Clémentine est connue du grand public pour avoir été une figure du sport sur la télévision publique ; elle est connue des mères pour produire, publier et animer un podcast novateur sur la parentalité ; elle est connue de PIE en tant qu’ancienne participante et fidèle ambassadrice. À 18 ans, Clémentine est en effet partie avec notre association vivre une année aux États-Unis. C’était en 2006, il y a exactement 18 ans !
Dans le cadre de ce “Parcours d’anciens”, 3.14 recueille aujourd’hui sa parole : Clémentine évoque pour nous ce voyage au long cours, survenu donc “au milieu du chemin de sa vie”, une sorte d’odyssée qui a orienté son parcours, lui a ouvert une voie, et a changé sa destinée, aussi.
Quand, en 2006, elle s’envole pour la première fois en direction de Minneapolis, Clémentine attend sans doute beaucoup… elle rêve de construire son récit, mais elle ne se doute pas que, là-bas, elle va trouver bien plus. Elle ne peut, en effet, pas imaginer qu’elle va être adoptée par une école et une famille —et les adopter en retour—, et que ce coin du Minnesota où elle s’apprête à atterrir, va devenir sa “Safe place”, un lieu vers lequel elle reviendra sans fin, surtout dans les moments de doute ou de crise, quand il s’agira, somme toute, de se ressourcer ou d’éclaircir sa route.
Au lieu d’errer dans une forêt sombre, Clémentine a, au milieu du chemin de sa vie et grâce à ce séjour, trouvé le phare qui l’éclaire et la guide.
En images : 1. Clémentine d’hier (2006) et d’aujourd’hui — 2. La “Prom” — 3. “Soccer player” — 4. Maison d’accueil dans le Minnesota — 5. En famille aux Bermudes — 6. Une partie de la famille d’accueil de Clémentine en France (2017)
Prénom : CLÉMENTINE
Nom : SARLAT
Nationalité : Française
Promo : 2006 / Kiwi Orange
Destination : Minneapolis, Minnesota, USA
Situation actuelle : Journaliste, Créatrice, productrice et réalisatrice de Podcast
Pourquoi je suis partie un an avec PIE ?
À 14 ans, je suis tombée, par le plus grand des hasards, sur une brochure PIE. C’était l’été, dans les Pyrénées, dans un hôtel à Saint-Lary. Un lieu et une “rencontre” improbables. Tout à coup, j’ai découvert qu’on pouvait partir dans un lycée aux États-Unis et vivre toute une année comme une Américaine ! Ça a fait boum. Je sais qu’à partir de là, je n’ai plus eu que ça en tête. “Je veux faire ça” !… est devenu ma seule et unique volonté. Qu’est ce qui me tentait ? Le lycée, la vie américaine, l’aventure qui se profilait… et le récit qui l’accompagnait. J’ai grandi dans les années 90, je suis de la génération “Beverly Hills”, on rêvait autour des séries. Je suis de nature plutôt curieuse et je me souviens que j’avais cette obsession… d’apprendre, apprendre, apprendre ! C’était un leitmotiv. J’ai compris alors que l’occasion était trop belle.
Ah oui, je m’en souviens de cette brochure PIE. Croyez-moi, elle a au moins convaincu une personne !
Nous sommes en 2005, autrement dit, au tout début de la communication et de l’information via le net ; les réseaux n’existent pas, les communications avec les USA coûtent cher… le papier et la parole sont encore les seules voies classiques et démocratiques de transmission. À l’époque, à PIE vous publiiez déjà des témoignages, en ligne et via 3.14. Vous aviez vraiment cette capacité à fabriquer du récit. Cela me convenait parfaitement. Je me souviens que j’ai tout avalé, et puis j’ai participé au stage. Et là, c’était incroyable, de vrais participants, qui venaient de rentrer et qui nous racontaient leur vie et leur voyage. Encore de la narration… C’était galvanisant.
Pour mes parents, il a fallu digérer. J’étais jeune pour partir seule (je trouvais bizarre qu’ils aient de l’appréhension, mais aujourd’hui que je suis mère, je comprends un peu mieux le problème !) et c’était financièrement compliqué… on a donc donné du temps au temps, pour que l’idée fasse son chemin et que mes parents économisent un peu. J’ai attendu trois ans. Et à 18 ans, j’ai filé !
Mon année PIE en un mot
UN CHANGEMENT DE VIE — Je me suis vraiment épanouie dans le système scolaire. Il se trouve qu’une école privée aux USA m’avait sélectionnée, et avait choisi de m’attribuer une bourse. The Blake High school était (et reste encore aujourd’hui) une école particulièrement prestigieuse (sans doute un des dix meilleurs lycées américains) et très chère (35 000 $ à l’époque !). Inutile de vous dire que sans cette bourse je n’aurais jamais pu être scolarisée là-bas.
Passer un an au sein de cette High School a été une opportunité incroyable, dans la mesure où j’ai bénéficié d’une éducation hors normes. C’était bien entendu un environnement très particulier (entourée soit de gens très favorisés, soit de boursiers, soit d’adolescents dont les parents s’étaient saignés pour l’éducation de leur enfant…), mais quelle richesse au niveau de la pédagogie, des rencontres, des apprentissages ! On travaillait tous très dur (et moi qui ne maîtrisais ni la langue ni les codes, encore plus que les autres), mais j’ai profité à fond de ce cadre. C’était une déconstruction complète de tout ce que j’avais connu scolairement, notamment au regard de la structure pyramidale propre au système éducatif français (construite autour du cours magistral), où tout part du sachant… et sans forcément tenir compte de l’interlocuteur. L’investissement de l’élève était totalement différent et cela jouait sur la réflexion et l’implication de ce dernier.
J’ai souvenir, par exemple, d’un cours d’histoire sur la Révolution française où le prof avait scindé la classe en deux groupes : les pro révolutionnaires d’un côté—lesquels étaient favorables à ce que l’on coupe la tête du roi— et de l’autre, ceux qui voulaient maintenir la monarchie ou du moins un certain ordre établi. On devait justifier nos points de vue et nos actions, on développait nos arguments. Nous étions tous très concernés, et moi la première. Je me souviens de ce cours comme d’une vraie découverte, une remise en cause profonde des principes que l’école française m’avait inculqués. J’ai aussi appris, là-bas (à l’occasion d’un événement sur lequel je reviendrai), des choses que je ne soupçonnais pas et dont je n’avais jamais entendu parler quand j’étais en France…. relativement à l’Algérie, par exemple, et aux massacres de Sétif —et alors même que je venais d’une famille “Pied-noir” originaire justement de Sétif ! L’histoire avec un grand H avait rejoint à cette occasion mon histoire familiale. C’était fort. Et plus globalement, j’ai découvert, en moi —et en grande partie grâce à cette éducation—, des ressources cachées.
J’ai réalisé il y a peu que ce voyage aux États-Unis a eu lieu il y 18 ans, alors même que j’avais 18 ans, et je sais que cette aventure —qui marque donc aujourd’hui le milieu de ma vie— l’a changée en profondeur et dans des proportions que je n’aurais jamais pu imaginer avant mon départ. Elle l’a éclairée, lui a donné du sens.
Vous savez qu’il n’y a quasiment pas une semaine depuis 18 ans, sans qu’on échange avec ma famille américaine ! Hier encore je les avais au téléphone. Pas un moment important de ma vie sans que j’en réfère à eux. Je retourne très régulièrement les voir (tous les deux ans au minimum). Et, dès que je ne vais pas bien, dès que je traverse une période difficile, je me précipite là-bas. Ça me ressource et ça me tient lieu de réconfort. Minneapolis est devenue ma “Safe place”.
Dès que je ne vais pas bien, dès que je traverse une période difficile, je me précipite là-bas. Ça me ressource et ça me tient lieu de réconfort. Minneapolis est devenue ma “Safe place”.
Un exemple ? Il y a cinq ans, je travaillais pour France 2. Cela se passait très mal, je me sentais dans la nasse. Je suis partie là-bas. J’ai beaucoup parlé avec ma famille. Ce sont tous des entrepreneurs, avec une approche et une vision totalement différentes de la relation au travail et au salariat de celle que l’on a en France. Ils m’ont dit : “Mais qu’est-ce que tu fais là dedans ? Quitte…Tu vas rebondir ailleurs.” Le lendemain de mon retour, j’ai démissionné. Ce fut une délivrance.
De même, il y a deux ans, j’ai vécu une période personnelle très pénible, j’étais en dépression. Je suis partie à Minneapolis : là, ils ont pris soin de moi, m’ont accompagnée, m’ont aidée à initier des changements profonds qui font qu’aujourd’hui je suis heureuse.
Là-bas, je me régénère, dans tous les sens du terme (concrètement, je prends des bains dans l’eau glacée —ils font beaucoup ça !) et quand je reviens, j’ai changé.
De même, je suis toujours en contact avec mon école, avec des profs de l’époque qui sont toujours en activité : je pense à Sylvana, ma prof de Français, ou au directeur des Programmes internationaux, celui-là même qui avait soutenu ma candidature à la bourse. Je vais le voir à chaque fois que je viens à Minneapolis… on s’écrit régulièrement et je lui raconte ma vie.
En résumé, mon espace américain m’ouvre, m’offre la possibilité de prendre du recul. de voir les choses autrement, de les lire et de les interpréter différemment, Ma famille américaine fait aujourd’hui définitivement partie de ma vie. Elle est devenue “ma” famille” tout court, au même titre que ma famille naturelle. Je me suis construite avec elle et grâce à elle.
Oui, je ne le dirai jamais assez, cette année m’a changée et a orienté toute ma vie.
Une anecdote sur mon séjour
Je retiens une anecdote familiale et une anecdote scolaire.
J’ai accouché deux fois à la maison. Par choix ! J’ai suivi en cela l’exemple de ma soeur américaine. C’était l’année de mon séjour. Je dormais chez elle quand elle a accouché… J’avais donc pu assister de près à l’événement —j’y ai même participé du fait de la proximité et de l’aide que j’ai pu apporter— et je sais que cela m’avait profondément marquée… je dirais même transformée. Comment ne pas faire le lien également avec le podcast que je publie sur la parentalité et le postpartum, lequel est très influencé par ce que j’ai vécu et par ce que j’ai appris depuis sur le sujet (surtout aux USA).
Côté scolaire, pendant mon année, je suivais un cours de “Model U.N”, autrement dit de mini ONU. Dans ce cadre nous nous sommes déplacés avec mon école à Chicago pour participer à une convention (qui regroupait des centaines d’élèves). Nous y avons rejoué une sorte de crise internationale. Une fois en cours de Relations Internationales, je me suis retrouvée à représenter Israël, en tant qu'”Ambassadrice”. Je devais réfléchir à l’approche et à la stratégie diplomatique en adoptant uniquement le point de vue du pays. Je devais voter comme Israël, prendre les mêmes résolutions qu’eux et expliquer pourquoi, etc. C’est une démarche très perturbante mais passionnante : on sort de la discussion “café du commerce” et des jugements péremptoires, pour plonger dans la réalpolitique, ça aide à comprendre les positions des uns et des autres, ainsi que les enjeux internationaux réels.
Mon parcours depuis le retour
À l’été 2006, quand je reviens de mon séjour scolaire, je ne sais pas trop ce que je veux faire. Je pense à Sciences-Po, sans trop de conviction, car je ne me sens pas vraiment dans le moule. Alors je me lance dans une licence d’histoire, car je veux repartir à l’étranger, et parce que c’est possible via Erasmus. Je choisis l’Espagne et Cadix, histoire de profiter de la chaleur (après une année passée dans le froid du Minnesota).
En parallèle, je m’implique dans les grands événements sportifs (Coupe du monde en Afrique du Sud, puis au Brésil, etc.) Je réussis à me faire une place dans ce monde-là grâce à mon anglais, et à mon espagnol aussi.
Après la licence, j’opte pour un Master en alternance, car j’ai besoin de concret. Je veux travailler. J’intègre France 2 : deux ans en alternance, suivis de deux ans en tant que pigiste. En 2014, je dégote un CDI en tant que journaliste dans le même groupe. À France2, je couvre beaucoup de gros événements, dont le tournoi des 6 nations (je réalise notamment les interviews sur le terrain). Mon retour de congé maternité se passe très mal : ambiance néfaste et conflictuelle, j’étais sous pression. Je démissionne donc brutalement.
Ce changement de vie dont j’ai parlé, je le dois à PIE… et j’en serai toujours reconnaissante à l’association. J’évoque souvent PIE : je parle de mon expérience, je parle de mon année, de mes acquis
Nous sommes en 2018. Il me faut rebondir Je m’installe rapidement en micro entreprise, toujours en tant que journaliste. J’ai de la visibilité. Je présente, entre autres, des soirées. J’ai de la chance car c’est assez rémunérateur.
Quelque temps après, j’ai l’idée de lancer un podcast. J’ouvre une petite parenthèse à ce sujet : mon séjour aux USA avec PIE correspond au tout début des réseaux sociaux. Quand je suis rentrée des États-Unis, je me souviens que j’ai installé Facebook à tous mes potes. On ne mesurait pas encore la révolution que ça allait être, mais on plongeait dans une nouvelle ère. En 2018, le concept des podcasts a commencé à se développer outre-Atlantique. Ça n’existait pas trop en France, mais personnellement, j’en écoutais pas mal. Je lance donc un premier podcast sur le sport et, dans la foulée, un second sur la parentalité. J’avais à témoigner d’énormément de choses sur le sujet que j’avais apprises aux États-Unis et qui n’étaient pas connues ou répandues en France. Le succès a été rapide. La Matrescence compte aujourd’hui plus de 120 000 abonnées : c’est un des premiers podcasts de France (avec plus de 15 millions d’écoutes au total). Je sais qu’il aide tout un tas de monde et qu’il a changé la vie de beaucoup d’auditrices et d’auditeurs. Je suis fière de ça. Il se trouve par ailleurs que le média podcast est très rémunérateur quand il tourne bien (pour vous donner une idée, aujourd’hui, mes revenus sont deux fois supérieurs à ce qu’ils étaient à France 2). Je mène donc, et aussi bien que je peux, ma petite entreprise média, qui compte trois salariées !
Ma relation à PIE ?
Ce changement de vie dont j’ai parlé, je le dois à cette brochure qui traînait dans un hôtel des Pyrénées, je le dois à PIE… et j’en serai toujours reconnaissante à l’association. J’ai fait partie du conseil de PIE. J’évoque souvent PIE : je parle de mon expérience, je parle de mon année, de mes acquis (linguistiques évidemment mais pas seulement), j’en parle sur les réseaux sociaux, un peu partout. Souvent, très souvent même, on m’écrit : “Ah je connais”… ou “Moi aussi je suis parti avec PIE” ou encore “Ah je suis de la promo Kiwi Orange… comme toi”. Je découvre que des gens que j’ai interviewés dans le cadre de mon podcast sont eux aussi des anciens participants au programme.
Vous voyez, PIE m’accompagne.
Si tu n’étais pas partie avec PIE ?
Je dirais que ma vie n’aurait pas eu la même saveur… je peux même dire qu’elle aurait été nulle. Je dois beaucoup à cette année, je sais qu’elle a tout changé pour moi !