Si l’on admet que voyager c’est apprendre, alors on considérera que bien voyager c’est s’imprégner de ce que la culture étrangère nous offre de meilleur en termes d’apprentissage et d’acquis. En s’inspirant de ce précepte, Annaïck est revenue de son année scolaire aux États-Unis avec une confiance en soi décuplée, confiance acquise auprès d’un peuple qui n’en manque pas. Près de 40 ans après son séjour (c’était en 1985), elle nous révèle quelques aspects de cette étape majeure de sa formation “américaine” et insiste sur l’influence globale que son séjour d’une année a eue sur son voyage de vie.
En images : 1. Annaïck d’hier et d’aujourd’hui (1985/2023) – 2. En 1985, Annaïck a été à l’honneur du magazine féminin Jacinthe, lequel a couvert son année d’études aux USA. – 2. La même année, Annaïck a été à la une du numéro 4 de 3.14. – 4. Le journal régional parle d’Annaïck – 5. Lettre de Doris, “Hostmom” qui évoque son année avec Annaïck.
Prénom : ANNAÏCK
Nom : LOCQUENEUX
Nationalité : Française
Mariée, deux enfants, vit en Espagne
Promo : 1985 / Dinosaure
Destination : Port Jervis, New York, USA
Situation actuelle : consultante indépendante, professeure de français…
Pourquoi je suis partie avec PIE ?
J’en avais ras-le-bol du lycée ! Je m’ennuyais royalement. J´avais envie d’évasion, envie de sortir du moule, de découvrir de nouveaux espaces, de découvrir le monde. L’école française était très contraignante et j’ai senti que de bouger et de me décaler était une solution. En un mot, il me fallait m’aérer !
Je me souviens que l’idée de partir un an, était totalement lunaire à l’époque. Aujourd’hui on parle beaucoup de “Gap Year”, d’année de césure, mais quand, en 1984, on évoquait l’idée de couper son parcours scolaire pour partir une année dans un lycée à l’étranger, on nous répondait invariablement : “Mais c’est une année de perdue.” Partir était quasiment inconcevable. Mais ma mère qui l’avait fait en son temps, en Angleterre —en tant que professeur auxiliaire—, m’a vraiment encouragée dans ce sens.
Pourquoi PIE particulièrement ? Je dirais que l’association m’a séduite d’abord et avant tout, en raison de l’attention de toute l’équipe à mon égard, et ce, dès les premières rencontres et les premiers entretiens ; il y avait de l’empathie, on n’était pas considérés comme des numéros. Le second argument tenait au fait que les familles étaient vraiment très motivées pour recevoir de jeunes étrangers ; elles faisaient ça pour le plaisir, sans calcul, sans “retour économique” à la clé. Cela m’a tout de suite paru important.
Je veux insister sur cet esprit et ce rapport particulier à la pédagogie qui caractérisent le système scolaire américain (cet aspect un peu plus relax par rapport au système français), l’absence de comparaison, de moqueries, le fait qu’il y ait moins de “quant à soi”. Tout cela a été une super leçon pour moi. J’ai appris là-bas à oser faire les choses.
Mon année PIE en un mot
LA CONFIANCE — Avant de partir, je ne vais pas dire que j’étais timorée, mais, le fait est que j’étais un peu dans mon monde, et un peu sur la retenue ! En un mot, j’étais assez timide et pas forcément très ouverte. Et c’est vrai que quand je suis revenue, j’étais quand même une autre personne. Je n’irai pas jusqu’à parler de métamorphose, mais ma mère m’a toujours dit qu’à mon retour elle ne m’a pas reconnue ! Les gens qui me connaissent aujourd’hui ne réalisent pas à quel point cette année m’a changée, en me donnant avant tout de la confiance.
Pour vous expliquer, j’en reviens à l’école ! Vous m’imaginez, moi, petite Française, qui vient de son lycée de banlieue —où tout est très balisé, connu, attendu— qui débarque dans une “High School” américaine où, contre toute attente, on lui propose d’écrire dans le journal de l’école, de chanter, ou encore de jouer de la guitare devant tous les élèves. Ça a été une vraie découverte. Tout à coup je me suis dit : “Ah, c’est possible” et dans la foulée : “Ah, mais pourquoi ne pas essayer tout cela ?” Et en même temps, c’était un saut dans l’inconnu : il y avait quelque chose en moi qui m’interdisait de me lancer. Je me souviens que, dès les premiers jours, une prof m’a demandé de me mettre en scène en m’habillant avec un costume un peu dingo. Je me suis dit : “Mais elle est folle.” Quand je lui ai dit : “Je suis incapable de faire ça”, elle m’a rétorquée : “I don’t even care. Just do it !” (autrement dit : ça m’est complètement égal, tu le fais, un point c’est tout!”). Je ne vous raconte pas ça pour dire : “La France c’est nulle ou les Américains c’est mieux, etc. etc.” —car il y a plein de choses par rapport auxquelles je suis très critique—, mais simplement pour vous expliquer ce que j’ai appris là-bas, sur les choses qui m’ont permis d’aller de l’avant et de changer. Je veux insister sur cet esprit et ce rapport particulier à la pédagogie qui caractérisent le système scolaire américain (cet aspect un peu plus relax par rapport au système français), l’absence de comparaison, de moqueries, le fait qu’il y ait moins de “quant à soi”. Tout cela a été une super leçon pour moi. J’ai appris là-bas à oser faire les choses.
Ajoutons à cela, le fait que, pendant toute cette année, j’ai dû quasiment me débrouiller toute seule (je veux dire sans mes proches). Il faut savoir, qu’il y 40 ans, du mois d’août au mois de juin suivant, on n’avait quasiment aucun échange avec nos proches : quelques lettres, deux ou trois fax et quasiment aucun appel téléphonique, tellement ça coûtait cher. On devait gérer les difficultés par nous-mêmes, faire des choix et s’arranger des obstacles. C’était donc très formateur. Après on se sent plus costaud. Il est certain que cela m’a aidée à acquérir de la confiance.
J’ai eu aussi Doris, ma mère américaine adorable, conciliante, attentionnée, qui m’a accueillie comme sa fille, qui m’a montré et m’a fait découvrir plein de choses. Elle était assez fantasque (en parallèle de son job officiel, elle était pianiste et accompagnait des chanteurs lyriques). Elle respirait un peu la liberté et m’a baignée dans de la nouveauté. Doris aussi m’a appris à oser. Elle est malheureusement décédée aujourd’hui, mais je l’adorais, elle me manque beaucoup.
Oui, pour toutes ces raisons, cette année a été marquée du sceau de la confiance.
Une anecdote sur mon séjour
J’en ai plusieurs, toutes positives.
Je pense à la première fois où je me suis retrouvée sur une scène de théâtre, à parler et à chanter en public, C’était une chose inimaginable dans un lycée en France il y a plus de 35 ans. Il se trouve que mon école était très branchée art, musique, spectacle, etc. J’ai donc rencontré des gens incroyables : beaucoup sont devenus des artistes, se sont produits sur scène, j’en ai revus des années plus tard au Châtelet à Paris ! J’ai baigné dans de la nouveauté.
Je retiens aussi l’opportunité que j’ai eue de recevoir sur place, à Port Jervis, une journaliste mandatée par PIE, pour relater mon expérience. Avec Perrine la journaliste, ma mère et ma soeur d’accueil on s’était bien marrées. L’article est paru dans “Jacinthe”, un magazine féminin célèbre de l’époque (je garde un exemplaire chez moi dans ma boîte à souvenirs américaine — voir image ci-contre). J´ai reçu l’an dernier (donc quasiment 35 ans plus tard) un message Linkedin, d’une femme qui me contactait pour me remercier, car c’est en lisant cet article qu’elle s´était décidée à partir avec PIE également ! Et son séjour l’avait elle aussi comblée.
Il me faut parler de mon anniversaire (pour mes 18 ans) que ma mère d’accueil s’était décidée à me fêter dans l’avion nous menant en Californie. En plein vol, elle avait —contre l’avis de l’hôtesse de l’air— allumé une bougie (NDLR : autres temps autres moeurs !), puis avait entonné un “Happy Birthday” de sa voix de chanteuse lyrique, en entraînant tous les passagers avec elle. Un grand moment.
Et puis difficile de ne pas évoquer l’équipe PIE. On avait un stage de trois jours en France puis de trois jours à New-York. Les dirigeants de PIE étaient tous très jeunes. On avait 14 à 17 ans, eux 22 ou 27 : on se sentaient à la fois proches et en confiance. Tout était magique, car les USA à cette époque c’était très loin et très exotique ! C’est un souvenir inoubliable.
Mon parcours depuis le séjour
J’ai beaucoup bourlingué. J’ai vécu à Paris, à New York et depuis 1993, je vis en Espagne, à Madrid. Après mon année avec PIE aux États-Unis (New York – 1985) j ‘ai obtenu une maîtrise de Langues Étrangères Appliquées trilingue (français, espagnol, anglais), avec six mois d’Erasmus à Madrid (je dois dire que j’étais une des pionnières d’Erasmus, une des premières promotions). Aujourd’hui, j’ai accumulé plus de 30 ans d’expérience dans la vente, la communication et la RSE, je me suis toujours intéressée professionnellement aux histoires humaines, aux questions sociales et à la gastronomie. En travaillant d’abord dans l’événementiel, puis dans le secteur hôtelier (Sheraton – Hotel Palace Madrid – Le Méridien) et ensuite dans le secteur alimentaire (Mars), j’ai également eu l’occasion de participer activement à différents projets d’action sociale au sein de grandes ONG telles que « Ayuda en Acción » et « Save the Children » : Chef de projet avec à la clé des activités de volontariat à travers le monde et responsable de “fundraising” et de partenariats auprès de grands comptes pour différents projets humanitaires en Afrique, Asie et en Espagne.
J’ai eu la chance de lancer également en Espagne l’initiative “¿Quién es el jefe ?” une nouvelle manière de donner un sens à ce que nous mangeons, de prendre le contrôle de ce qui se trouve dans nos assiettes. Aujourd’hui, en tant que consultante indépendante basée à Madrid, je suis heureuse de soutenir des projets internationaux de vente et de communication en utilisant toutes les compétences que j’ai acquises au cours de ma carrière professionnelle et de mon expérience personnelle (Responsable de missions commerciales pour Salons Internationaux, traductrice…). Je suis également professeure de français pour hispanophones. Et l’année dernière, j ‘ai commencé une formation en médecine traditionnelle chinoise à l ‘École SHEN de Paris.
Mon lien entre mon année avec PIE, mon parcours et ma situation actuelle ?
On en revient à la confiance et au fait que cette expérience m’a toujours incitée à saisir les opportunités, sans trop d’appréhensions et de craintes. J’ai fait des choses très différentes, avec des gens très différents… Après le COVID, j’ai décidé de prendre de la distance avec les grosses boîtes, la vente, etc. et de me concentrer sur des projets plus personnels (autour de la santé et de la transmission) et je pense que j’ai réussi à le faire avec une certaine légèreté. Certaines personnes pensent que je passe du coq à l’âne, mais moi je vois une forme de cohérence dans mon parcours, lequel est inspiré par cet esprit de découverte et par le goût de l’apprentissage et de la transmission. Je ne suis pas une experte, je suis plutôt quelqu’un qui picore, et j’ai appris à me lancer sans avoir peur du ridicule. Cette capacité-là, je l’ai un peu acquise aux USA.
Ta relation à PIE ?
Je vis loin de la France. Mais mon lien à PIE, bien que distendu par l’espace et le temps, reste fort. Je suis très attachée aux dirigeants, qui 40 ans après mon séjour, sont toujours là, et à l’esprit général de l’association. J’avais fait la couverture d’un numéro de 3.14 (voir ci-contre); avec une photo de moi prise sur le Ferry qui nous menait de Staten Island à Manhattan. Un beau souvenir. Je parle beaucoup de PIE et je pense que beaucoup de jeunes sont partis avec PIE après m’avoir entendue évoquer mon année. PIE est toujours dans un coin de ma tête. J’ai encore des contacts avec d’autres anciens. Il y a quelque chose d’indestructible dans ma relation à l’association.
Si je n’étais pas partie avec PIE…
Je ne sais pas si j’aurais fait autre chose —au niveau études et secteurs d’activités—, mais je suis quasi persuadée que je n’aurais pas fait tout ce que j’ai fait. J’aurais moins osé. Je me serais octroyée moins de libertés.