L’histoire de Clara et de son séjour d’une année à l’étranger se résumeraient-ils à une question de choix : prendre ce chemin-ci ou celui-là, emprunter cette voie-ci ou cette voie-là ? À travers quelques détails ou anecdotes, reliés à son parcours américain, Clara nous promène dans le labyrinthe de sa vie, et parvient à convaincre —ceux qui en doutaient encore— que prendre à l’adolescence une année sabbatique pour partir à l’autre bout du monde, a vraiment une portée initiatique.
En images : 1. Clara d’hier et d’aujourd’hui (2016/2024) – 2 à 6. Clara durant son année aux États-Unis avec PIE en 2016
Prénom : CLARA
Nom : AROCAS
Nationalité : Française
Promo : 2016 / Suricate Indigo
Destination : Essex Junction, Vermont, USA
Situation actuelle : Responsable des activités sur base sportive/nature
Pourquoi je suis partie avec PIE ?
Ma soeur était partie une année scolaire aux USA quand j’avais 10 ans. À son retour, en l’écoutant parler, en voyant à quel point elle avait changé, évolué, j’ai eu envie de suivre son chemin. J’avais choisi de partir après le bac : je voulais me donner une année de réflexion après le lycée. Je passais un bac scientifique, mais je ne me voyais pas en école d’ingénieur ou en médecine, comme tous les gens qui m’entouraient. Je ne voulais pas aller à la fac non plus. En fait, j’étais un peu à la croisée des chemins, je voulais essayer autre chose. Je comparerais ça à un labyrinthe : je sentais au plus profond de moi que la voie toute tracée qui se présentait devant moi n’était pas la bonne, n’était pas la mienne. À côté, il y en avait une autre : celle du départ à l’étranger, je me devais de l’emprunter, histoire de découvrir, de me surprendre : j’étais curieuse de savoir ce qu’il y avait au bout.
Mes parents n’étaient pas contents de l’organisme avec lequel était partie ma soeur, alors j’ai cherché une autre structure. J’ai traîné sur internet. Je me souviens avoir passé des heures à lire les témoignages des “anciens”, à éplucher leur histoire. J’avais l’impression d’être en relation avec eux et comme je suis quelqu’un qui aime être dans l’échange, le partage, j’étais comblée. Ça a fini de me convaincre et je suis donc partie avec PIE.
J’ai l’impression, grâce à cette année à l’étranger, que ces deux vies sont intimement liées, et que je suis plus… comment dire…. plus complète, plus équilibrée. Ce séjour m’a donné la possibilité de marcher sur deux jambes.
Mon année PIE en un mot
RICHESSE — Richesse émotionnelle d’abord — Lors d’un tel séjour, on passe par tous les sentiments, on monte très haut et on descend très bas. Il y a des moments particulièrement difficiles, faits de solitude, de manque et de renoncements… et d’autres merveilleux. Tout ce qu’on vit est exacerbé, plus intense.
Richesse humaine ensuite, car c’est l’année de toutes les rencontres, de toutes les expériences, celle où on a le courage —ou plutôt l’obligation— d’essayer, d’oser aller vers les autres et vers l’inconnu. On croise ou on fréquente des gens que l’on n’aurait jamais eu l’occasion de voir si l’on s’était limité à notre petite vie française. L’apprentissage se fait à des niveaux très différents : au niveau de la langue bien entendu, des activités aussi (moi, par exemple, je me suis mise au rugby, alors que je n’y avais jamais joué auparavant, que je n’y connaissais rien), mais surtout au niveau personnel. On est contraint de se confronter au mystère : il n’y a plus Papa et Maman derrière, il nous faut assumer, nos choix, nos tristesses, notre isolement, les affres de l’adolescence. On est amené à prendre le risque de se lancer pour faire les choses. En retour, on emmagasine de l’expérience et des acquis. On trouve les solutions en nous. On se forge une force de caractère
Richesse au sens de plénitude — Souvent, les anciens étudiants d’échange disent qu’ils ont deux mondes et deux vies. Personnellement ce n’est pas ce que je ressens. J’ai plutôt l’impression, grâce à cette année à l’étranger, que ces deux vies sont intimement liées, et que je suis plus… comment dire…. plus complète, plus équilibrée. Au retour, je dois l’avouer, j’ai eu un peu de mal à trouver cet équilibre, mais, aujourd’hui, je ne me sens pas du tout écartelée. Bien au contraire ! Cette année et ce séjour m’ont donné la possibilité de marcher sur deux jambes.
Richesse tout court — En partant, on se transforme en chercheur d’or, en aventurier. Au final, on charge notre sac à dos personnel : et cette richesse immatérielle que l’on accumule durant notre séjour, on en use toute la vie. Je sais pour ma part que désormais, quand je dois affronter une situation nouvelle ou inconnue, c’est dans ce bagage que je puise la force de me lancer.
Une anecdote sur mon séjour
La première est liée indirectement à mon séjour. Mes parents se sont séparés, Or, il y a 3 ou 4 ans le nouveau compagnon de ma mère, Jean Christophe, m’explique que lui aussi est parti vivre un an aux USA à l’adolescence… et avec quel organisme… PIE ! C’était en 1982 (NDLR : l’association avait à peine plus d’un an et il s’agissait de la seconde promotion). Ils n’étaient guère plus de 20 à partir à cette époque-là. On est très peu en France à faire cela, et, par le plus grand des hasards, ça tombe sur moi et mon beau-père. Je me suis dit que c’était aussi étonnant que statistiquement improbable… je ne sais pas trop comment interpréter cela !
J’ai trouvé là-bas tout ce que je cherchais. Entre ma région d’origine (la Lozère) et le Vermont —que j’aime appeler ma “Lozère américaine”— il y a une évidente proximité qui entretient, là encore, le processus de continuité, et qui fait que ma vie française et américaine ne font qu’une.
La seconde est plus anecdotique encore. J’ai été placée très tard : le 26 août 2016. Quand je suis partie, je n’avais quasiment eu aucun contact avec ma famille et bien peu de temps pour faire connaissance. À l’arrivée à l’aéroport, il n’y avait personne. En fait, ils étaient en retard. Mais j’ai eu le temps de me dire : “Olala ! où est-ce que tu es tombée ?” Pour être honnête, j’ai un peu douté du chemin que j’avais choisi de prendre ? D’autant que ma première image, c’est de voir ma mère et ma soeur d’accueil —deux petits bouts, tendance blonde-platine— qui débarquent en courant avec leur pancarte “Welcome Clara”. J’ai pensé : “Il savent que pour nous étudiants d’échange, c’est le voyage d’une vie, et ils arrivent à être en retard !” Après, j’ai compris qu’ils n’étaient jamais à l’heure. À chaque fois que je suis retournée les voir, ils m’ont récupérée en retard à l’aéroport ! Ce n’était donc qu’une habitude. Et ce qui m’a frappée, dès que je les ai vus de près, c’était la ressemblance de mes parents d’accueil avec mes parents naturels. Et cette ressemblance, s’est confirmée au fil du temps. Mes parents Français et Américains, je vous assure, c’est les mêmes ! Vraiment. Sauf qu’il y en a deux qui ont grandi en France et deux aux États-Unis. À l’époque, cette similitude a été pour moi très troublante —et elle l’est encore aujourd’hui—, mais en même temps, cela m’a convaincue que j’étais tombée au bon endroit et dans la bonne famille… qu’il y avait de la logique et de la continuité et que, finalement, j’avais dû prendre le bon chemin.
Un mot à ce propos : en m’inscrivant, j’avais demandé à partir dans l’Ouest des USA. Je visais bien entendu la Californie et la plage. Et je me suis retrouvée dans le Vermont (dont je ne connaissais même pas l’existence), autrement dit, exactement à l’opposé : plein est et plein nord, dans une région froide, verte, humide et très très enneigée… donc pas du tout la voie espérée et attendue. Or, aujourd’hui, si c’était à refaire, c’est le Vermont que je demanderais ! Là-bas, je me suis régalée : c’est magnifique le Vermont, et il s’est avéré que ce lieu et cet état envers lesquels je n’avais au départ aucune attirance particulière m’ont convenu parfaitement. Je n’avais pas d’attente : or, j’ai trouvé là-bas tout ce que je cherchais. J’ajoute qu’entre ma région d’origine (l’Aveyron) et le Vermont —que j’aime aujourd’hui appeler “ma Lozère américaine”— il ya une évidente proximité, qui entretient, là encore, le processus de continuité, et qui fait que ma vie française et américaine ne font qu’une.
Mon parcours depuis le séjour
Mon année aux USA a fini de me convaincre qu’il ne fallait pas que je fasse d’école d’ingénieur, que je n’étais pas faite pour ça, que ce n’était définitivement pas ma voie. En rentrant, j’ai opté pour le STAPS (fac de sciences et techniques des activités physiques et sportives) et j’ai suivi une double Licence : une en Activité physique adaptée et en santé (axée sur les personnes en situation de handicap) et une en Management du sport. J’ai obtenu un Master dans ce domaine. Je travaille aujourd’hui dans le secteur de l’événementiel sportif, de la gestion de l’entreprise sportive. Actuellement je bosse sur un parc à Millau et plus particulièrement sur la coordination et la planification de toutes les activités (spéléo, canoing, escalade, accrobranches) et de tous les acteurs (partenaires, clients, animateurs, etc). Je suis beaucoup dehors. C’est un travail très varié. Cela me convient bien.
En quittant la France à 17 ans, j’ai trouvé ce qui me manquait, donc si je n’étais pas partie, je pense que, paradoxalement j’aurais erré plus longtemps.
Ta relation à PIE ?
Tout s’est tellement bien passé pour moi lors de mon séjour aux USA, qu’à mon retour, j’ai saisi la chance qui m’était offerte de m’impliquer dans l’association. C’était important de pouvoir partager et de pouvoir aider ceux qui voulaient se lancer. On dit de PIE que c’est une famille… je crois que c’est vrai. En tout cas, c’est comme ça que je le ressens. Et je dois dire que je suis assez fière d’en faire partie. Je suis toujours ravie de retrouver tous les anciens. Bien que l’on soit parfois très très différents les uns des autres, on partage tous quelque chose : ce petit quelque chose, c’est ce choix qu’on a fait au même moment dans notre vie et qui nous a amenés à nous croiser.
Dans mon action de bénévole, il y a une chose que j’aime par-dessus tout, c’est d’annoncer le placement à un participant. Ça me rappelle mon propre placement. Je suis presque plus contente que le jeune, car, lui, est forcément inquiet et ne mesure sans doute pas encore toute la portée de l’aventure dans laquelle il se lance.
Si je n’étais pas partie avec PIE…
Mon cas est peut-être particulier, car j’ai l’impression d’une forme de continuité. En fait, je ne suis jamais rentrée. Au retour, j’ai juste continué sur le chemin que j’avais choisi d’emprunter en partant. Ce chemin n’était peut-être pas le plus évident (il m’a fallu un peu de force pour me lancer), mais il s’est avéré que c’était le chemin naturel, une sorte de voie parallèle à celle que j’avais suivi jusque-là. En l’empruntant, j’ai finalement rejoint doucement MA voie personnelle, composée de ces deux voies-là. Mon choix était donc judicieux.
En quittant la France à 17 ans, j’ai trouvé ce qui me manquait, donc si je n’étais pas partie, je pense que, paradoxalement, j’aurais erré plus longtemps. La voie de la tranquillité ne m’aurait pas tranquillisé. Je chercherais sans doute encore cette forme d’unité et de plénitude qu’aujourd’hui je ressens.