Stéphanie Leseigneur, assistante de direction et auteure

En  images : Stéphanie d’hier (lors de son séjour PIE aux USA)… et d’aujourd’hui.

Stéphanie, une année scolaire aux USA avec PIE en 1991 — Le jour de sa Graduation Stéphanie en 2018 — Une année scolaire aux USA avec PIE (1991)

Année de séjour : 1991
Lieu de séjour : Hastings, Nebraska, USA
École : Hastings High School
Lieu de vie actuel : Le Havre
Profession : Assistante de direction et auteure
Employeur : Société des Régates
Un enfant : Tom

 

 

 

 

 

 

 

PARCOURS D’ANCIENS — STÉPHANIE LESEIGNEUR — VINGT-CINQ ANS APRÈS

3.14 se penche sur le parcours de Stéphanie ; un parcours jalonné de voyages (une année aux USA en 1991 avec PIE), de grands virages et d’une grande épreuve.

ENTRETIEN — 3.14 — Un mot, pour commencer, sur les débuts de ta relation à PIE ?
Stéphanie — J’étais adolescente, je venais d’avoir le bac et j’avais un an d’avance. Je tenais absolument à être traductrice. Parler parfaitement l’anglais était une sorte de “prérequis”. Je cherchais donc le meilleur moyen d’y parvenir, quand je suis tombée, je m’en souviens parfaitement, sur une pub parue en dernière page de “Femme Actuelle”. J’ai tout de suite franchi le pas. Nous étions en 91, au début de la première guerre du Golfe et je me souviens que pendant un moment le séjour avait été remis en question. Quand j’ai eu la confirmation que finalement il était possible de partir, je me souviens que j’étais ravie et que tout, à partir de là, a été à la fois simple et rapide.

3.14 — Plus de vingt ans après, quelle impression générale te reste-t-il de ce séjour ?
Le sentiment qui m’a habitée quand j’ai posé le pied sur le sol américain pour la première fois : cette impression de me sentir chez moi, d’être à la maison. C’était d’autant plus étonnant que je n’avais jamais été aux USA auparavant. mais je me suis tout de suite sentie en phase avec le pays, mon lieu de vie (Hastings, Nebraska) et ma famille. J’étais dans mon élément.

3.14 — 25 ans après, ce lien et cette impression d’être connectée au pays, persistent-t-ils ?
Oui, et à tous les niveaux. Cette année partagée avec les Hafers a fait de moi le troisième enfant de la famille. Et, 25 ans après, je suis toujours ce “troisième” enfant… J’ai toujours, là-bas, ma “soeur” américaine, mon “frère” américain et donc ma “deuxième” famille. Je me sens toujours membre de la communauté d’Hastings, de l’école, etc. Je me souviens avec toujours autant de plaisir de moments forts, du fait d’avoir participé, en tant que “journaliste”, à la gazette du lycée (le Tiger Cub) et à la rédaction du “Yearbook”. J’ai adoré les soirées, les événements sportifs en famille, etc. Le plus dur, dans toute cette affaire, restent la séparation de fin d’année et cet été, bien compliqué, qui a suivi mon retour. La réadaptation a été bien plus pénible que l’adaptation. Heureusement que je n’ai pas eu à revenir au lycée et que j’ai pu embrayer sur les études supérieures.

3.14 — À t‘écouter, ce séjour semble avoir « glissé » comme un long fleuve tranquille ?
C’est un peu ça. Les choses se sont passées simplement et sans anicroches. J’ai vécu dans une famille que je définirais comme modeste, quelque part moyenne, tant au niveau social qu’au niveau du mode de vie. Le père travaillait à l’entretien du collège et la mère dans l’éducation (elle était chargée du planning de remplacement des enseignants). Cette famille vivait de façon sympa et ordinaire :  pas d’esbroufe, mais du cœur et de la simplicité, dans les attitudes comme dans les relations. Ils m’ont accueillie sans chichis et sans calculs. C’est avec eux, leur famille et les amis de l’époque, que j’ai fêté mes 18 ans surprise.

3.14 — Il y a bien un point sombre dans l’affaire ?
En dehors du retour, je ressortirais ce paradoxe, un peu cliché — mais, je le crois aussi, quelque part bien réel — qui permet de dire que le peuple américain peut être très accueillant et très chaleureux et en même temps très distant. D’un côté, on trouve des gens sincères et particulièrement généreux (qui vous ouvrent grand leur porte), et de l’autre des gens un peu hypocrites qui vous saluent et vous promettent des tas de choses et qui restent très fermés et souvent inaccessibles.

3.14 — Que retires-tu personnellement de cette aventure ?
La confiance en moi ! Ce n’est pas évident de partir seule à 17 ans. Quand on revient d’un tel voyage on se dit : “Eh bien oui, je l’ai fait !”… et on en tire une sacrée fierté et une sacrée assurance. “Et si je l’ai fait, se dit-on alors, c’est que je peux faire plein d’autres choses.”
Je sais parfaitement qu’il y avait la Stéphanie d’avant cette année scolaire à l’étranger et celle d’après : la Stéphanie de 17 ans, bonne élève, mais très réservée, et la Stéphanie de 18 ans, pleine de culot, devenue boute-en-train et leader ; la Stéphanie star de son année de BTS qui ne se privait pas d’expliquer aux autres étudiants médusés : “Oui j’ai passé un an aux USA… une année entière, oui, absolument… non, sans jamais revenir !”

3.14 — Cette “coupure” réelle, profonde et continue sur toute la durée de l’année te paraît avoir été une donnée importante de cette expérience ?
Oui absolument. En une année, j’ai dû communiquer quatre à cinq fois par téléphone avec mes parents : à l’arrivée, à la Toussaint, à Noël et pour mon anniversaire. Au niveau de la communication, la donne a totalement changé et je pense que les moyens actuels (internet, téléphone et réseaux sociaux) rendent, paradoxalement, l’adaptation plus difficile aujourd’hui qu’auparavant. Personnellement j’étais tellement dans mon truc que, chaque fois que j’avais ma famille française au téléphone, j’avais l’impression de faire un bond en arrière et de me compliquer la tâche. Je pense que le fait de ne pas couper complètement le cordon enlève un certain charme au concept et fait perdre un peu de sa puissance au séjour.

3.14 — Qu’as-tu fait à ton retour ?
J’avais toujours en tête d’être traductrice. Pour intégrer l’école ESTICE de Lille, il me fallait valider un bac+2. J’ai opté pour un BTS d’assistante de direction, car je voulais un diplôme concret qui me permette de travailler en cas d’échec au concours ou d’entrave dans mon parcours. J’ai donc obtenu mon BTS. Dans la foulée, j’ai réussi le concours de l’ESTICE. À la fin de mes études, j’ai travaillé 2 ans comme traductrice et puis j’ai bifurqué vers le monde de l’industrie et suis alors devenue assistante de direction dans la pétrochimie.

3.14 — Où en es-tu aujourd’hui ?
Un événement important a marqué mon parcours : en 2012-2013 on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Le coup de massue…  mon “11 Septembre” personnel, avec le château de cartes intérieur qui s’écroule. Il m’a fallu passer de “Chronique d’une mort annoncée” à “Dernier appel pour un nouveau départ” !

3.14 — Qu’entends-tu par là ?
Au départ tu ne penses qu’à la case cimetière, et puis tu chemines, et tu te vois obligée de remettre les pendules à l’heure, de bousculer fondamentalement l’échelle des priorités, de balayer en un mot l’ancien fonctionnement et de concevoir l’avenir proche différemment.

3.14 — Ce que tu appelles « Le nouveau départ », c’est un peu la remise en question de ce que tu étais et de la façon dont tu fonctionnais ?
Exactement. J’ai eu soudain envie de trier le superflu et l’essentiel, de tout remettre en place et d’oser. Et j’ai osé : j’ai senti l’envie de m’engager (je l’ai fait au sein de l’association CAMI Sport & Cancer où j’ai d’abord été prise en charge en tant que patiente). J’avais également un bouquin en tête et dans les tripes et je l’ai écrit…

Stéphanie Leseigneur, USA/1991 — Couverture livre "Le boudha de miss Maman" 2017

3.14 — Une autre immense aventure que ce projet d’écriture, n’est-ce pas ?
Oui. J’ai toujours été animée de cette passion pour l’écriture, que j’ai utilisée et expérimentée à plusieurs reprises dans ma vie. Je m’étais souvent dit : “Si je devais tout plaquer un jour”, je me jetterais dans l’écriture.” Et le cancer m’en a offert la possibilité. Tout est parti d’une gazette que j’ai écrit pour sortir de mon isolement de malade, et pour éviter d’avoir à ressasser toujours la même chose à mes proches. J’ai écrit 15 numéros. J’ai eu mon petit succès, alors on m’a conseillée et encouragée à écrire ; et malgré mes réticence au départ, les encouragements se sont transformés au final en évidence. Au sortir de ma maladie, j’ai repris le boulot — histoire de me replonger dans le réel et de passer à autre chose — et puis j’ai choisi de signer une rupture conventionnelle et de me plonger dans l’écriture. Mon bouquin est sorti en novembre, après dix-huit mois de travail.

3.14 — Où en es-tu aujourd’hui ?
Une fois le livre achevé, j’ai intégré la “Société des Régates” du Havre, en tant qu’assistante de direction : nouvelle expérience, nouveau monde. Je partage donc aujourd’hui mon temps entre le club de voile et mon engagement toujours actif dans l’association CAMI Sport & Cancer…. Et pourquoi pas, demain, un retour vers PIE pour un investissement, sous une forme ou une autre !

3.14 — Revenons justement à ton expérience PIE à 17 ans. Que t’a-t-elle appris que tu as utilisé tout au long de ce parcours riche et accidenté ?
J’ai toujours utilisé l’anglais, mais au-delà, c’est le sens de l’intégration (que j’ai développé au plus haut degré lors de mon séjour à l’étranger), qui me paraît m’avoir été le plus utile. Chaque nouveau boulot, chaque changement de cap ou de situation vous amène à faire un gros effort d’adaptation. Une nouvelle entreprise, c’est un monde étranger, une nouvelle équipe, une nouvelle “famille”. À ce niveau, les étudiants d’échange ont un gros avantage : ils ont appris à faire leur trou et à tracer leur chemin, en déjouant les obstacles. Bien au-delà de leur année, ils conservent cette capacité d’adaptation. Et je pense aussi que ce séjour nous apprend à être curieux et que cette qualité est essentielle pour nourrir notre parcours.

3.14 — Établis-tu un lien entre l’expérience de vie à l’étranger, loin des siens, et cette “épreuve de vie” assez radicale qu’est « la traversée du cancer » ?
Pas directement, mais peut-être au niveau de l’anecdote : je  me souviens qu’à un moment je n’en pouvais plus de me sentir enfermée dans ma maladie … je me sentais comme un tigre en cage, qui avait besoin de se lâcher, de s’évader ; et je me suis rappelée à ce moment-là, que durant ma scolarité aux USA, j’étais une “HASTINGS TIGER”. J’ai pris ça comme un signe, je me suis accrochée à ce petit symbole pour sonner la révolte et pour sortir de mon enfermement. C’est vrai que « Sortir de sa cage », « Sortir de son trou », « Sortir du monde de l’adolescence »… tout cela, quelque part, se croise.

À lire : “Le Boudha de Miss Maman” par Stéphanie Houbert — Éditions “Les Sentiers du Livre”, 2017

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