PARCOURS D’ANCIENS — MATTÉU MAESTRACCI — VINGT ANS APRÈS
En images : Mattéu d’hier (lors de son inscription au séjour PIE aux USA)… et d’aujourd’hui.
ENTRETIEN — Mattéu Maestracci, journaliste à France Info, est un des animateurs vedettes de la station. Il revient ici sur la mise en place et le déroulement de son séjour PIE aux USA et établit des liens entre cette année à l’étranger et son brillant parcours.
Année de séjour : 1997
Lieu de séjour : Ashburham, Massachusetts, USA
Lieu de vie actuel : Paris, France
Profession : journaliste / animateur de la matinale du week-end / 6 h – 10 h de France Info
Employeur : Radio France – France Info
3.14 — Qu’est-ce qui, en 1997, a motivé ton départ pour une année ? quel fut le moteur de ce séjour ?
Mattéu Maestracci — Je me souviens que mes parents avaient décidé, depuis ma prime enfance, de mettre de l’argent de côté pour m’offrir, à l’âge de la majorité, ce qu’ils appelaient un « beau cadeau ». À l’approche de l’échéance, ils m’ont proposé soit de passer le permis soit de faire un séjour à l’étranger. Il se trouve qu’ils avaient eu écho de ce type de séjour long et que ma mère était assez ouverte à ce type d’expérience. Comme j’avais « un an d’avance » et qu’à 16 ans et demi, j’étais sur le point d’avoir mon bac, je pouvais —comme on dit bêtement— « perdre un an ». On comprendra que le choix s’est vite porté sur ce projet a priori plus formateur avec, bien sûr, l’idée sous-jacente de découvrir une culture et de parfaire mon anglais. Moi je l’ai vécu comme une possibilité de me mettre en marge pendant un an. Je réalise aujourd’hui, et avec la distance, qu’il y avait quelque chose de démesuré et d’absurde dans le fait d’avoir à choisir entre passer le permis en conduite accompagnée et un séjour d’un an à l’étranger !
Je réalise aujourd’hui, et avec la distance, qu’il y avait quelque chose de démesuré et d’absurde dans le fait d’avoir à choisir entre passer le permis en conduite accompagnée et un séjour d’un an à l’étranger !
3.14 — 20 ans après, peux-tu établir un petit bilan de cette année ?
Ce fut une expérience forte, très forte même. Peut-être un peu compliquée au début, mais ce qui est certain, c’est qu’à la fin, je ne voulais plus repartir.
3.14 — Qu’est-ce qui a été compliqué ?
Il faut s’adapter aux autres et il faut que les autres s’adaptent à vous. Et au départ il y a clairement des a priori des deux côtés. L’ajustement n’est pas simple. Mais je dois reconnaître que, là-bas, je suis vite devenu assez populaire : je faisais du sport, j’avais des copains, des copines, je me sentais bien… Même si je suis toujours resté un « étudiant étranger », les barrières sont vite tombées et je me suis senti accepté. En gros, j’étais là-bas chez moi.
3.14 — Quelles sont les plus grosses difficultés que tu aies rencontrées sur place ?
Celles liées aux relations humaines. Notamment avec ma mère d’accueil, avec laquelle je me suis souvent accroché. Mais j’ai adoré ma vie américaine, ce mélange de conventions et d’excentricités qui caractérise l’Amérique, ce côté à la fois caricatural — voire « fake » — et dépaysant.
3.14 — Avec plus de 30 ans de recul qu’estimes-tu avoir appris pendant toute cette année ?
J’ai compris là-bas qu’il n’y avait pas qu’une seule façon de faire les choses, qu’il n’y avait pas un seul modèle, une seule forme de pensée, un tronc unique. En bougeant à l’adolescence, j’ai réalisé que les choix de société variaient d’un pays à l’autre et qu’il fallait admettre que tout le monde ne vivait pas avec les mêmes règles et principes. Cela paraît évident, mais c’est en vivant avec d’autres gens et selon un autre modèle que cette vérité prend tout son sens. C’est tout bête, mais ce séjour m’a complètement ouvert l’esprit.
Et j’ajoute, plus concrètement, qu’à l’occasion de ce séjour, j’ai vraiment découvert l’informatique. J’ai eu l’occasion de suivre, pendant un semestre, un cours de programmation informatique et j’ai été vraiment fasciné. On en était aux balbutiements de la micro-informatique et cette expérience d’un semestre à été un élément déclencheur de tout mon parcours professionnel. En un mot, je suis parti aux USA indécis quant à mon avenir et à mes choix, et je suis revenu sûr de ce que je voulais faire. À ce niveau-là, la “High School” m’a beaucoup apporté. C’est un gros avantage de leur école. Elle permet de toucher à tout, de s’essayer à des choses nouvelles.
Je me souviens qu’à la fin du séjour, mes parents avaient voulu venir me voir (je devais leur manquer !). Mais je n’ai pas voulu : j’appréhendais leur venue dans mon monde et je voulais assumer jusqu’au bout cette idée d’immersion totale, d’indépendance et de quasi « disparition » pendant presque une année.
3.14 — Quel fut le point fort de cette aventure ?
Sans conteste : la vie à l’école. Je venais d’un lycée français assez classique : prise de notes, cours magistraux, bourrage de crâne… et je découvrais une culture scolaire qui faisait toute sa place à l’élève, qui le considérait en tant qu’individu, où l’oralité avait la part belle, où le sport était roi, où le soutien scolaire était réel, où la vie associative était développée (fêtes, clubs…). J’ai découvert que l’école pouvait être un lieu de vie. À tel point que quand mes cours se sont terminés —trois semaines avant ma date de retour— j’ai choisi de continuer à aller à l’école. Je me souviens qu’à la fin du séjour, mes parents avaient voulu venir me voir (je devais leur manquer !). Mais je n’ai pas voulu : j’appréhendais leur venue dans mon monde et je voulais assumer jusqu’au bout cette idée d’immersion totale, d’indépendance et de quasi « disparition » pendant presque une année.
3.14 — Quelles études as-tu engagées à ton retour ?
Je savais, depuis un certain temps, que je voulais faire du journalisme. Je m’étais donc préparé pour intégrer Hypokhâgne et prolonger éventuellement par Sciences-Po. Mes parents avaient fait les démarches dans ce sens, mais ils se sont heurtés à un refus… Alors même que mes résultats étaient suffisants et que j’avais été accepté l’année précédente, l’administration scolaire a usé d’un argument incroyable : mon année aux USA avait dû me faire perdre à la fois des acquis et de la motivation ! C’était d’autant plus absurde que cette parenthèse américaine m’avait énormément nourri (j’étais persuadé d’avoir acquis de la maturité et de la confiance), et d’autant plus ironique que le système éducatif très ouvert que j’avais connu là-bas avait justement décuplé ma motivation. Mais j’ai dû faire avec cette vision pour le moins étriquée.
3.14 — De quelle façon ?
Je me suis inscrit en fac d’Histoire à Orléans puis à la Sorbonne. J’ai obtenu une maîtrise. J’ai ensuite réussi le concours de l’école de journalisme —c’était en 2003— et j’ai pu intégrer l’École supérieure de journalisme de Lille, dont je suis sorti en 2005.
3.14 — Quelles relations gardes-tu avec les USA ?
J’ai toujours des relations avec ma famille ; la fille de ma sœur américaine est venue en France et ma fille a été un été à Portland chez elle. Quelques années après mon retour, j’ai revu ma sœur américaine, et régulièrement (l’année dernière encore) mon frère américain (capitaine dans la « Navy » et qui travaille maintenant pour la diplomatie américaine en Europe).
Partir un an à 15-16 ans, c’est, d’une certaine façon, réaliser un reportage sur le monde… et sur soi : cela nous oblige à observer, à réagir et à rendre compte. Et cela aiguise cette curiosité indispensable dans mon activité de journaliste.
3.14 — T’es-tu immédiatement dirigé vers la radio ?
Oui. J’ai toujours été attiré par la radio. J’ai pu intégrer ce qu’on appelle le « Planning de Radio France ». Dans ce cadre, j’ai pu accumuler les contrats courts, et j’ai fini par intégrer la « maison » en 2009, d’abord au service web de France Info, pour lequel j’ai fait cinq ans de reportages divers et variés, à la rubrique « Sport » : j’ai couvert par exemple les J.O. de Londres 2012, la coupe du monde 2014 au Brésil… J’étais spécialisé foot et basket. De 2011 à 2016, j’ai assuré toutes les matinées France Info pour le « Journal des sports » : je tenais alors une sorte de « pastille » personnelle et plutôt humoristique. J’avais vraiment les mains libres. En 2016, j’ai bifurqué vers l’information plus générale en animant d’abord le créneau 21h/minuit (dont une heure, consacrée au « Débat sport », était également télévisée sur la chaîne). Et depuis la rentrée 2017, j’anime la matinale WE de « France Info » (de 6h à 10h le samedi et le dimanche). Dans ce cadre, je couvre donc l’actu générale, sociale, politique, culturelle, sportive. Le créneau intègre des chroniques (emplois, musique…), du reportage et une plage d’interview politique, etc. Tout cela me convient parfaitement.
3.14 — Peut-on établir un parallèle entre cette année à l’étranger et le travail de journaliste, particulièrement exposé, qui est le tien ?
Oui. À la convergence des deux, il y a je pense une forme de curiosité. Partir un an à 15-16 ans, c’est, d’une certaine façon, réaliser un reportage sur le monde… et sur soi : cela nous oblige à observer, à réagir et à rendre compte. Et cela aiguise cette curiosité indispensable dans mon activité de journaliste. Dans un registre plus personnel, cette année m’a musclé en termes de confiance et d’estime de soi. Passer un an aux USA et s’imposer dans un monde étranger, un milieu différent du sien — dans lequel il faut savoir se faire une place et être populaire — est un vrai challenge. Et il se trouve que dans le monde du journalisme en général et de la radio en particulier, il faut savoir aller vers les gens, adapter son discours, interpréter, improviser. Il y a donc des points communs. J’ai appris, lors de ce séjour, des choses que l’on n’apprend pas à l’école. Ça tient au ressenti, à l’éloquence… Quand il s’agit de tenir une antenne, parfois trois ou quatre heures de suite — comme c’est le cas pour moi en ce moment —, tout ce vécu n’est pas inutile. Et, plus concrètement, je dirais que cette année aux États-Unis m’est d’une grande aide chaque fois qu’il s’agit de décrypter des infos sur ce pays. Le fait d’avoir vécu là-bas me permet de mieux appréhender et de mieux décoder tout ce qui touche aux USA.
3.14 — Si tu n’étais pas parti un an à l’étranger, penses-tu que tu ferais le même métier aujourd’hui et avec le même succès ?
Je pense que je ferais la même chose, car j’ai toujours voulu faire cela. Mais je suis persuadé que je sentirais un manque au niveau personnel. Cette année reste un repère pour moi. Je crois que j’y pense à peu près tous les jours.
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Article paru dans le Trois Quatorze n° 58
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