Une adolescente timide —et même un peu perdue— s’inspire d’un reportage télé pour construire son projet et ouvrir sa propre voie. À 16 ans, elle part pour une année aux États-Unis. Son séjour à l’étranger ne correspond pas vraiment à ce qu’elle imaginait, mais comble ses attentes. Douze ans après cette année d’échange, Laetitia retrace les grandes étapes de son éclosion. Elle relate, comme une anecdote, une journée mémorable durant laquelle elle a pris de la hauteur. Elle raconte comment elle a résolu là-bas l’équation du départ et de l’adaptation ; elle nous dit que PIE lui a servi à la fois d’outil et de porte-voix. Aujourd’hui, Laetitia fait confiance au mouvement.
En images : 1. Laetitia d’hier et d’aujourd’hui (2012/2024) – 2/4/5. Laetitia durant son année aux États-Unis avec PIE en 2012 : “Going away party” / “School Mascot” / “Prom Group” – 3. De retour dans le Texas : Laetitia et sa mère d’accueil
Prénom : LAETITIA
Nom : LANCELLOTTA
Nationalité : Française
Promo : 2012 / Caribou Corail
Destination : Grapevine (banlieue de Dallas), Texas, USA
Situation actuelle : Chef de projets dans la “Tech”
Pourquoi je suis partie avec PIE ?
J’avais 12-13 ans à peu près, quand j’ai vu un reportage télé sur des adolescents, membres du Rotary, qui étaient partis vivre une année à l’étranger. Cela m’avait beaucoup marquée et était resté imprimé en moi. Parallèlement, dans la période qui a suivi, j’ai vraiment commencé à prendre conscience du fait que j’étais extrêmement timide. C’était quasiment maladif : j’avais du mal à aller à la rencontre des gens, j’avais même du mal à sortir de chez moi, Je vivais ça comme un handicap. J’ai vite compris qu’il fallait que je me mette en danger, que si je ne me faisais pas violence, je ne m’en sortirais pas. Cette prise de conscience et ce reportage se sont en quelque sorte télescopés : le séjour d’un an à l’étranger se présentait comme LA solution : assouvir ce rêve et régler un problème. J’avais vraiment peur de me lancer, mais je savais intuitivement que c’était la porte de sortie.
Cela a vraiment mûri au plus profond de moi… sans que, pendant très longtemps, j’en parle à qui que ce soit. Quand je me suis confiée à mes parents, Ils m’ont dit : “Ok, mais tu te débrouilles pour les démarches…” C’était responsabilisant : j’ai commencé à regarder plusieurs organismes. PIE a retenu mon attention, parce que c’était une association et parce qu’on était accompagnés tout le long du projet. Nous n’étions pas livrés à nous-mêmes. À l’époque, il n’y avait pas de réseaux sociaux, j’ai donc demandé la brochure et passé beaucoup de temps sur 3.14. Là, j’ai trouvé de vrais témoignages, qui parlaient de vrais gens, qui reflétaient avant tout la diversité des expériences. J’ai eu vraiment la sensation qu’il n’y avait pas deux parcours similaires, alors qu’ailleurs je ressentais que tout était standardisé (dans la préparation, les profils des jeunes et des familles, etc.). J’ai appelé, j’ai tout de suite aimé le contact, et par la suite, et tout au long de la préparation, j’ai senti beaucoup de bienveillance.
J’ai vite compris qu’il fallait que je me mette en danger, que si je ne me faisais pas violence, je ne m’en sortirais pas. J’avais vraiment peur de me lancer, mais je savais intuitivement que c’était la porte de sortie.
Mon année PIE en trois mots
DÉCOUVRIR — Découverte d’un pays, découverte de personnes, découverte de moi-même. Ça se joue à tous les niveaux et sur tous les plans. J’ai expérimenté un espace, des contrées éloignées (des États exotiques, comme Hawaï…), mais aussi des petites choses du quotidien qui colorent l’existence autrement.
Dans le cadre de ce séjour, on repart de zéro, on ose être celui ou celle que l’on n’a pas pu être avant, on teste, on met en avant certaines choses, parfois enfouies ou cachées. Cela implique une forme de renaissance : ailleurs et autrement !
SE RÉINVENTER — Personnellement, j’ai compris que je me censurais beaucoup et en permanence, que je n’osais pas prendre ma place. En cela, les Américains sont très forts, eux savent occuper l’espace ! Et ils m’ont invitée et incitée à faire la même chose, à exprimer ma personnalité, à extérioriser. En les imitant, mon espace s’est naturellement agrandi. Ça a bluffé les miens : ils me l’ont dit à mon retour. Le plus fort dans cette expérience tient, je crois, à la possibilité de se réinventer. Quand on reste dans sa zone —dite de confort (son collège, son lycée, son quotidien huilé)— on est vite soumis à l’opinion que les autres se sont forgée sur nous au cours du temps, ou que nous même avons forgée, parfois à notre corps défendant. Dans le cadre de ce séjour, on repart de zéro, on ose être celui ou celle que l’on n’a pas pu être avant, on teste, on met en avant certaines choses, parfois enfouies ou cachées. Cela implique une forme de renaissance : ailleurs et autrement !
CRÉER DES LIENS — Douze ans après mon séjour, je garde des liens forts avec ma famille d’accueil, au sens large (mère, oncles, tantes, cousins…), mes amis du lycée. On se voit aux mariages des uns et des autres, On maintient le contact. Au départ, j’étais tellement tiraillée entre les deux cultures que j’ai ressenti très vite le besoin de repartir en Amérique du Nord. Aujourd’hui que je suis à nouveau fermement ancrée en France, je sens que ce lien avec le Texas et avec mon année perdurera. Je sais que là-bas, je serai toujours la bienvenue et toujours chez moi. Et cela va au-delà du Texas. Depuis ce voyage à l’adolescence, je me suis sentie chez moi partout où j’ai vécu ou résidé. L’expérience est transférable. Et je crois avoir acquis aujourd’hui la capacité à m’approprier ces lieux lointains et à en faire des chez moi. Je ne me sens plus étrangère. Partir un an, ça apprend à résoudre l’équation du départ et de l’adaptation. Une fois que tu sais le faire, si tu dois repartir, tu n’as plus qu’à changer les variables, mais l’équation reste la même.
Et en haut de cette tour de contrôle, j’ai pensé : “Mais on s’en fout qu’il n’y ait pas d’enfants, pas de mari… elle me fait vivre là ce à quoi je ne m’attendais pas. Le rêve que je n’avais pas programmé. Elle est trop cool cette femme. Et c’est super comme ça !”. Tout cela avait du sens.
Une anecdote sur mon séjour
Ma mère d’accueil était manager de l’aéroport de Dallas. Un jour, pour me montrer son métier, elle m’a emmenée dans la tour de contrôle de l’aéroport. C’était impressionnant : j’ai dû laisser mon passeport à l’entrée —car tout était hyper sécur—, remplir des tonnes de paperasse, etc. … et je me suis retrouvée toute une journée au coeur du système, en haut des tours, à voir les contrôleurs faire décoller et atterrir les avions. Un moment hors du temps. Et là je me suis dit: : “Mais tu vis un truc de dingue ; non seulement t’as 17 ans et tu vis aux US et en plus ta mère d’accueil te fait découvrir une chose incroyable, inconnue, improbable !” J’ai pensé alors au privilège qui était le mien. J’ai mesuré ma chance. Je n’étais absolument pas dans la famille d’accueil que j’avais imaginée (avec le couple de parents, les enfants, le chien… le tout dans l’État dont j’avais rêvé —en gros la Californie ou la Floride…— non, pas du tout. J’étais au Texas dans la banlieue de Dallas, avec une femme seule (jamais mariée, jamais d’enfants) avec ses trois gros chiens… Et en haut de cette tour de contrôle, j’ai pensé : “Mais on s’en fout qu’il n’y ait pas d’enfants, pas de mari… elle me fait vivre là ce à quoi je ne m’attendais pas. Le rêve que je n’avais pas programmé. Elle est trop cool cette femme. Et c’est super comme ça !”. Tout cela avait du sens.
Mon parcours depuis le séjour
Au retour, j’ai fait ma terminale, j’ai passé mon bac et je suis repartie directement. Ça a compliqué un peu ma relation avec mes parents. Il faut dire que je les avais mis un peu devant le fait accompli : j’avais acheté moi-même mes billets d’avion ! Je n’avais même pas fait mes demandes APB, car j’étais sûre de mon choix, mais eux ne comprenaient pas trop ma décision. Avec le temps, cela s’est apaisé. Je n’avais pas les moyens d’étudier aux US, alors j’ai opté pour le Canada. Je me suis donc retrouvée à Montréal. Au terme de 4 années d’études, j’ai obtenu un “Bachelor” en administration des affaires, Dans la foulée, j’ai travaillé dans la gestion des affaires culturelles, j’avais en charge l’organisation de tournées d’orchestres symphoniques (aux USA, au Canada et en Amérique du Sud). Entre mes études et mon travail, j’ai passé 10 ans en Amérique du Nord, Je me suis mariée avec un Américain. Il se trouve qu’il est chef d’orchestre et que son travail l’a amené à se tourner plus vers l’Europe. De mon côté, mon boulot était épuisant, et j’étais prête à passer à autre chose, alors on est rentrés en France. Je bosse aujourd’hui dans la “Tech”. Je suis devenue chef de projet chez Numberly. J’ai été engagée par rapport à mon parcours (études, passé pro) pour suivre en tant que client le groupe américain PNG (Oral B, Pampers, Head & Shoulders, etc.). Mon mari, quant à lui, est appelé à beaucoup se déplacer en Europe et aux États-Unis, donc on est souvent là-bas.
Mais j’ai une forme de confiance dans le mouvement. Je ne cherche plus à être dans le contrôle permanent. Cela me donne une forme de confort, qui m’aide énormément.
Ta relation à PIE ?
Il est évident que ma maîtrise de l’anglais m’aide beaucoup et qu’il y a une sorte de lien ininterrompu entre mon année au Texas et mon parcours, tant personnel que professionnel. J’avoue que je dis merci à PIE tous les jours. Au niveau purement pratique, je compare PIE à un super outil que j’ai eu entre les mains à l’adolescence et dont j’ai pu faire usage pour construire ma vie. Émotionnellement, PIE est devenu quelque chose de très important… Ça s’est passé, il y a trois ans, au moment où je me suis réinstallée en France. Je suis arrivée à Paris un 21 juillet ; quand je suis sortie de l’avion, j’ai mis une story sur Instagram : Manon (Brevet), qui travaillait au bureau de Paris, l’a vue et dans les minutes qui suivaient m’a écrit : “Tu es de retour, viens donc nous voir… et rejoins PIE comme bénévole !” C’est exactement ce que j’ai fait. Le 22, j’intégrais l’équipe ! Aujourd’hui, PIE fait partie de ma vie. Je me sens entourée de gens qui comprennent exactement ce que j’ai vécu, qui savent à quel point c’était difficile, beau et unique. Contrairement à ce qui se passe dans des écoles ou des cercles professionnels où on est en cercle clos, à PIE, on se retrouve avec des gens de tous les âges, d’horizons très différents, avec toute sortes de métiers, d’opinions, mais qui ont ce petit/grand dénominateur commun de l’année passée, tout jeune, loin de la France et des siens. Il y a une forme de compréhension réciproque de nos expériences et de nos ressentis. J’encadre aussi des jeunes, c’est trop cool… ça fait hyper plaisir. Je dois avouer qu’aujourd’hui, PIE c’est 50% de ma vie sociale.
Si je n’étais pas partie avec PIE…
Waouh… retour en 2010… j’étais vraiment perdue. Je crois que j’aurais fait ce que mes parents m’auraient dit de faire : une école de commerce… d’ingénieur… Sciences-Po peut-être. J’espère que j’aurais fini par me “trouver” —ou me “retrouver”— mais j’aurais à coup sûr perdu beaucoup de temps. PIE m’a orientée, m’a permis. —peut-être même contraint— de m’affirmer. Car à l’étranger, tu n’as pas le choix. PIE a servi de porte-voix, m’a autorisée à m’écouter et à emprunter justement ma propre voie. Pour être franche, aujourd’hui, je me sens à nouveau un peu perdue, plus très sûre de mon parcours professionnel et de la direction que je veux prendre. Mais j’ai une forme de confiance dans le mouvement. Je ne cherche plus à être dans le contrôle permanent. Cela me donne une forme de confort, qui m’aide énormément. Je sais que j’ai acquis tout cela durant mon année d’échange.