Elle parle de “bascule”, de “seconde naissance”, d’année “marquée du sceau de la confiance”… À l’écouter, il y a l’Axelle d’avant et l’Axelle d’après !
De sa parenthèse à l’étranger, on ne retient pas tant l’apprentissage de l’indépendance ou de l’anglais que cette petite histoire de softball, qu’elle nous raconte avec émotion et qui vient souligner que ce projet de vie engagé à la sortie de l’adolescence, était fait pour elle… qu’il lui allait “comme un gant”. Et on salue, à cette occasion, le beau parcours de vie qu’il a généré et qu’Axelle a tracé avec confiance et détermination.
En images : Axelle d’hier et d’aujourd’hui (2000/2023)
Prénom : AXELLE
Nom : BOUDET
Nationalité : Française
Promo : 2000 / Dinosaure
Destination : Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada
Situation actuelle : 1re assistante réalisatrice (cinéma)
Pourquoi je suis partie avec PIE ?
J’avais conscience à cette époque-là que j’étais engagée sur un chemin de vie qui ne me convenait pas. Je voulais donc qu’il se passe un truc, que quelque chose change. Je souhaitais bifurquer, ouvrir une autre voie. Je ne savais pas laquelle, mais j’étais à l’affût. Au CDI de mon lycée, je suis tombée sur une brochure PIE. Je l’ai parcourue, Et, aussitôt, je me suis dit : “Bingo, c’est ça ! tu dois faire ça.” À partir de là j’ai potassé dur pour présenter l’idée à mes parents. De mon côté, j’étais totalement convaincu, mais eux il fallait leur vendre l’idée. Un soir, je me suis lancée : je leur ai mis en avant l’idée d’être bilingue bien sûr, mais l’expérience de vie, le fait de partir à l’aventure avant de m’engager dans des études, l’idée de trouver ma voie, etc, etc. J’avais tellement bossé l’affaire, qu’ils étaient bien obligés de prendre ça au sérieux. Ils m’ont dit qu’ils allaient réfléchir. Une semaine après ils m’ont dit : “Si tu es sûre de toi, c’est OK, pars.” Il se trouve que, depuis mon enfance, ils mettaient de l’argent de côté pour moi sur un compte (un PEL si je me souviens bien) : on a donc financé le projet avec cet argent-là.
Voilà comment, peu de temps après, j’ai assisté à la toute première réunion d’information à Grenoble, Le processus était lancé. À l’origine, j’étais partie sur les US, mais à l’époque les placements au Canada étaient plus simples et plus sécurisés. J’ai donc changé de destination. Je ne l’ai jamais regretté. Bien au contraire.
Et voilà comment, quelques mois après, j’ai débarqué à Ellershouse, un petit village paumé à une heure d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, au Canada. J’ai vécu là-bas toute une année avec ma famille d’accueil et en tant qu’élève de Hants West Rural High School.
Je me souviens qu’avant de partir j’avais peur de m’ennuyer. mais ça n’a pas été du tout, mais pas du tout le cas. L’année, au contraire, a filé si vite.
Mon année PIE en trois mots
DÉPASSEMENT DE SOI — C’est le mot-clé. Je me suis tellement ouverte là-bas ! Ouverte à tout… J’était tout le temps disponible. Pendant la phase de préparation, on n’a pas cessé de me répéter qu’il fallait aller vers les autres, qu’il fallait savoir se mettre en avant et s’engager dans les projets qui se présentaient. J’ai écouté les conseils. Avant de partir Je me suis vraiment conditionnée (sur le mode : “Saisis l’occasion… c’est la bonne année, va de l’avant !”) et j’ai quasiment switché de comportement dès mon arrivée. J’ai comme basculé d’un seul coup vers une autre Axelle… et à partir de là, je me suis dépassée tout au long de l’année. Pour moi qui étais un peu timide, c’était une sorte de challenge, et j’ai profité de ce passage vers un monde inconnu, pour changer et pour adopter cette attitude. Je me suis même un peu surprise à parler aux gens, à ne pas attendre forcément qu’ils me sollicitent. Il faut reconnaître que, là-bas, ils te mettent dans une configuration qui est propice à prendre confiance en soi et à oser. Les gens croient en toi ; alors ça te pousse et t’aide à ton tour. Il y a une sorte d’effet de feedback. Je pense notamment aux profs : cette façon qu’ils ont de s’investir, de sortir du cadre, de te prendre sous leur aile. Ils font preuve d’une forme de bienveillance à laquelle nous ne sommes pas habitués en France.
Grâce à cette confiance, je me suis lancée durant ce séjour dans des choses que je n’aurais jamais faites si j’étais restée en France. J’ai commencé là-bas à me dire que tout était possible, qu’il ne fallait pas hésiter à explorer des voies inconnues ou des chemins qui paraissaient a priori sans avenir. Et je dois dire qu’en revenant, j’ai conservé cette attitude. Et cela m’a aidée tout au long de ma vie.
MÉMORABLE — J’ai vécu, au Canada, la plus belle année de ma vie. Ça fait bientôt 25 ans que je dis ça… Le temps passe, mais je n’en démords pas. En une année j’ai créé tellement de souvenirs, j’ai noué tellement de contacts, j’ai eu tellement d’émotions. Parfois, j’ai l’impression que ma vie a démarré à ce moment-là… Oui ! ce voyage était comme une deuxième naissance. Une naissance dont je me souviens… voilà pourquoi j’ai choisi le mot “mémorable”… ou “inoubliable”, si vous préférez.
RELATIONS HUMAINES — J’ai remarqué que toutes les relations qui se nouent pendant ce séjour d’une année ont une couleur particulière. Cela est vrai pour la famille, les amis, les profs. Les liens que j’ai pu tisser là-bas sont particulièrement puissants. Cela est dû en partie à la durée de l’expérience ; et le fait de savoir qu’elle est limitée dans le temps vous oblige à vous engager différemment… et pleinement. Le pacte humain n’est pas le même. Et ça produit de beaux échanges. Ce n’est pas forcément toujours facile, mais c’est intense et ça marque à jamais. Au Canada, je me suis créé un monde. J’aime à le retrouver, quasiment tous les ans, quand je retourne sur place. Koreen, que j’ai rencontrée durant mon séjour, est une de mes meilleures amies, j’ai été témoin à son mariage, je connais très bien ses enfants. Nous sommes tout le temps en contact.
J’ai vécu, au Canada, la plus belle année de ma vie. Ça fait bientôt 25 ans que je dis ça… Le temps passe, mais je n’en démords pas. En une année j’ai créé tellement de souvenirs, j’ai noué tellement de contacts, j’ai eu tellement d’émotions. Parfois, j’ai l’impression que ma vie a démarré à ce moment-là…
Une anecdote sur mon séjour
Je retiens celle de mon prof de français : Mr. Wheaton. Je participais très activement à sa classe : en tant que Française, je pouvais aider les élèves, animer des activités, etc. Il se trouve que Mr Wheaton était également mon coach de softball. Et quand, dans la seconde partie de l’année, j’ai intégré l’équipe, quasiment d’emblée, il est venu me voir, il m’a tendu son gant de softball, en me disant :“Tu n’as pas besoin d’acheter de matériel. Voilà : c’est MON gant. Je l’ai eu à l’âge de 6 ans. Prends-le et garde-le : il est à toi !” Un gant de baseball, il faut savoir que cela a une portée très symbolique pour un Américain ! Or dans son cas, c’était le premier gant qu’il avait eu ! Il voulait sans doute me remercier. Mais c’était d’autant plus dingue, que je repartais en France à peine quelques semaines après et qu’il y avait très peu de chances que je continue à jouer. Je n’ai jamais revu M. Wheaton. J’ai même appris récemment qu’il était décédé. Mais j’ai gardé ce souvenir de lui. On se construit à partir des petites choses que l’on vous transmet, que l’on vous donne. Eh bien pour moi, il y a eu ce gant de baseball.
Le plus dur est de rester en phase avec les gens. Ils ne se rendent pas bien compte de ce que l’on a vécu. On leur raconte des choses, mais on a l’impression de rapporter une histoire qui n’est pas la nôtre
Un mot sur le retour
C’est compliqué le retour. Tu retrouves les gens que tu as laissés. Il sont les mêmes —pas de soucis de ce côté-là— mais toi, tu as l’impression d’avoir mûri de 20 ans dans ta tête, et de ne plus être trop comprise. Il y a un vrai décalage. Mais il s’estompe avec le temps. On se recale.
Le plus dur est de rester en phase avec les gens. Ils ne se rendent pas bien compte de ce que l’on a vécu. On leur raconte des choses, mais on a l’impression de rapporter une histoire qui n’est pas la nôtre : ça devient un brin irréel, ça semble désincarné et presque lointain. Alors on sent que nos propos n’ont pas de poids, que cela reste superficiel : l’auditoire veut passer à autre chose et nous on se sent un peu incompris. Du coup, on ne parvient pas vraiment à partager.
Mon parcours depuis le séjour
J’étais partie en fin de seconde. En rentrant, j’ai sauté ma première. J’ai donc passé mon bac de français en même temps que les épreuves de terminale. J’ai intégré ensuite une école de cinéma (l’ARFIS à Lyon). Une année assez générale puis une spécialisation montage. Dès la fin de la formation, j’ai travaillé dans une télévision locale comme journaliste-reporter. On partait avec une caméra, on assurait tout : filmage, prise de son, montage. On faisait aussi les plateaux télé (câblage, prise de vue, direct, etc.). Je suis passée par tous les postes. C’était très formateur.
Ma passion pour le cinéma
Je viens d’une famille de cinéphiles : mes parents allaient tout le temps au cinéma, ils nous montraient des films, nous parlaient films… et ma soeur aussi : elle collectionnait les fiches de comédiens américains, nous mettaient en scène, etc.
J’ajoute qu’en arrivant au Canada, mon père d’accueil, George, m’a tout de suite mis dans les mains une caméra VHS (qu’il avait empruntée au boulot) pour que je ramène des images. J’ai donc filmé tout au long de l’année. J’ai une tonne d’images, de prises de vue… Je n’ai jamais eu —ou jamais pris— le temps, mais Il faut qu’un jour je dérushe et que je monte tout ça !
Durant l’année, et grâce à cette caméra, j’avais même eu l’opportunité, de réaliser un petit film de fin d’année sur la remise des diplômes ! Autre moment clé : dans le courant de mon séjour, mes parents d’accueil m’ont dégoté un stage à la CBCNews d’Halifax ! J’avais rencontré à cette occasion Linda Kelly, qui était la présentatrice star de Nouvelle-Écosse : c’était dingue.
Tout ça a dû jouer dans mon imaginaire !
Mon travail actuel
Le parcours dans le monde du cinéma est long et aléatoire. Un jour, dans le cadre de mes multiples activités, j’ai rencontré une réalisatrice, Raphaêlle Bruyas, qui m’a mise en contact avec le monde du long métrage professionnel. Ça m’a mis le pied à l’étrier. Ça s’est bien passé, et de fil en aiguille, j’ai construit mon cv et je me suis installée sérieusement dans la profession, que ce soit du côté régie ou réalisation. J’ai gravi à peu près tous les échelons de la profession (il faut savoir que le cinéma est très hiérarchisé (très militaire à sa façon)… aussi bien dans l’organisation que dans le mode de fonctionnement) et aujourd’hui, je suis “Première assistante réalisatrice”. C’est un métier très particulier, car il touche autant à la logistique (organisation, mise en place, résolution de problèmes) qu’à l’artistique.
Si je n’étais pas partie, je crois que j’aurais dû faire face à beaucoup de déceptions, voire de refoulements..Or, tout ce que j’ai fait à partir de mon année au Canada a été modelé autour de cette idée que les portes n’étaient jamais vraiment fermées
Relation à PIE ?
Durant mes années de formation —je dirais même de recherche ou d’errance professionnelle—, il y a eu des moments de creux et/ou de doute. Dans un de ces moments, le bureau national de PIE m’a proposé un poste à Aix-en-Provence. J’ai accepté. J’ai adoré les années PIE, que ce soit en tant que bénévole (à partir de 2002-2003) ou en tant que salariée (2007-2009), mais au bout de quelque temps, je suis revenue à mes premières amours : j’ai acheté ma caméra, créé mon auto-entreprise et réalisé de l’institutionnel et de l’événementiel. Je faisais tout de A à Z : écriture, tournage, montage. Ça a duré 6 ans (2009-2015). En parallèle, j’ai commencé à intégré le monde professionnel en participant à de gros tournages, le tout entrecoupé par une année en PVT (permis Vacances Travail) à Montréal et à Vancouver, au Canada.
Pour ce qui est de la relation à PIE, je dois dire que j’ai trouvé dans l’association des gens qui étaient sur la même longueur d’onde que moi. Parce qu’ils avaient le même vécu, ça résolvait cette question du décalage dont je parlais plus haut. Mon activité professionnelle m’a un peu éloignée de PIE, mais j’ai gardé le contact avec le petit groupe de copines PIE que l’on s’était créé à Lyon. On est comme une famille dans la famille. On est très proches,
Si je n’étais pas partie avec PIE.
Je pourrais bien entendu parler de l’anglais que je ne maîtriserais pas —et qui m’aide pourtant énormément dans mon métier en m’offrant des possibilités de tournage qui ne s’offrent pas à d’autres)—… mais tout cela est presque secondaire.
En fait, le plus important, c’est que grâce à cette année j’ai avancé sans avoir à appréhender les choses par la négative. Si je n’étais pas partie, je crois que j’aurais dû faire face à beaucoup de déceptions, voire de refoulements… Or, tout ce que j’ai fait à partir de mon année au Canada a été modelé autour de cette idée que les portes n’étaient jamais vraiment fermées, qu’il fallait emprunter celles qui étaient entrouvertes, qu’il fallait toujours essayer, oser, tenter. Cette année, c’est donc l’année de la “prise de confiance”… et, ce séjour, le point de bascule de toute ma vie. Si je n’étais pas partie, je pense que je serais enfermée dans une voie (une vie) qui ne me correspondrait pas. J’en suis même fermement convaincue.