’écran, permet de repérer les éventuelles irrégularités. C’est une sorte de surveillance artificielle (qui signale les mouvements suspects des yeux)! Tout cela est un peu lourd et contraignant. J’insiste sur ce point : ce ne sont plus tout à fait de vraies études en campus.
Disons que tous ces systèmes, parfois pesants —voire inquiétants—, ont permis de “sauver” le semestre ?
Ajoutons à cela la possibilité de compléter sa formation et de rattraper le temps perdu en suivant la session d’été (qui dans mon université est passée à 12 semaines depuis l’an dernier).
Venons-en justement aux perspectives de reprise, qui intéressent tous nos étudiants, mais plus particulièrement ceux qui ont prévu d’engager leurs études aux USA en août/septembre. Quelle est la visibilité du côté de ton université ?
SUU a l’intention de rouvrir à la rentrée. Tout va, bien entendu, dépendre de la situation sanitaire, mais le “Dean” (responsable de l’université) a clairement cet objectif. Aux États-Unis, les situations varient beaucoup d’une région à l’autre, d’un État à l’autre et d’une zone à l’autre. Ici, nous n’avons jamais été totalement confinés (les restaurants ont continué à livrer, les magasins sont restés ouverts, il n’y a pas eu de quarantaine, pas d’interdiction de déplacement, etc.). Donc si l’université peut reprendre, elle le fera. Il faut bien comprendre l’enjeu économique que cela représente. La plupart des universités sont financées majoritairement par des investisseurs privés et par les “Tutions” (frais de scolarités). Si ça ne reprend pas, le système d’éducation supérieure peut s’effondrer.
Il est donc vital pour ces universités d’engranger des inscriptions, n’est-ce pas ?
Oui, absolument, et comme le secteur est très concurrentiel, l’université qui sera la plus attrayante risque de rafler la mise. Or rouvrir le campus est fondamental au niveau de l’attrait et ce pour deux raisons. Premièrement, parce qu’un des grands intérêts des études universitaires tient justement à la vie de campus (vie sociale, sport, activités) et, deuxièmement, parce que ce qui fait la force d’une université par rapport à un “Community College” tient, comme on l’a dit, au fait de loger sur place et au fait de suivre les cours en réel (et non en ligne). L’université qui pourra rouvrir physiquement en août/septembre aura un gros avantage en termes d’attractivité.
Et comme les inscriptions se font en ce moment, l’université qui, à l’heure actuelle, offre de bonnes perspectives en termes de réouverture peut engranger ces inscriptions ?
Exactement. Sans compter que c’est également fondamental pour la ville qui abrite le campus. L’économie d’une cité comme Cedar City dépend totalement de son université. Et elles sont des milliers dans le même cas aux USA.
Si la situation sanitaire évolue favorablement, qu’est-ce qui pourrait donc empêcher la réouverture à SUU ?
La même concurrence. Il peut y avoir des pressions de certaines autres universités. Si les gros campus de Salt Lake n’ouvrent pas, ce sera difficile de tenir, ici, à Cedar City.
Globalement je dirais que je suis plutôt optimiste car, si du côté sanitaire ça se calme, je ne vois pas comment un pays comme les USA pourrait se permettre de ne pas remettre en route son système universitaire à la rentrée.