Je me souviens du jour où j’ai débarqué à l’aéroport, des formulaires roses auxquels je ne comprenais rien, de mon sac PIE sur le tapis roulant, de Tony et Karla, main dans la main dans le hall d’arrivée. Et puis, tout est allé si vite : le parking, la grosse voiture grise, l’autoroute, les mots et les phrases incompréhensibles et la musique qu’ils dessinent, le réveil dans cette chambre où ma famille m’avait accroché les photos de mon collage, la lumière derrière la fenêtre, les maisons de toutes les couleurs, la balade en moto dans la montagne avec Paco mon frère d’accueil, les fiestas, les vueltas, le billard, la boliche, le shopping, la Sierra Nevada, mon petit frère – Jechu – sautant dans la voiture à la sortie de l’école. Il était tout trognon, tout gentil, et il parlait si vite. Et le départ de ma soeur Karlita, pour la France, comme une petite brûlure. À la fin de mon séjour, le jour du départ, on est à nouveau à l’aéroport : Tony (« mi mamacita ») et moi, on pleure ; dans l’avion, je pleure toujours ; il y a des turbulences, je pleure toujours. Je loupe ma correspondance, je pleure toujours. À Roissy, je ne vois pas mon père, j’ai oublié le français, ma bouche ne sait plus prononcer certains sons, elle ne sait plus conjuguer certains verbes, ma voix ne semble plus être la mienne.
Aujourd’hui, c’est la nostalgie. Karlita monte parfois me voir sur Paris, « mi hermanita querida ». Moi, je cherche à parler espagnol autant que je peux, avec toux ceux que je rencontre, les inconnus que je croise dans le métro qu’ils soient Colombiens, Catalans, Péruviens ou Mexicains. Demain j’accueillerai tous ces étrangers à l’aéroport et je leur montrerai Paris et la France, un peu comme ils m’ont montré Chiwas, Monterrey, Majalca, Creel. Bientôt je repartirai là-bas, on viendra me chercher à l’aéroport d’El Paso et c’est à l’aéroport d’El Paso qu’on me raccompagnera.
Je ne sais plus si j’aime ou si je déteste les aéroports.
Virginie /3 mois au Mexique en 2004