Dossier Nine Eleven 9/11

Nine elevenTrois Quatorze n’avait —n’aurait sans doute— jamais parlé du 11-Septembre. il y a là quelque chose qui touche au paradoxe, tant ce journal, de par son origine et sa fonction, est lié à l’ « Amérique » et aux Américains. Il faut dire que Trois Quatorze, qui n’est en rien un journal d’actualité, avait du mal à se situer dans le temps du documentaire, et encore moins dans celui du reportage sur l’événement. Cinq ans après 2001, l’idée nous est venue de demander à ceux qui gravitent autour de l’association —salariés, délégués, correspondants, anciens, amis, parents, participants, lecteurs— de nous raconter leur journée du 11 septembre 2006 et de s’arrêter sur les sentiments qui les habitent ce jour-là.

Libre à chacun de parler ou non de 2001, de décrire l’ordinaire ou l’extra-ordinaire de leur journée. L’espoir alors est que se dégage de cet ensemble de comptes rendus très personnels, quelque chose qui ressemble plus à une fiction qu’à la seule réalité, quelque chose qui soit plus le conte d’une famille —aux liens lâches mais pas si ténus que cela— qu’une réflexion supplémentaire sur l’entrée dans le XXIè siècle, sur la fin des utopies, sur la chute du capitalisme ou sur celle de l’empire américain… Puisse cet espoir s’être concrétisé dans ce long article où sont regroupés quelques 80 dessins, photos ou textes.

Un jour de 2001, le 11-Septembre est devenu date universelle. Ce jour et ce qu’il représente appartiennent désormais à tout un chacun, et maintenant, un peu plus qu’auparavant, à la grande et mouvante famille de PIE.

Propos recueillis par Xavier Bachelot

Partie IPartie IIPartie IIIPartie IVPartie VPartie VI

Délégués, correspondants

VIVRE L’AVENTURE — Michelle Cardon, déléguée régionale PIE, Rhône-Alpes — Mon premier regard est pour le ciel, il est beau mais encore un peu sombre, car le jour se lève. Une journée PIE s’annonce – une de ces journées où il va se passer des choses. Je sais déjà que des messages m’attendent sur le répondeur, des messages de familles inquiètes face aux difficultés que rencontrent leurs enfants. Je sais qu’en cas de relation difficile, le bureau d’Aix pourra prendre le relais. Cela me rassure. C’est en 1988 qu’Alain et moi avons fait la connaissance de PIE. De cette rencontre, sont nés beaucoup de contacts, d’échanges, tout un réseau d’amitiés. Ce fut un grand changement dans notre vie : un autre regard, de vrais bouleversements. Avec le recul, mon souhait pour les années à venir serait que les parents laissent leurs enfants s’envoler sans trop avoir besoin de conseils et de recommandations. Qu’ils acceptent simplement de leur laisser vivre l’aventure. Je suis étonnée que malgré le développement de la technologie, des moyens de communication, des échanges, leurs questions restent toujours les mêmes et qu’elles se multiplient. Il est 18h, l’orage arrive et broie tout sur son passage ! Catastrophe naturelle et non provoquée par la folie des hommes.

WINDOWS ON MY FIELD — Danièle Charamat, déléguée régionale PIE, Pays-de-la-Loire — L’eau clapote, les roses boutonnent, les papillons flirtent avec les buddleias, le temps est suspendu, « le bonheur est dans le pré », idéalement ensoleillé…Loin des lycées, des offices, du business, je reste exilée, privilégiée, dans mon îlot haut-provençal, juste un moment de bonheur, en ce 11-Septembre.
France-Inter, Europe, RTL bourdonnent leurs remémorations et raillent les commémorations, tout en se goinfrant d’archives opportunes et de commentaires arrogants. Coupons ces radios. Hello Arthur, Maxime, Benjamin, Tristan, Pauline, Maëlle, Marine, et vous tous qui depuis 16 années m’avez parlé avec enthousiasme de votre rêve américain, lors de chaleureuses confidences égrenées pendant les interviews PIE. Le paradoxe est là. Comme vous, j’aime l’Amérique, et je la prends telle qu’elle est.

RIEN NE REMPLACE UN COUP DE FIL—Annie Bachelot, déléguée régionale PIE, Languedoc- Roussillon — Ce qui me tient le plus à coeur ce sont les relations, aussi bien avec les parents qu’avec les jeunes qui vont partir, qu’avec les anciens participants. En ce matin du 11, j’ai repris contact avec Caroline et Flore, correspondantes locales à Carcassonne et Perpignan. Malheureusement pour moi, Flore quitte la région, une autre déléguée sera heureuse de l’accueillir, mais Caroline est toujours enthousiaste pour m’aider. J’ai également appelé Cathy, correspondante très active à Montpellier, pour un « counseling » (régler un problème), et pour suivre le premier dossier de l’année, celui d’Elsa qui veut partir en Allemagne. J’ai donné à Elsa les coordonnées de Laurianne, qui était en Allemagne il y a trois ans. Au cours de notre conversation téléphonique, Cathy m’informe qu’elle a rencontré Dory, un jeune Australien venu vivre six mois à Montpellier. J’ai été contente d’apprendre qu’il était très heureux dans sa famille d’accueil – j’avais moi-même trouvé cette famille ouverte et particulièrement chaleureuse lors de la visite que je lui avais faite en mai dernier. Je m’informe du moral des parents dont les jeunes sont actuellement à l’étranger (je sais par expérience que ce moral dépend surtout de celui de leur enfant, et de la réussite de son expérience). Barbara, « ma Narbonnaise », partie un an aux États-Unis, est « très heureuse » : c’est ce que m’a dit sa maman. Lors de mes contacts avec les parents et avec les jeunes, je les encourage à faire connaître PIE autour d’eux.
Dans l’après-midi, je lis la brochure 2006-2007 que nous venons de recevoir, pour être à même de mieux renseigner les parents. Ensuite, un petit tour à la poste pour envoyer de la documentation. J’ai passé mon premier coup de fil à 9 heures du matin, il n’est pas impossible que j’en reçoive ou que j’en donne un ce soir tard… ou pendant le repas. Mais il me reste tout de même assez de temps pour ma vie familiale et privée ! Les relations avec Aix sont nécessaires et importantes, elles sont toujours très cordiales. Si les mails me sont bien utiles, rien ne vaut pour moi un coup de fil.
Demain j’espère de nouveaux candidats, des visites de familles, d’établissements scolaires, de nouveaux coups de fil !

OFF — Roseline Bénétreau, déléguée régionale PIE, Midi-Pyrénées —
 Ce lundi est un jour de repos, sans contraintes ni horaires à respecter. Quelques appels personnels. Côté PIE, journée farniente : c’est génial, j’adore.

DE LA MOQUETTE À LA PLACE DES CAILLLOUX — Elisabeth Mostini, déléguée régionale PIE, Poitou-Charentes — Réveil difficile. On est lundi. Je pense à cette maman que j’ai eue au téléphone samedi. Son fils ne partira pas car elle ne le sent pas prêt. Et lui qui n’avait qu’une idée en tête depuis quelques années : faire cette expérience unique d’une année entière à l’étranger. « Il voit tout en rose, il ne se rend pas compte des difficultés qu’il va rencontrer. Je suis sa mère, je le connais mieux que quiconque ! », me dit-elle. Elle a tout à fait raison : elle le connaît bien son enfant, et ce genre de séjour ne se déroule pas toujours comme on l’a rêvé. Mais l’adolescence, n’estce pas désirer l’impossible ? N’est-ce pas négocier les obstacles, apprendre de quoi on est capable, devenir adulte ? C’est dur d’être parents, et grands-parents tout autant. Quand mes petits-fils seront en âge de marcher, accepterai-je de les laisser faire l’expérience de tomber et de s’écorcher les genoux sur les cailloux de ma cour, ou les suivrai-je pas à pas pour intervenir avant leur chute ? Et pourquoi ne pas mettre de la moquette à la place des cailloux ?

TOUT UN PROGRAMME — Andrée Hamonou, déléguée régionale PIE, Centre-Auvergne- Limousin — Tous les ans à cette époque, la déléguée est aux abonnés absents pour cause de vacances, mais elle n’est pas totalement déconnectée quand même. 11/09/01— Je suis en Espagne près de Malaga. Quand je vois les tours, je pense à nos jeunes étudiants d’échange, tout juste débarqués de France, peut-être même à New-York en ce moment ? Angoisse ! Et s’ils étaient en train de visiter Manhattan ?
11/09/06 — En Espagne encore. Du côté de Valence cette fois. J’y retrouve des amies espagnoles connues à l’occasion d’un échange d’élèves, il y a 14 ou 15 ans. Cela me ramène à PIE. Je pense à ma dernière « jeune », pas encore placée. A-t-elle repris le chemin du lycée français ? Inquiétude !
Dans une semaine je rallumerai mon ordinateur, je lirai les dernières nouvelles de PIE. Ma dernière jeune sera placée. Elle partira le jour même, dans la joie. Et moi je repartirai pour une nouvelle année d’échange… Tout un programme.

TABLEAU NOIR — Sue Ellen Jeantet, déléguée régionale PIE, Bourgogne — Institutrice — Participante 1999-2000 — Sur le tableau noir de ma classe, j’écris la date comme chaque matin : lundi 11 septembre. Par réflexe, j’ai envie d’écrire 2001. Je me souviens que j’étais sur l’autoroute quand j’ai appris la nouvelle. J’ai cherché tout de suite à joindre Granny and Papy, mes parents d’accueil, car je savais qu’ils devaient aller à NYC pour ses affaires. Toutes les lignes étaient occupées. J’ai eu un moment de panique. Je me souviens de tout comme si c’était hier. Aujourd’hui, comme chaque matin, on commence par une séance d’anglais. Je voudrais parler du 11-Septembre à mes élèves. Mais à quoi bon : le plus jeune avait 1 an quand c’est arrivé !

L’USAGE DU MONDE— Nolwenn Le Feunteun, auteur-adaptateur, déléguée régionale PIE Nord-Pas de Calais — Participante au programme d’une année scolaire 1997/1998, Anchorage, Alaska, USA — J’aimerais pouvoir écrire que ce 11 septembre 2006 a été pour moi une journée passionnante, que je l’ai passée à écrire les sous-titres français du dernier film de Woody Allen ou de Martin Scorsese, mais ce serait mentir ! Je suis auteur-adaptateur —non, rien à voir avec les prises de courant— je traduis des documentaires, des séries ou des films, soit en créant les sous-titres, soit en écrivant une adaptation française la plus synchrone et la plus fidèle possible, pour les comédiens qui doubleront l’original. Mais en ce moment je n’ai pas de contrat, donc aujourd’hui, j’ai passé une journée de chômeuse.
Dites, on ne pourrait pas plutôt parler d’hier ? Parce qu’hier j’ai vécu toute la journée dans un livre, et la vie y était palpitante et riche, aussi remplie qu’une année PIE, c’est dire ! Hier je suis passée par des endroits aux noms mystérieux : Sungurlu, Merzifon, Gümüsane… J’étais sur la route d’Ankara, je découvrais la vie des paysans turcs à travers les yeux de Nicolas Bouvier. « Un voyage, écrit-il se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
Ce matin, j’ai été réveillée par le réveil de ma colocataire à six heures, mais je ne me suis levée que bien plus tard, à une heure que je qualifierais presque « d’adolescente ». Douche, radio, que j’ai éteint tout de suite (marre d’entendre parler de la théorie du complot) —et hop, je me suis occupée de la rédaction d’une petite annonce : je cherche un sous-locataire pour ma chambre, car dans moins d’un mois, je serai au Luxembourg pour un stage comme traductrice à la Commission Européenne.
Refaire mes valises, repartir à neuf, arriver dans un nouveau pays, dans une nouvelle vie, c’est chez moi, depuis mon année PIE en 1997-98, une forme d’addiction, un art de vivre —j’hésite encore entre les deux—. Depuis mon retour d’Alaska, j’ai quelque chose d’une déracinée. Une fois qu’on sort la plante du pot et qu’elle a goûté à la terre du jardin, difficile de l’y remettre ! Elle s’y sent à l’étroit, ses racines ont épaissi, elle a besoin de plus : plus d’eau, plus de terre, plus d’espace, plus de soleil. Alors, elle fane un peu. C’est comme cela que j’ai vécu l’année qui a suivi mon retour. Je trouvais le « pot » qu’était la fac d’anglais bien fade, que tout cela manquait de vie, d’enthousiasme : certains étudiants, certains professeurs n’avaient-ils pas connu la lumière du soleil ? Vite, repartir ! Ne pas laisser le temps à la morosité de s’étendre, à l’ombre de me gagner. « Ceux qui ont quelqu’un d’autre ailleurs ont inventé les ponts. » (Le Contraire de un, Erri de Luca). Ma vie est donc étrangement rythmée par des besoins d’ailleurs : le 11 septembre 2001 j’habitais à Leipzig en Allemagne, le 11 septembre 2002 j’entamais un stage à Paris, le 11 septembre 2003 j’étais à Brest, le 11 septembre 2004 à Rennes, le 11 septembre 2005 à Lille… Je me sens parfois un rien nomade, mais tous ces endroits sont devenus des chez-moi. C’est grisant de regarder une mappemonde et de repenser à tous ces lieux, à tous ces gens éparpillés sur la planète et de se sentir reliée à eux par les souvenirs, par la langue anglaise ou allemande : le monde a alors un sens, même les endroits où on n’est pas allé, même les langues que l’on ne comprend pas et qui résonnent comme autant de musiques à nos oreilles. On sait par expérience qu’on vit différemment ailleurs, et ça rend humble et curieux : toujours envie de plus de lumière, de générer de la chlorophylle, de faire couler la sève. Finalement, durant une année PIE, on n’apprend rien d’autre que la photosynthèse : on se gorge de soleil – on grandit, et peu à peu, nos feuilles s’assombrissent, nos branches s’étendent, on devient de bien belles plantes, robustes et pleines de vie.
Voilà, j’ai beau avoir passé ma journée à Lille aujourd’hui, j’ai dessiné des ponts intérieurs qui me transportent à l’autre bout du monde le temps d’une pensée. J’ai déjà la tête au Luxembourg. C’est peut-être pour ça que je fais de la traduction, de l’adaptation : pour construire des ponts entre tous ces lieux que j’ai habités, entre tous ces gens que j’ai côtoyés, pour leur donner la possibilité de se rencontrer, de confronter leurs modes de vie, leurs films, leurs romans, leurs cultures, même s’ils ne parlent pas la même langue. La traduction — quand c’est bien fait— c’est aussi beau qu’un funambule dansant sur un fil : trouver le juste équilibre entre deux mondes, les faire se confondre avec grâce, créer l’illusion d’une dimension commune possible, si fine soit-elle, où la langue n’est plus un problème. Si j’osais, je dirais que le traducteur tente de reconstruire, à son humble niveau, la tour de Babel, de créer une poche de résistance contre l’incompréhension. Dans l’après-midi, j’ai appelé mon futur colocataire luxembourgeois pour parler des derniers détails, puis je me suis mise au rangement et au classement de ma paperasse… Il faut bien faire le vide un peu, si je veux sous-louer ma chambre… Il faut aussi penser aux documents importants à emporter, prendre les coordonnées des jeunes PIE de la région Nord, ne rien oublier. Je trouve que c’est une grande responsabilité d’être délégué régional. Parfois ça me fait un peu peur, je me demande si je suis à la hauteur, si je saurai faire face, mais il m’était impossible de refuser. Neuf ans après, je réalise vraiment combien cette expérience a bouleversé mon existence. Il n’est pas un hiver qui passe sans que je ne raconte mes histoires d’Alaska, d’élans dans le jardin, de cours de poterie, d’été sans nuits. Alors, je dois bien ça à PIE !
Et puis, quand on voit le visage de ces jeunes qui ont décidé de se frotter au monde, à la vie, et qu’on les entend parler, on se dit qu’on assiste à un moment privilégié. On est témoin de quelque chose de toujours aussi émouvant : savoir, alors qu’eux-mêmes n’ont pas pleinement conscience de ce qui les attend là-bas, qu’à leur retour, ils ne seront plus tout à fait les mêmes, qu’ils seront adultes ou presque. Cette année à l’étranger, c’est une sorte de rite initiatique. Et ce rite a cela de merveilleux qu’il permet de vivre la sortie de l’enfance, de l’insouciance de l’adolescence, non comme un arrachement à un paradis perdu, mais comme une ouverture sur les richesses infinies qu’offrent l’âge adulte et la découverte du monde. Dans la soirée, j’ai fait un tour en ville pour déposer une petite annonce au Point-Info-Jeunesse, il était fermé le lundi. Évidemment. Tout pour me mettre de mauvais poil. J’ai mangé avec mes colocataires, toutes les fenêtres du salon grandes ouvertes, pour profiter des derniers rayons. Plus tard, confortablement assise sur mon lit, j’ai continué à lire L’Usage du monde. Et j’ai été, encore une fois, prise en flagrant délit de rêve d’ailleurs, d’envie d’autre chose. Heureusement que j’ai aussi les livres pour voyager, pour vivre d’autres vies, pour croiser des gens différents de moi. Je crois que sans eux, je m’ennuierais et voyagerais et déménagerais bien trop souvent

SUR UN PETIT NUAGE — Danielle Mérope- Gardenier, correspondante locale — Mère de participants — Je me suis occupée ce matin de ma correspondance, de régler et ranger des papiers, de passer quelques coups de téléphone, bref, de faire avancer les choses – puis je suis allée à Forcalquier conduire mon fils Matthijs au car de 12 h 30, afin qu’il se rende à Aix pour travailler au bureau de PIE. À Forcalquier, c’était jour de marché, j’en ai profité pour faire quelques courses. J’y ai rencontré un ami qui m’a informée de possibilités d’acheter une maison dans la campagne marocaine à des tarifs défiant toute concurrence ! Je me prends à rêver. Je redescends de mon petit nuage, déjeune un peu tardivement sur la terrasse inondée de soleil. Et puis je fais des recherches sur Internet, consulte ma messagerie, envoie des mails. En fin d’après-midi, je pars faire une bonne balade dans la colline. De retour, j’arrose les plantes avant de partir dîner chez des amis. Très belle et très agréable soirée, pleine de chaleur humaine. Le repas était délicieux. Je rédige ce petit rapport à PIE avant d’aller consulter les offres SNCF dernière minute et de sauter dans mon lit. Je n’ai pas voulu écouter les infos – les jours précédents, les journalistes avaient déjà tant envahi les ondes de commentaires concernant les attentats du 11-Septembre, que je craignais le pire.

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Salariés, Partenaires, C.A.

UN AMÉRICAIN À AIX — Benito Maldari, responsable des programmes « Workin’USA », bureau national d’Aix-en-Provence — Douche, choix de vêtements, café…, je prends mon sac, mes clés, mon portable, et je file. Sur le chemin, soudain je réalise que j’habite en France. Moi. Seul, sans ma famille, j’ai choisi ce pays. J’habite en Europe, à Aix. Cette ville est magnifique, le soleil brille tout le temps – malgré le stress du quotidien, je me rends compte de la chance que j’ai. En arrivant au travail, j’allume l’ordinateur, et la journée commence. Tout est en français. J’oublie parfois que je vis ma vie, au quotidien, dans une langue étrangère. Les autres ne s’en rendent pas compte. Tout le monde me dit que je parle bien, que je maîtrise la langue française – mais, en réalité, ça reste une langue étrangère. Quand j’y pense, je réalise que tout m’est étranger, même l’anglais. Parfois je ne sais plus d’où je viens !
Vers 10 h 30, ma ligne directe sonne. Le numéro qui s’affiche sur l’écran commence par 001 – je sais que c’est mon père. Il est 4 h 30 du matin là-bas, il vient de se lever, il va bientôt partir au travail. Il me demande si tout va bien, si le travail va bien, si je mange comme il faut, si je suis allé à l’église dimanche. Je réponds en évitant la dernière question. Et puis, juste avant de dire au revoir, j’entends un décalage sur la ligne. Les mots arrivent à nos oreilles avec un peu de retard, il y a un écho. Et là, la réalité me rattrape à nouveau. Ils sont loin, ils vieillissent, et maintenant je comprends la douleur qui a été la leur quand ils ont quitté l’Italie. Il me dit : « Ti voglio bene » (« Je t’aime »), il me souhaite une bonne journée au bureau, et c’est fini jusqu’à jeudi matin. Et la journée se déroule. Le téléphone sonne, entre les parents inquiets, les jeunes angoissés, et tous les autres qui ont besoin de renseignements. Je vis ma passion, j’aide les gens et je les rassure. Je fais mon travail quotidien. Ce lundi 11 septembre 2006 est un lundi comme les autres. J’en profiterai pour ne pas oublier mes racines, pour ne pas oublier tout le travail et les sacrifices pour en arriver jusque-là. Être « Américain » ici, ce n’est pas facile, mais je me bats. J’ai quitté une famille pour venir en rejoindre une autre. Je vis mon rêve.

DREAM ON — Elodie Meynot, responsable du programme « Au Pair », bureau national d’Aix-en-Provence — Participante au pair 2001/2002, Dallas, Texas, USA — J’étais aux USA depuis deux mois, en tant que jeune fille au pair. J’ai attendu des nouvelles de ma US Mom pendant des heures et des heures. Elle se trouvait à NYC, dans la tour n°7, à côté des « Twin Towers », une tour qui s’est aussi effondrée. Je crois que j’ai réellement eu peur ce jour-là : les choses les plus simples comme avaler et respirer faisaient horriblement mal. 5 heures après les attaques, on a enfin entendu sa voix et 10 heures après on l’a serrée très fort contre nous. J’aurais tellement aimé que ce soit pareil pour tout le monde. Aujourd’hui, 11 septembre 2006, j’ai dit au revoir à mes parents, mon petit frère, ma petite soeur et ma meilleure amie car je pars vivre aux USA. Cinq ans après, je pars vivre aux USA et je suis fière de réaliser mon rêve de petite fille. C’est le pays de toutes les envies, de toutes les aventures, de toutes les folies : « Keep this American dream alive and make it a reality ! »

LE LIEN — Julie Clément, assistante des programmes PIE, bureau national d’Aix-en-Provence — Participante au programme d’une année scolaire 1999/2000, Kennewick, Washington, USA — Cette photo qui date d’août 2005 illustre à la perfection mon 11 septembre 2006. À gauche, c’est Elodie, qui a commencé à travailler au bureau d’Aix à peine un mois avant moi, il y presque trois ans maintenant. Ce soir, nous fêtons sa nouvelle vie, son départ pour ce qu’elle considère comme son « vrai » pays, les Etats-Unis – elle quitte la France dans quelques jours. A droite, c’est Erin qui a travaillé avec nous pendant un an avant de rejoindre son vrai pays : l’Afrique du Sud. Elle m’a envoyé un mail aujourd’hui, le réseau qu’elle monte sur place —pour travailler avec PIE— est en train de prendre forme. Cette photo résume ma journée et témoigne du lien qui nous unit toutes les trois. Photo heureuse mais tellement nostalgique.

RENDEZ-VOUS DANS DIX ANS — Laurent Bachelot, délégué général de PIE — Le 11 septembre 2001, nous étions tous derrière les Américains, solidaires de leur tragédie. Aujourd’hui, 11 septembre 2006, quelle désillusion : le monde entier confond l’Amérique et son président ! À PIE, nous devons souvent nous justifier, rappeler que l’accueil là-bas est toujours aussi chaleureux, et que l’image projetée par les médias ne correspond en rien au quotidien, celui vécu par nos étudiants. Nous sommes persuadés que le rôle de PIE est plus utile que jamais et que la jeunesse pourra célébrer le 11 septembre 2011 avec plus d’optimisme. 14 h : réunion avec Pascal, concernant notre projet en Afrique du Sud – 15 h : bilan du programme Au Pair, et actions à mener, 19 h 30 : nous fêtons le départ d’Elodie aux USA.

I HAVE A DREAM — Afif Boucetta, responsable promotion (site internet) et opérations, bureau national d’Aix — Je n’aime pas les anniversaires des événements. C’est par la radio que j’ai appris que nous étions le 11- Septembre. Des auditeurs intervenaient contre l’oubli – d’autres affirmaient que le 11 était un coup monté de la CIA, ou je ne sais quoi, etc., etc. On n’en finira pas sur les hypothèses et les spéculations. Moi je fais mon travail habituel. Je parle peu des événements. Je reste triste à l’idée qu’il y a tant d’innocents en moins sur terre, et que d’autres continuent à vivre pour faire le mal. J’espère juste, qu’un jour, on pourra voyager tranquillement et que les peuples pourront se mêler.

LA FIÈVRE DU VOYAGE — Valérie Bernhardt, responsable des programmes « Summer » et « 80 jours », bureau national d’Aix-en-Provence — Participante au programme d’une année scolaire 1997/1998, Manton, Michigan, USA — Contacts avec des partenaires étrangers, conversations en anglais… une journée parmi d’autres dans le « monde des séjours linguistiques », une journée à travailler avec l’équipe de PIE et de Calvin-Thomas, à poursuivre mon expérience en la rendant possible, aujourd’hui, pour d’autres. Ce qui rend cette journée un peu particulière, c’est sans doute mon départ imminent pour la Chine. Je ne déménage pas là-bas, je pars seulement en vacances, pour 3 semaines – mais ce voyage je le prépare depuis un an et je l’attends depuis beaucoup plus longtemps. Cette fièvre du voyage est un héritage, un cadeau de PIE. Depuis mon retour, je voyage, je visite, je déménage. Pour un week-end, une semaine, un mois, une année. Aux Etats-Unis, au Canada, en Irlande, à Malte, au Maroc, en Espagne. Et bientôt pour la Chine, puis le Brésil et après… ? Qui sait où je passerai mes prochains 11-Septembre ?

JUSTE UN BONJOUR — Jean-Marc Bruley, assistant à la comptabilité — Il est 14 h 15, et je suis légèrement en retard. Peut-être moins que d’habitude. Je remonte le boulevard Victor-Hugo à grandes enjambées, traverse le Cours Mirabeau pour rejoindre la rue Espariat, et le bureau de PIE. Je travaille à mi-temps à PIE, j’assiste Pascal à la comptabilité. Mon cerveau clique sur le dossier BAI pour le refermer (c’est l’autre partie de mon travail), et clique sur le dossier PIE. Tout à l’heure, je vais dire bonjour aux uns et aux autres, échanger quelques mots brefs, dans le calme, et sur un fond musical très classique. Je me projette : qui sera là et qui sera absent ? Quelles tâches m’attendent ? Quels documents dans mon casier : pochettes jaunes et rouges bombées de factures, pièces de banque à comptabiliser, e-mails, demandes diverses qui me sont transféré… Aujourd’hui tout le monde est très occupé, déjà en ligne, pour un « counseling » ou pour renseigner. Ma tournée des « bonjours » est donc écourtée. Rien de nouveau dans mon casier, depuis vendredi, presque rien dans les pochettes, et aucun e-mail de PIE ni de CTO. Rien de ce que j’avais prévu. C’est l’aubaine. Puisqu’il n’y a pas de tâches routinières, j’aurai plus de temps, aujourd’hui, pour la réflexion et pour avancer le travail de fond. Je vais pouvoir continuer mes rapprochements bancaires, passer un long moment sur des écritures comptables, utiles au futur bilan de PIE. En fait, toute l’après-midi, je vais comptabiliser les assurances et les frais de prélèvement – ensuite je rechercherai l’origine de certaines dépenses passées en banque.
Je m’aperçois qu’il est déjà 19 h 00, que Valérie ne m’a pas laissé de chèques à déposer à la banque, que Benito est allé à la poste depuis bien longtemps, et que je ne l’ai pas entendu dire : « C’est bon pour le courrier, Jean-Marc ? ». D’ailleurs, je n’avais pas de courrier à envoyer. J’entends des rires provenant du bureau voisin – je devine que des blagues se préparent. Ce soir, on va fêter dans la bonne humeur le départ d’Elodie.

DANS MON ÉLÉMENT — Astrid Galliot, responsable du bureau de Paris — Participante au programme d’une année scolaire 1999/2000, Waldorf, Maryland, USA — Je suis en vacances aux Etats- Unis. Je passe une semaine dans une ferme, au coeur du Michigan, en tant que volontaire. Je suis arrivée hier sur Détroit. Deane, 60 ans, petite femme à la longue natte grise, m’attendait dans sa voiture pleine d’objets, d’outils, de livres. Je partage pas mal de choses avec elle, c’est une belle rencontre. Ma journée du 11 a commencé avec une bouillie d’ « oatmeal » et autres graines —je ne mange que des choses organiques ici, « Slurp ! ». Nous sommes parties retrouver d’autres volontaires dans le parc de Kesington où nous construisons un « Kids Cottage » avec de la terre, de l’argile, du sable, de l’eau… Bref nous faisons du « Natural Building », en pleine nature. J’ai l’impression de construire des maisons sorties tout droit d’un conte de fées, c’est magnifique. J’adore me couvrir les mains de boue et l’étaler ensuite sur les murs de paille. J’ai eu l’occasion de traire une « Brown Swiss ». Nous sommes à 5 minutes d’une ferme écologique, un lieu rêvé pour moi. Je rencontre des gens fantastiques qui parlent de « Native Americans », d’ « Organic food », d’ « Ecology ». Y’a pas à dire, je suis dans mon élément.

FAUX DÉPART —Pascal Blox, directeur administratif et financier — 4 h 30 : Le réveil sonne, comme tous les matins. J’ai du mal à émerger. il faut dire que je me suis couché tard, à cause de ces satanés budgets à préparer. Un petit café, un coup d’oeil sur la maisonnée qui dort et je file dans la nuit, vers le centre d’Aix. En chemin je pense aux urgences à traiter. J’arrive. Le bureau est désert. J’aime ce moment. Le reste de l‘équipe sera là vers 9 h 30. Pendant 4 heures, le bureau m’appartient, je vais pouvoir bosser sereinement. Je désactive l’alarme, j’active mon ordinateur, je sors mes dossiers. Je lance entourage : 15, 20, 30, 48… 75 messages, pas moins ! La journée s’annonce chargée ! L’ordinateur me lance une alarme… Ah non… c’est mon radio-réveil !
Il est 7h 36, je suis en retard. Je me suis couché tard hier soir. j’ai regardé toutes les émissions sur les attaques du 11-Septembre. Je suis fatigué… mais je sais tout sur les tours jumelles et leurs données techniques : structure, amiante, implantation des escaliers, ascenseurs… Je dormais bien. Je rêvais à Trois Quatorze. Marion, ma fille, et Annie, notre Américaine, sont déjà parties. Je vais prendre un petit déjeuner avec Annie —ma femme— puis je descendrai vers Aix. Le jour sera levé depuis longtemps. Au bar l’Espariat, je retrouverai Xavier (Monsieur Trois Quatorze) et Pépito, son ami (et ami de PIE), je me devrai de prendre un café avec eux. A 8 h 59, je rejoindrai mon bureau. Un petit bonjour et je lancerai Entourage. Il y aura 5 pauvres messages (dont 2 pubs et un rappel de Trois Quatorze). Je pourrai entamer ma journée de travail.

LA VIE EST BELLE — Maya Ludwiczack, responsable des programmes PIE, bureau national d’Aix-en-Provence — Participante au programme d’une année scolaire 1990/1991, El Dorado Hill, Californie, USA — Rien de marquant, rien de particulier mais —/ Parce que ce fut une belle journée / Parce qu’elle fut remplie de rires et de joies, / Parce que la vie est si belle — Je vous souhaite à tous de vivre encore des milliers de 11 septembre 2006.

LE MOT DU PRÉSIDENT — Olivier Weill, Directeur de projets chez Accor Hotellerie — Président de l’association PIE — Voyons un peu mon agenda : réunion avec le chef des ventes, réunion du Comité d’entreprise, l’après-midi, signature chez le notaire, bon, ben, rien que d’ordinaire ! 2001, je me souviens, j’étais en réunion d’équipe — déjà, encore— lorsque quelqu’un est venu me dire : regarde la télé —oui, j’ai une télé dans mon bureau !— à New-York, ils ont fait sauter le WTC ! Il faut vous dire que, dans le tourisme, un frémissement de papillon dans un endroit du monde peut avoir des conséquences en chaîne sur notre activité. Alors, vous pensez, les tours du WTC ! Et tout est parti de là : le drame, les victimes (un de mes collègues américains était dans l’avion de Washington), la solidarité avec les US, et puis ensuite la forte baisse des voyages, les restrictions d’entrée aux US —PIE en sait quelque chose, et tout, et tout… En ce jour, j’ai une pensée particulière pour les jeunes de PIE et les familles d’accueil, qui, heureusement, persistent à démontrer la nécessité de développer des amitiés au-delà de toutes les barrières.

HECTIC MONDAYS — Bill Gustafson, président d’ASSE, partenaire américain de PIE (ASSE accueille tous les étudiants français qui ont choisi de passer une année aux USA, au Canada, en Chine, en Nouvelle-Zélande) — I wish I could say that this September 11th, I took time out and pondered what happened five years ago. But, in truth, Mondays are always hectic days for me, catching up from a weekend of international emails and urgent phone calls. As usual, I spent the day tap-tap-tapping away at my keyboard, talking with overseas offices and ensuring that ASSE ran smoothly. For me, this is the best way I can think of to honor those who died and fight the hate that is at the root of such horrors as 9/11. I know that all of us connected to ASSE are working to make sure that understanding replaces such ignorance in today’s world. I do recall that I did pause a bit at lunch to remember how I felt that day. I remembered later thinking about what that day meant for students in the USA at that time. Then, checked my watch, took a last bite of my sandwich and headed back to my office. I had a conference call with China.

ERIN DART — Ancienne stagiaire au bureau d’Aix, créatrice de Calvin-Thomas-South Africa — J’habite un endroit paradisiaque : Hout Bay. Ce matin, j’ai rencontré une Française, Patty, qui habite à deux pas, et qui voudrait m’aider à monter le projet Calvin-Thomas sur Le Cap. Son expérience est inestimable car elle a vécu un an aux USA en tant qu’étudiante d’échange et sa famille française a accueilli. Ensuite, comme chaque lundi, en milieu de journée, je passe une heure avec des enfants du bidonville local pour les faire lire en anglais. Ce projet bénévole m’apporte beaucoup de satisfactions. Je vois les enfants faire des progrès. Ils sont incroyablement affectueux et heureux, malgré les difficultés auxquelles ils font face tous les jours. L’aprèsmidi, je vais de l’autre côté de la jolie montagne —Table Mountain— pour voir une autre amie, Hilary, qui va m’aider, elle aussi. Je suis très inspirée par le soutien que je reçois des uns et des autres. Même si on habite dans un monde qui change, qui est de plus en plus dangereux, on trouve toujours des diamants brillants qui nous font sourire et qui nous encouragent. Voici mon espoir pour l’avenir. Mes jours sont pleins de rencontres intéressantes et enrichissantes. Bien que vous soyez loin de moi, je pense à vous souvent.

TOUCHÉ — Bernard Mermillon, avocat fiscaliste —Membre du conseil d’administration, Trésorier de l’association PIE — Couler un journal a toujours été mon ambition. Voici donc ma contribution au prochain numéro de Trois Quatorze ! “3.14”, un journal dont le titre est en chiffres arabes ! Que dire ? Cela m’angoisse. Oui, je crains pour ma vie. Aujourd’hui contrairement à mes habitudes, je n’ai pris ni métro ni bus. Je marche sans penser. Je suis simplement aux aguets. Prêt à bondir sous une voiture si quelqu’un ouvre une boîte de sardines. Je progresse cependant, d’un pas rapide. On ouvre devant moi une lourde porte aux fines arabesques. Encore un obstacle à franchir. Le gardien de nuit s’appelle Allah ! Il m’a souri cependant et m’a conduit jusqu’à la salle de conférence. Aujourd’hui, il me faudra être éloquent, le sujet de mon discours s’y prête : odeurs et couleurs de la TVA. Je tiendrai mon public en haleine jusqu’à 0 h 01 – nous serons le 12 septembre. Je serai donc sauvé, heureux et libre. Libre de rentrer en bus ou en métro, heureux sous l’arc-en-ciel de la TVA – sauvé du regard bleu acier des sardines.

NOTEBOOK — Bénédicte Déprez, membre du Conseil d’Administration, ex-salariée, libraire — Participante au programme d’une année scolaire 1985/1986, Seattle, Washington, USA — Belle matinée de septembre. Les minots sont à l’école. Plutôt tranquille la journée : pas de rendez-vous ni de déplacements. Je pense à mon projet : nouvel endroit, nouvelle aventure, nouvelle librairie, nouvelle vie. D’ici quelques mois, l’étape rennaise s’achève. La librairie, c’est ma seconde vie. Car la première, c’est P.I.E, forcément ! Je choisis ce lundi 11 pour plonger dans le garage à la recherche d’un souvenir précis.
Seize ans avant le 11-Septembre 2001, j’étais participante P.I.E à Seattle et je tenais un journal. Enfoui sous une multitude de papiers et autres écrits, je retrouve mon « notebook ».
Vendredi 6 septembre : je parle de la cadette de mes soeurs d’accueil, Marcie – visiblement notre relation est, sinon conflictuelle du moins assez peu engageante ! Elle avait alors 13 ans. Aujourd’hui elle a 34 ans, deux enfants, et on s’adore.
Mardi 10 septembre : j’ai l’air euphorique, je rentre d’une fête avec l’équipe de volley de ma High School. Le volley m’a accompagnée pendant longtemps et dans tous mes voyages. J’ai retrouvé, il y a un ou deux ans, mon « coach » américain, Mrs. Howard. On a bu un coca et parlé du bon vieux temps. Plus de 15 ans après, elle n’avait rien oublié de la saison des « Seagulls » en 85-86. Stupéfiant. Jeudi 12 septembre : un mois après mon arrivée, je me rends compte que mes jeans ont tous rétréci ! Pourquoi les jeans rétrécissentils systématiquement lorsque l’on vit à l’étranger ?
Vendredi 13, l’équipe de football locale gagne son premier match… Je trouve les « cheerleaders » ridicules, mais je les envie quand même un peu d’être si « populaires » dans l’école. J’arrête alors ma lecture, j’examine un peu mieux mon journal et toutes les feuilles volantes qui s’y rapportent. À la date du 11 septembre 1985, rien ! Ce mercredi- là, je n’ai rien écrit. Tout allait bien en Amérique.

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Ils étaient à New-York

DE BRUIT ET DE POUSSIÈRE — Romain Rieme — Participant au programme d’une année scolaire 2001/2002, Newport News, Virginia, USA — Présent à Manhattan le 11-Septembre — Je pense tout le temps à cette journée – trop souvent, du moins. Elle est présente en moi. On était arrivés la veille. Au moment où le premier avion a pénétré dans la tour, on faisait la queue à Battery Park pour prendre le Ferry pour la Statue de la Liberté (N.D.L.R. : Battery Park est à quelques blocs de WTC). On a simplement entendu une explosion. On a tout de suite pensé à une bombe, mais on ne voyait pas la tour. Le deuxième avion est arrivé un peu plus tard. Celui-là, on l’a vu de près : 200 mètres, pile au-dessus de nos têtes. Un bruit effroyable. La fille à côté de moi a dit : « Oh ! mon Dieu, il vole bas. » Je l’ai rassurée, je lui ai dit que c’était normal, car « l’aéroport n’était pas loin ». Trois secondes après, il s’est crashé dans les tours. Ça on l’a vu, on l’a bien vu. On a halluciné, on ne comprenait rien. On voyait, mais on ne réalisait pas. Le fait de ne rien comprendre en anglais ajoutait à la confusion. On est descendus du ferry, on est partis s’abriter dans le parc, les gens criaient, pleuraient, tout le monde avait son portable à la main. Plus tard et soudainement, tout a tremblé sous nos pieds, et un gros nuage est arrivé sur nous. On ne voyait pas les tours, alors on comprenait encore moins. Là, on a eu peur, c’était un peu la parano, car on avait du mal à respirer et les yeux nous piquaient, alors on a imaginé une attaque chimique, quelque chose comme cela. On ne savait plus du tout où on était, on ne savait plus rien – on se demandait ce qui nous attendait. Tout était alors possible. On a trouvé refuge dans un centre commercial. Ça pleurait partout. Nous, on était couverts de poussières, comme déguisés. On est restés toute la journée dans le centre à attendre, à regarder la télé, à revoir sans cesse les images. À cet instant, il n’y avait pas de panique, plutôt de la confusion et de l’incompréhension. On est sortis du centre commercial en fin d’après-midi, et là, c’était l’horreur. On aurait juré qu’une bombe atomique était passée, c’était l’apocalypse. On a rejoint notre bus et on a filé sur Washington. C’est là qu’on a doucement réalisé la portée de l’événement qu’on avait vécu. On a mis trois jours avant de pouvoir joindre nos parents, mais ils savaient déjà, par l’association, que nous étions sains et saufs.
En rentrant en France, j’ai beaucoup parlé de cette journée. Aujourd’hui, ça me saoule, je ne dis presque plus que j’étais à NYC ce jour-là. Je crois mieux comprendre que les autres la réaction des Américains à la suite du 11-Septembre, car quand on se retrouve au milieu de ça, on se dit qu’on ne peut pas laisser faire. Je n’ai pas à proprement parler une réaction française à cet événement. De cette journée, il me reste les bruits et la poussière. L’image ne rend pas du tout compte de ça : le bruit du réacteur, l’explosion, le tremblement de la terre, les cris, les pleurs. Tout cela, je l’ai en tête. J’ai conscience d’avoir assisté au plus gros attentat qu’il n’y ait jamais eu, mais pour autant, je ne crois pas que le 11-Septembre m’ait fondamentalement changé. Je n’ai jamais fait de cauchemar, je n’ai pas de phobies particulières, je prends l’avion… J’ai vécu au coeur d’un événement fort, mais ça reste une journée dans ma vie.

UNE RUPTURE EN MOI — Vincent Bonneau — Participant au programme d’une année scolaire 2001/2002, Albuquerque, New Mexico, USA — présent à Manhattan le 11-Septembre — Réveil pesant, journée qui s’annonce longue, pleine de souvenirs, chargée d’images. Demain commenceront mes examens — une licence de comptabilité/gestion, un DECF — alors je dois me plonger une dernière fois dans mes cahiers. Mais aujourd’hui, je serai plus nerveux que d’ordinaire, j’aurai du mal à me concentrer. J’aurais vraiment aimé participer aux commémorations cette année en allant là-bas, mais les circonstances ont fait que c’était impossible… Les examens notamment.
Nous sommes arrivés à New York le 10 au soir. Un taxi nous attendait pour nous conduire à l’hôtel, aux pieds de Central Park. Le lendemain, réveil matinal, mais facile, ciel superbe, journée prometteuse. Dans un premier temps, on devait rejoindre la Statue de la Liberté – pour ce faire il nous fallait traverser Manhattan en direction du sud pour prendre le ferry. Je me revois de temps en temps, passant devant l’hôtel « Marriot » au pied du World Trade Center, regardant à travers la fenêtre du car pour tenter d’apercevoir le sommet des tours. Mais c’était impossible : l’angle était trop aigu, les tours trop hautes et nous trop proches. Nous sommes arrivés à l’embarcadère un peu plus tard – nous avons attendu le ferry – près des grands arbres des danseurs africains jonglaient et jouaient de la musique – ils nous aidaient à passer le temps. C’est à ce momentlà qu’on a entendu un bruit et qu’on a commencé à apercevoir de la fumée au-dessus des arbres. Personne autour ne s’inquiétait, personne ne pouvait imaginer. Le bateau est arrivé au même moment – on a embarqué et c’est à cet instant, parce que l’on avait changé de point de vue, que l’on a vu la première tour du WTC en feu. Et puis, un avion est arrivé sur notre gauche, un avion de la United Airlines. Une Française devant nous paniquait en disant : « L’avion, il vole trop bas, il vole trop bas ! » Moi, j’ai naïvement pensé que c’était un avion équipé comme un Canadair, qui venait simplement éteindre le feu. On a suivi cet avion du regard, sans un mot, sans pouvoir faire quoi que ce soit, et il a percuté la deuxième tour. Tout le monde est descendu du ferry, la visite n’avait plus de sens. On a attendu dans un parc, derrière les arbres, en voyant défiler la police, le FBI, l’armée. Puis nous nous sommes dirigés vers le car pour partir. Tout le monde était monté dans le car, quand on a vu sortir des rues devant nous des nuages de fumée opaque, la fumée a entouré le bus, et on a préféré sortir pour se mettre à l’abri dans un centre commercial, chacun avec son mouchoir humide sur la bouche. On a traversé quelques blocs en suivant notre accompagnatrice pour atteindre le centre commercial où l’on a pu téléphoner à nos familles pour leur dire que nous allions bien, et nous informer sur la situation. Une fois la fumée retombée, nous sommes revenus à l’autocar – on a attendu que les engins de déblaiement puissent passer, avant de repartir sur Washington. Cette journée reste pour moi un cauchemar, un cauchemar qui s’invite de temps en temps. Elle marque une réelle rupture en moi : j’ai perdu mes illusions sur un monde sans conflit, sans haine. Dans le même temps, je reste optimiste, car j’ai vu depuis ce jour des peuples lucides faire preuve d’émotion et de solidarité.

EN ROUTE — Rodolphe Thétiot — Participant au programme d’une année scolaire 2001/2002, l’Ascencion, Québec, Canada — Comme toutes les années nous nous sommes retrouvés au FIAP afin de rencontrer toute la promotion et de produire ce fameux « Talent Show ». Ce fut une expérience intense et très enrichissante pour moi. Les bons moments ont toujours une fin : le jour du départ est arrivé. Moi je n’avais pas de visa. Cela a été assez dur de voir le bus partir et de rester seul en France. Je suis de nature positive : je me disais donc que je partirais dans les jours à venir. Ce fut le cas. Je suis parti le 11 septembre 2001.
Ce jour-là, pas de retard d’avion : on a décollé normalement de Roissy. Le vol se passait bien et je me disais : « Ça y est, tu pars pour le Canada, enfin ! » Après une heure de vol, le commandant de bord nous a expliqué qu’il y avait un problème au niveau des radars au-dessus de l’Atlantique et qu’il fallait faire demi-tour. J’ai alors pensé que je n’y arriverais jamais. En atterrissant à Paris, on nous a dit que ce n’était pas un problème de radar, mais une histoire d’avions suicides sur New-York. Nous ne comprenions pas vraiment ce que voulait dire « avions-suicides », et moi qui n’avais pas vu d’images, j’avoue que je me souciais plus de mon voyage et de ce nouveau contretemps que d’autre chose. Dans l’aéroport c’était la folie, un steward est venu nous dire que New-York avait été attaquée et que les images passaient en boucle sur toutes les télés. Mais je n’avais encore aucune idée de la violence de la chose.
Moi, j’avais un numéro à appeler en cas d’urgence. PIE a très bien réagi. Je suis allé chez une ancienne qui s’occupait alors du bureau de Paris. Chez elle, j’ai vu pour la première fois les images de l’attentat, mais je n’arrivais pas à croire que c’était réel. J’ai pu reprendre un avion pour le Canada le 15 septembre. Mon expérience au Québec a été vraiment géniale, mais ceci est une autre histoire.
Aujourd’hui, je suis sur Lyon. Je vais commencer ma dernière année à la Faculté. Cette expérience m’a appris à toujours rester confiant : dans les moments difficiles, on trouve toujours une aide quelque part.

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Autour de PIE, anciens participants

LA JOURNÉE D’UN MARI DE DÉLÉGUÉE — Anonyme — J’ouvre mon ordinateur : un message de PIE. Pour moi, il est codé : « Suite à demande de ndad de F, voici l’update de Fs AC : Arep informe que F a quitté hfam LCE. Arep demande qu’on prévienne natfam. » J’imprime une copie du message. La déléguée —est-elle sûre d’avoir tout compris ?— téléphone aussitôt à Aix. Et moi qui avais justement un coup de téléphone urgent à donner… Il va me falloir le faire sur le portable. Justement, le portable sonne : « Allo PIE, je m’appelle Grégoire, je cherche un job au Sri Lanka, etc. ! » « La déléguée de PIE est occupée sur une autre ligne, rappelez plus tard, ou laissez-moi votre numéro de téléphone. »
Retour à notre e-mail. La déléguée souhaite le transférer à une correspondante locale, mais la manoeuvre semble dépasser ses compétences en informatique – je vais donc m’en charger. Je viens malheureusement —suivant en cela la consigne formelle de la déléguée— de supprimer le message de ma boîte de réception et de vider la poubelle. Je suis donc obligé de scanner le document. Cette fois-ci je le garderai en mémoire… en espérant qu’elle ne soit pas saturée ! Je profite du long coup de fil de la déléguée avec la famille du jeune —qui, d’après l’obscur message, aurait quitté sa famille d’accueil— pour vaquer enfin à mes occupations. 13 heures, le beefsteak est à point… mais le téléphone sonne : « Allo PIE, je voudrais parler avec la déléguée. Je ne vous dérange pas au moins ? » – « Mais pas du tout, je vous la passe. »
Cette après-midi, la déléguée doit rédiger, taper, puis envoyer à Aix un long compte-rendu de visite à une famille d’accueil. Elle le rédige, mais comme je tape, paraît-il, plus vite qu’elle, c’est moi qui me charge de la frappe… et de l’envoi. Demain, je servirai de chauffeur à mon épouse. Il s’agira d’aller visiter une famille, qui demeure loin, dans une ferme, en pleine campagne. La dernière fois, nous avons longtemps tourné avant de trouver notre objectif. Cette fois je préparerai avec soin notre itinéraire du lendemain sur une carte détaillée. Bientôt je serai équipé d’un GPS. J’en ai commandé un, pour me faciliter mes fonctions de chauffeur de maître et pour éviter de faire perdre du temps à la déléguée.
Je n’ai aucune responsabilité dans le fonctionnement de PIE, et je me garde bien d’intervenir. à ce niveau. Pourtant, après quelques années d’écoute et d’observation, d’interception et de transcripteur de messages, de travail de coursier et de chauffeur de maître, je me sens, moi aussi et à ma façon, un membre à part entière de cette grande famille.

THE SOUND OF 9.11 — Susie, assistante programme au pair —I am an American living in France. Since 9.11, I cannot take a plane without dealing with serious « mind game ». My unfounded fear of flying is the fruit of this mad act of terrorism. It worked by swelling my already unfounded anxiety with airtravel. I don’t fly any less than before. But I am the semi-comatosed drugged woman you may sit next to the next flight out. She clitches your hand, cries and excuses herself but doesn’t let go for a long time !

LA MEILLEURE AMIE — Amie de Laura, participante actuelle au programme —Je suis indirectement en relation avec PIE grâce à ma meilleure amie Laura qui se trouve actuellement aux Etats-Unis. Laura est partie fin août pour cette grande aventure, qui va, j’en suis sûre, beaucoup lui apporter. La séparation a été dure, mais il faut seulement penser au bonheur qu’elle vit en ce moment. La première fois qu’elle m’a parlé du programme PIE, je me souviens qu’elle était vraiment emballée, tout de suite. Et à partir de là, tout s’est enchaîné. Et la voilà maintenant à Kaukana dans le Wisconsin. Je reçois régulièrement des mails, elle me raconte son histoire fabuleuse, tout se passe apparemment bien et j’en suis la plus heureuse. Merci à PIE qui l’a aidée à réaliser son rêve. En ce lundi matin, je pense à elle.

EN ROUGE, À LA RÈGLE — Floriane, amie — Institutrice — Je fais partie des maîtresses d’école qui n’ont pas de classe. La rentrée pour moi ne s’est pas faite le 4 septembre. L’Éducation Nationale, ne sachant que faire des enseignants en attente, me demande de « passer mon temps » dans une école près de chez moi. Je rejoins donc, en bus de ville, l’école des Floralies. À 8 h 30, les élèves montent dans leur classe. Je choisis la classe de CE2, pour « observer ». Vers 8 h 45, la maîtresse inscrit la date au tableau : « Lundi 11 septembre 2006 », l’écriture est parfaite. Elle souligne la date en rouge à la règle. Je scrute en elle une réaction. Mais rien ! Elle ajoute seulement : « Copiez la date dans vos cahiers.» La matinée se passe : deux exercices et une leçon.
Vers 11 h 30, le téléphone sonne et j’apprends que je vais travailler dans une classe spécialisée avec des enfants en grande difficulté (retardés mentaux ou avec de gros problèmes de comportement). Après un repas rapide, je m’empresse de rejoindre cette école du 15è arrondissement de Marseille. Je monte dans ma classe et commence à réfléchir à ma journée de demain. Une certitude : elle commencera par : « Aujourd’hui nous sommes le mardi 12 septembre 2006 », puis je soulignerai en rouge à la règle.

AU COLLÉGE — Philippe Pegna, principal de collége en région parisienne — J’arrive au collège : déjà des demandes émanent des ouvriers du chantier de réhabilitation. Arrivent ensuite les enseignants, les surveillants et, enfin, les élèves. Une fois les collégiens en cours, nous nous rejoignons pour notre réunion hebdomadaire : les différents actes d’incivilité à traiter, les relations avec les fournisseurs, l’architecte. Il faut aussi préparer la visite de mes collègues chefs d’établissement qui aura lieu jeudi matin. Nous avons à coordonner nos actions afin que le passage de la troisième à la seconde se fasse dans de bonnes conditions pour les élèves, et que leur orientation soit voulue et non subie. C’est l’heure de la cantine, avec plus de 500 repas servis, et une organisation quasi-militaire de la part du personnel de service et des surveillants, pour que le repas soit un moment de détente pour les ados. Corinne —l’adjointe du collège— et moi mangeons après les deux services, vers 14 h —notre moment de détente à nous. Tout le collège sait qu’il faut un événement grave pour nous déranger durant ce repas. Elle parle de ses jeunes enfants, moi de mes grandes filles : Chloé, qui vient d’intégrer l’École Centrale, et Maud qui est revenue de son année au Canada, il y a maintenant 2 ans, et qui ne rêve que d’une chose : s’y installer après son bac ! La fin de la journée arrive vite, avec des demandes de changement d’emploi du temps, des rendez-vous à confirmer, des appels téléphoniques au rectorat ou à l’inspection académique. Je finis souvent par le tri du courrier reçu et la signature de celui qui doit partir. J’avoue que pour moi c’est un pensum – la secrétaire le sait bien qui a toujours une petite phrase pour détendre l’atmosphère.
Je salue tout le monde. Sur la route de la maison, je me remémore le départ de Maud, C’était vraiment dur pour nous, et là je me dis qu’il faut que j’appelle rapidement le bureau de PIE à Paris pour savoir quand aura lieu la prochaine réunion. Je me souviens que grâce au discours réconfortant et réaliste d’Astrid, nous avions laissé partir notre fille sans crainte, pendant un an. Alors Astrid sait qu’elle peut compter sur nous pour apporter notre témoignage durant les réunions d’information.

TU ME 11-SEPTEMBRE — Anonyme
Je te regard,
Tu me paroles,
Je te main,
Tu me pied,
Je te joue, lèvres, coeur,
Tu me stop,
Je te cinq sens,
Tu me interdit,
Je te chat,
Tu me chien, me rat, me ronge.
Je t’amour,
Je te infinie,
Pour toujours et à jamais,
Je te happy end,
Je te Rimbaud,
Tu me réalité.
Je t’adore,
Tu me dehors,
Je te mouchoir,
Tu te moqueries,
Tu me va-t’en,
Je te prière,
Tu me dérision toujours plus,
Tu te valises,
Je ne te me quitte pas.
Tu me dos,
Je te face,
Je te pleure,
Tu me pluie.
Je te suis,
Tu me jeu,
Tu me kleenex,
Tu m’alcool,
Tu me Lexomil,
Tu me sang,
Je te songe,
Je te ciel,
Tu me 11 septembre,
Je me tu.

SUR MA PLATEFORME— Dominique Béhar, manager — Participant au programme d’une année scolaire 1992/1993, Madison, Wisconsin, USA — Créateur de PIE-Connection, animateur du « PIE Talent Show » — Je me trouve à 150 kilomètres des côtes d’Angola, sur une plateforme pétrolière, monstre de métal, qui flotte en pleine mer. Nous ne sommes pas seuls. D’autres « géants » aspirent des profondeurs l’énergie de notre monde. J’achève ce jour-même 28 jours de travail en mer et m’apprête à prendre un hélicoptère pour rentrer sur Luanda, puis sur la France. Je sors bien fatigué de ce périple en communauté. 24 heures sur 24 partagées avec des Français, des Angolais, des Sud- Africains, et beaucoup d’autres nationalités. Toute ressemblance avec des séjours d’une année à l’étranger n’est pas totalement fortuite.

HAPPÉ—Frédéric Lanier —Participant au programme d’une année scolaire 1993/1994, Anchorage Alaska, USA — Responsable de la promotion à PIE de 1998 à 2005 — Créateur du site internet de l’association — J’ai eu du mal à me réveiller. Happé par des images déjà vues mille fois, j’ai zappé jusque tard hier soir entre un reportage sur les pompiers new-yorkais et un autre sur les « oubliés » ayant sauté par la fenêtre. Après le petit-déjeuner, je lis Le Figaro dans un café : six pages sont consacrées au « Nouveau Monde cinq ans après ». Rien de bien nouveau mais impossible de ne pas les lire. Une minute de silence est prévue à 8h46, heure locale. Moi je suis silencieux toute la journée, je travaille seul à ma recherche d’emplois sur Internet. Je suis accueilli par « Google News » me proposant 190 articles sur le thème : « L’Amérique se recueille. » Plus rien ensuite ne viendra me rappeler la tragédie. Normal, je n’ai pas allumé la télé, pas écouté la radio et plus regardé le journal de la journée.

SEREINE — Émilie Amblard — Participante au programme d’une année scolaire 2003/2004, Grand Rapids, Ohio, USA —Je suis encore en vacances et tout parait paisible autour de moi. Pourtant, je suis préoccupée par ma recherche de contrat d’apprentissage ! Sortie de l’insouciance de l’adolescence —je ne me sens pas vraiment adulte, mais bon !— je m’attache maintenant à me construire un avenir basé sur mon aventure PIE —depuis mon expérience, j’ai fait de l’apprentissage des langues une priorité ! L’anglais j’adore ça, et mon but ultime serait donc de l’utiliser tous les jours au travail !— Bien des étudiants vous diront que ce n’est pas évident ! En effet, pour nous les jeunes, les diplômes ne suffisent plus, il nous faut maintenant acquérir de l’expérience professionnelle sur le terrain ! C’est pourquoi je suis en recherche accrue d’un contrat d’alternance !
Mais là, au lieu de travailler à cette recherche, je planche pour PIE, ma deuxième famille. La chose essentielle que PIE m’a appris, c’est l’optimisme. Aujourd’hui donc, plus que tout autre jour, je regarde vers l’avenir d’un air serein !

DEVANT, DERRIÈRE — Claire Bénétreau, correspondante locale — Participante au programme d’une année scolaire 1997/1998, Vanguard, Saskatchewan, Canada —Aujourd’hui, première leçon de cheval : j’ai mis ma selle à l’envers !

DE BONNE HUMEUR — Elsa Rigaud — Participante au programme d’une année scolaire 2005/2006, Husoysund, Norvège — Il y a un an, je passais ma troisième semaine en terre norvégienne ! Avec mon frère d’accueil, je faisais le tour de l’île. Ce jour-là, j’avais trouvé une superbe étoile de mer – j’avais aussi tondu la pelouse. Le soir j’avais eu un énorme fou rire. De la Norvège, ce qui me manque le plus, c’est la neige, ma famille, l’environnement et la joie de vivre que j’avais chaque jour en me levant. Mais aujourd’hui, je me sens nouvelle, j’ai acquis de bien belles connaissances et il me tarde de repartir.

MAUVAISE ÉLÈVE — Claudine Touzé, professeur de français en Angleterre — Participante au programme d’une année scolaire 1989/1990, Indianapolis, Indiana, USA — Je vole. Je vole entre Bristol et Alicante. Certains trouveront ça risqué. Mais aujourd’hui les billets sont moins chers. Aujourd’hui, le 11.09, allez savoir pourquoi ? Me voilà repartie pour quelques jours de vacances en Espagne, chez mes parents, juste avant d’attaquer la rentrée universitaire, prévue le 2 octobre. J’adore mon boulot. Je suis professeur de français et d’espagnol, à Bath, une université renommée de Grande-Bretagne (quand j’y pense, moi qui détestais ce pays — idées préconçues forcément).
D’abord je suis partie un an avec PIE, c’était en 1989, et cette année m’a servi de tremplin. J’étais nulle en français et en anglais, mes études étaient bien mal parties. Je suis revenue changée et puis j’ai embrayé avec une maîtrise, une année comme lectrice dans le Texas et me voilà aujourd’hui prof de fac. Je veux simplement donner de l’espoir à tous ceux à qui les études ne semblent pour l’instant pas réussir.

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Familles, ici et là-bas

WILLIAM, DAVID, ROBIN, LÉA ET LES AUTRES — Martine Sevette, mère de participant(e)s « départ » et « accueil » —Jour particulier : à l’autre bout de la terre, on est déjà demain. Et demain, c’est la veille des 18 ans de William. William, notre second, qui est actuellement dans une chouette famille, à Murapara, en Nouvelle-Zélande. Moi je suis Martine, la maman d’une tribu de plus ou moins 4 ou 5 zouaves aventuriers. « Plus ou moins », car le nombre varie suivant les accueils ! David, l’aîné, est parti, il y a deux ans, dans le grand nord canadien, chez les Inuits. Vous vous souvenez probablement de son aventure extraordinaire, relatée dans un Trois Quatorze. Pendant trois ans, nous avons accueilli des jeunes filles, par le biais de PIE, maintenant nous levons le pied.
Je travaille au conseil régional. Je suis responsable d’un service et bosse dans la coopération internationale et les achats équitables. J’ai un tas d’activités associatives dont PIE (notre famille est correspondante locale dans le Pas-de-Calais). Eric, mon mari, et moi, sommes investis dans une association environnementaliste et une association de consommateurs, et, pour faire bonne mesure, nous sommes tous deux administrateurs d’une association d’intégration de personnes handicapés mentales ! Robin, notre troisième zouave est trisomique. Il est au collège dans une unité pédagogique d’intégration. Une partie de notre énergie est consacrée à stimuler son autonomie afin qu’il puisse lui aussi prendre son envol, comme ses frères et sa soeur. À la maison, il y a aussi des chiens et des chats et des tas d’autres trucs dont je voudrais vous parler, mais je m’arrête là car je vais être coupée au montage !

BILAN FAMILIAL SUIVI D’UN TOAST — Catherine Villien — Mère de participants « départ » et « accueil » — Du côté de Pierre, j’aurais tendance à vous dire que c’est une journée tout à fait ordinaire – lever du bon pied pour attaquer une semaine qui ne s’annonce pas trop stressante : pas d’audit en vue, pas de déplacement non plus. Douche, rasage petit-dej’, radio —qu’il commente tout bas— et liste des choses à penser sur un petit billet —avec l’âge, il est préférable de tout écrire !— Deux ou trois exercices d’abdos (si, si, c’est vrai !) en peignoir sur la terrasse, en regardant le jour qui pointe, histoire de se donner bonne conscience en soignant son petit ventre rond. Petits bisous à sa petite femme chérie, qu’il a déjà réveillée par ses ritournelles question : « T’as repassé ma chemise bleue ? » ou « Tu pourras passer à la banque ?» etc, etc. Et le voilà parti pour l’usine, en Clio, avec son fils aîné, Maxime, qu’il déposera à l’arrêt du bus scolaire. Une petite chose diffère pourtant des matins ordinaires. Pierre a fait tous ces gestes, en ayant pensé d’abord à allumer l’ordinateur : il est en quête d’un message réconfortant en provenance des USA ! Car sous son air de papa tranquille, habitué à laisser partir ses enfants pour une année, il flippe aussi ! Et oui ! Et il recommencera l’opération, sitôt rentré, à midi… et puis ce soir. Il peut oublier de s’arrêter acheter le pain, ça oui ! Mais oublier d’allumer l’ordinateur, aucun danger ! Depuis trois semaines, nos deux garçons, les jumeaux, entament une année scolaire aux USA. L’un dans le Colorado et l’autre dans le Montana. Très bien accueillis dans leurs familles respectives, ils sont heureux de vivre leur rêve. Voilà comment nous sommes liés à la grande famille de PIE. Pas matériellement, mais mentalement. Ces liens de confiance se sont construits en 2004/2005 lors de l’expérience de Maxime, dans l’état de Washington. Une année merveilleuse, riche et inoubliable. Bichonné par sa tendre maman, Maxime attaque sa terminale avec sérénité, après un été plutôt cool à faire de la montagne, et à donner des cours d’anglais par-ci par-là. Journée de lycéen pour lui, mais agrémentée de pensées pour ses frérots qui vivent, en direct peut-être, les cérémonies du 11-Septembre. « Aujourd’hui, me ditil, mille occasions se sont offertes à moi pour m’évader à des milliers de kilomètres du lycée. » Une 1/2 h de trajet dans le bus, seul, puis les questions de ses potes qui prennent des nouvelles de Francis et de Yann, et les conversations sur les différences entre US et France (cantine, sport, politique, etc.). La distance ne détruit pas ce que la nature a bâti. Il a la gorge serrée parfois quand il se remémore les moments qu’il a vécus là-bas, sa découverte du nouveau monde, la rentrée… Il est heureux pour ses frères, il guette lui aussi les petits mots sur la messagerie, il attend des photos.
C’est à mon tour de me lever. En pyjama —non, ce n’est pas vrai, je ne mets jamais de pyjama— j’arpente la salle de bain libre, puis la cuisine et le salon. Il est bien calme. Personne à amener au lycée, ni au hand, ni à l’escalade, ni à aller chercher à 3 heures, après les cours. Que d’activités en moins ! Que de dîners à ne plus préparer ! Il m’a bien fallu trois semaines pour changer mes repères et pour penser à une autre organisation de mes journées. Trois ados en moins à la maison, ça crée un vide, à vous donner le vertige ! Trois, parce que l’an dernier nous avions Prescott, notre fils d’accueil, à la maison. Alors pour ne pas tomber dans la trappe, aujourd’hui, comme je ne travaille pas, je suis allée courir un peu —je l’ai fait aussi pour la fermeté de mes cuisses, j’y tiens !— et j’ai continué l’exécution du plan « grand nettoyage » de la maison : garage la semaine dernière, et placards de la cuisine ce jour. À l’heure où je vous écris, je suis une maman comblée. Je sais mes garçons heureux de vivre leur rêve, et je sais qu’ils reviendront tellement plus riches, plus mûrs, plus connectés à la vie… pour la vie. Ils auront tant appris : courage, aisance, confiance, amour propre, ouverture d’esprit, prise de décision… j’en passe et des meilleures.
Chers cousins et cousines de cette grande famille PIE, levons nos verres, trinquons à la santé de ceux qui sont partis, de ceux qui sont revenus, de ceux qui en « bavent » en ce moment même, de ceux qui partiront, et trinquons à nous aussi, les pauvres, qui restons ici, avec nos tripes nouées. Tchin !

UNE JOURNÉE CHARGÉE — Anne Gex-Fabry, mère de participants « départ » et « accueil » — Réveil à 6 h, petit-déjeuner – 6 h 40, première navette pour emmener Saki, la jeune Japonaise que nous accueillons et Marlène, notre fille, au car. Retour immédiat pour préparer le casse-croûte d’Arthur qui est en stage chez un paysagiste. Arthur s’en va à 7 h 15. Je fais un brin de ménage, mets en route une lessive, me prépare car je dois aussi aller travailler. Départ de la maison à 11 h, arrivée au café où je travaille à 11 h 45. Je prends mon service jusqu’à 17 h 30. Au retour, il y a un bouchon, je ne suis donc chez moi qu’à 18 h 45. Il faut vite faire le repas, d’autant que l’ancienne nourrice des enfants vient manger à la maison. Marlène et Saki me donnent un coup de main pour mettre la table et laver la salade. 19 h 30, tout est prêt. On peut s’asseoir et passer un bon moment de convivialité autour d’un bon repas. À 20 h 45, mon mari raccompagne Lucette chez elle, les enfants ont un devoir à faire, et moi je suis de corvée de vaisselle. À 21 h 30 je peux me poser dans le canapé, boire une tisane avant d’aller me coucher. WTC — Jocelyne Charpentier, mère de 2 participants au programme d’une année—J’enseigne à des apprentis qui ont entre 14 et 21 ans. Mais aujourd’hui je ne travaille pas. Depuis ce matin, je suis préoccupée par cette date symbolique qui hante mes pensées. J’ai tellement aimé notre visite du « World Trade Center », c’était le 1er janvier 2001 : ses vastes salles, les nombreux sièges pour accueillir les touristes, le confort, la moquette épaisse, les enluminures en cuivre. Nous avions déjeuné au restaurant juste au rez-de-chaussée de la tour – le toit était en verre, en levant les yeux on pouvait voir l’autre tour, qui semblait presque toucher la première. Le restaurant qui venait de rouvrir était magnifique avec ses armoires normandes. Là haut on pouvait lire tous les journaux du monde, ils étaient présentés dans de luxueux manchons de bois. Nous avions fait nos courses en bas du World Trade center – nous avions rapporté nos cadeaux de Noël. Dans le métro, j’avais été frappée par l’hétérogénéité de la population new-yorkaise. Les terroristes du 11-Septembre ont abattu leurs frères, leurs cousins. Je suis originaire de Normandie et de Corrèze, je suis née à Paris, et j’aime le peuple américain, courageux, entreprenant, sensible, qui nous a toujours fait rêver. Je suis consciente de leur malaise, de leur autoritarisme parfois. Mais n’avons-nous pas les mêmes travers ?

COOL — Thierry Barrandon, père de participantes au programme d’une année — Je choisis ce jour pour faire le point sur les expériences d’échanges quasi croisés, entre Hannah et Laetitia. Je me souviens de mai dernier et de la réunion de préparation au FIAP, à Paris. Ce jour-là, j’ai découvert les principes du programme P.I.E. J’avoue que c’est Laetitia, ma fille, qui m’avait tiré par le bout du nez, jusque-là. Je n’avais jusqu’alors compris qu’une seule chose : elle comptait sur moi pour l’accompagner dans ce programme d’échanges. Avec ses enfants, on fait parfois les choses sans réfléchir, guidés que nous sommes par nos sentiments de parents. Nous voilà avec Frédérique, ma femme, à cette réunion, à écouter les « prêtres » de notre assemblée, nous parler de valeurs qui nous interpellent : partage, désintérêt, connaissance de soimême, discipline, respect. Laetitia pendant ce temps, rencontre des gens formidables. Elle va entretenir avec eux des relations fortes. Nous avons trois enfants. Notre aîné Mathieu a 20 ans. En mai, il a fait une demande à son université pour terminer sa licence en Ontario. Lui aussi sera absent l’an prochain. Au retour de Paris, je propose à mon épouse de réfléchir à l’absence de deux de nos enfants. Je pense également à Thomas, qui partage beaucoup de choses avec son frère et sa soeur et qui va se retrouver seul. J’ai déjà l’idée de l’accueil en tête. Quelques jours plus tard, nous choisissons Hannah, candidate au programme, que nous avons connue à travers son dossier de présentation, sur internet. Dans les semaines qui suivent nous recevons la visite de P.I.E. Nous faisons un tour d’horizon des responsabilités que nous devrons assumer. Nous confirmons nos intentions. Nous attendons maintenant le premier contact avec notre future hôte.
« Hi, c’est Hannah, votre fille américaine ! » : voilà comment l’histoire commence. Un mail… des mails : « J’aime manger mexicain, j’aime aussi faire la cuisine mexicaine, je vis à Washington DC, j’aime le football, comment est la vie à Lyon ? quel est le genre de vie de la famille ? »… Les deux familles, justement, font connaissance. « Hi Barbara, Mickael ! Don’t worry your daughter will love to be french for one year ! » « Cool ! » dirait Hannah —c’est son expression favorite. Il y a toujours des questions qui surviennent en cours de route : lycée privé, lycée public ? par exemple. Rien de bien compliqué car on sent que l’association est là, en renfort. En fait le dialogue qui s’installe aide à prendre les bonnes décisions. Et puis, voilà que Laetitia (qui vient d’avoir son baccalauréat et qui travaille à ce moment-là sur les chaînes de montage de Brandt pour financer une partie de son séjour) apprend que sa famille d’accueil est de Ashburn à quelques kilomètres de Washington DC. « Cool ! » Depuis le 30 août, Laetitia partage le quotidien de Denise et Henry. Elle est vraiment très excitée par tout ce qui lui est proposé dans sa nouvelle vie : concert, party, église. Sa famille est pratiquante et lui a demandé de partager la vie de sa communauté. Elle a déjà pas mal d’amis dans son lycée. Sa communauté est riche de cul tures diverses. Son expérience démarre comme elle le sou haitait. Dimanche, Barbara, la maman d’Hannah, a appelé Laetitia pour l’inviter chez elle. Hannah est, ce matin, dans sa classe de première au lycée. Elle a déjà des amies avec lesquelles elle découvre Lyon. Samedi, elle a acheté ses fournitures scolaires et le soir elle a fait une virée nocturne pour s’enivrer des parfums de l’été finissant. Dans l’après-midi avec Frédérique, elles ont fait une partie de skype-video avec toute la famille américaine : Barbara les soeurs d’Hannah, ses grands parents, un grand moment d’échange bilingue. La voisine de Washington était même là, en renfort, pour traduire. « Cool ! », n’est-ce pas ?

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Participants USA et ailleurs

LE SENS DU RYTHME — Calvin, participant au programme d’une année scolaire, Raleigh, Caroline du Nord, USA —Tout commence par « the pledge of allegiance » : je me lève, mets la main sur le coeur, et me lance. Ça donne quelque chose comme : « I pledge allegiance to the sad minikite blablabla craie ubidada lalali… ». Je crois que j’ai le rythme de la chanson mais pas les paroles, mais honnêtement, c’est mieux que ceux qui ont les paroles et pas le rythme !
Ensuite, une 1 heure 1/2 de cours de français. Je suis assistant. C’est bien, ça me permet —je me moque— de ne pas oublier mon âge et mon prénom. Le cours de science qui suit est assez difficile. Je me retrouve avec les meilleurs scientifiques de la « High school », alors je joue la carte : « I don’t understand English ! ». Je passe à mon locker, on me salue, apparemment cette personne me connaît, mais moi, honnêtement, elle ne me dit rien du tout. Tout le monde est sympa avec « the french guy ! » Ensuite, j’ai 7 miles de cross – c’est un peu comme à l’armée, sauf que je ne suis pas payé !

UNE TRISTESSE COMMUNICATIVE — Sarah, participante au programme d’une année scolaire, Aldie, Virginie, USA — On a dû écrire un texte sur 9/11, nos sentiments, nos souvenirs. Une fille a levé la main et a commencé à lire son histoire. Et puis elle a éclaté en sanglots. J’ai rien compris à ce qu’elle disait, mais j’ai ressenti sa tristesse, et ça m’a touchée, et alors, à mon tour, j’ai eu très envie de pleurer.

AFTER HOMECOMING — Amandine, participante au programme d’une année scolaire, Summitville, Indiana, USA —La semaine dernière c’était « Homecoming ». Ce lundi 11, à côté, paraît bien maussade. On est loin de 2001.

SE MONTRER —Pierre-Louis et Alexandre, participants au programme d’une année scolaire, Montana, USA —Nous avons parlé avec beaucoup d’autres adolescents et adolescentes. Ces derniers ne ressentent rien de particulier. Ils vivent cette journée comme une autre : vélo, Mac-Do, dodo. Le souvenir a dû être plus intense pour les habitants de New York. Et cela aura permis à Bush de se montrer.

DÉFAITE ET VICTOIRE — Loïc, participant au programme d’une année scolaire, Montana, USA — Dans mon lycée de l’Illinois, il n’y a pas eu de minute de silence. Il n’y avait même pas un visage triste. C’était vraiment une journée des plus banales. Il y avait bien plus de tristesse, croyezmoi, quand, lundi dernier, le proviseur a annoncé la défaite de l’équipe de football. De la tristesse et des regrets ! Mais aujourd’hui, 11-Septembre, on était plutôt heureux car l’équipe avait gagné.

LES PETITS DRAPEAUX DE LANSING — Clothilde, participante au programme d’une année scolaire, Lansing, Illinois, USA —Un petit drapeau américain trône fièrement sur le mur de la salle de classe. Je ne l’avais jamais remarqué. C’est bizarre mais aujourd’hui, je le vois. J’y jette un oeil pendant le cours de marketing. En cours d’histoire des Etats-Unis, il ne me quitte pas des yeux. Le professeur improvise un petit débat sur 9.11. Certains ont été très choqués. D’autres moins. Quoi qu’il en soit, on sent le poids douloureux d’un souvenir commun. Même moi, je suis touchée.

AU MASHMALLOWS — Emile, participant au programme d’une année scolaire, Sauks Rapid, Minnesota, USA — Un hommage des élèves, le matin – des allusions aux cérémonies, l’après-midi. Voilà. Après les cours, ma nouvelle soeur, une de ses amies et moi sommes allés chercher des informations sur un violoncelle que j’envisage de louer. Puis nous avons été nous baigner dans un lac artificiel. On a plongé du haut d’un rocher de plus de 10 mètres de haut, puis on a testé le chocolat au « mashmallows ». Voilà ! —Entre nous, j’avais écrit un texte beaucoup mieux, mais il a été effacé et je n’ai pas eu le courage de le refaire.

DIFFÉRENTE — Claudia, participante au programme d’une année scolaire, Gardiner, Maine, USA — Beaucoup de gens ici ont la même opinion : ils sont animés par la peur, la haine, l’idée qu’ils sont tellement importants, que le monde entier les regarde. Ils veulent tous combattre le terrorisme, convaincus que s’ils ne le font pas, personne ne le fera. J’ai trouvé cette journée intéressante, mais mon opinion divergeait beaucoup de celle des Américains.
À part ça, le froid arrive. Les gens sont vraiment gentils par ici. Les deux premiers jours sont durs, et après, tout va bien.

DOUBLE « DATE » — Julie, participante au programme d’une année scolaire, Falmouth, Kentucky, USA —Ma mère d’accueil a fait du bacon. J’ai été réveillée par l’odeur. Et pour la première fois depuis mon arrivée, j’étais prête à l’heure. Matinée classique. À midi, j’ai mangé avec mes amies. Après mon dernier cours, en allant à mon locker, j’ai rencontré James, un garçon super sympa. On a discuté tous les deux. Le 2 octobre a lieu le premier bal : « Sweethart bal. » J’ai déjà ma robe, mais il me manque le cavalier. Je pense que je vais y aller avec James. Cette histoire de cavalier, ça craint d’autant plus que je viens d’étre élue reine de bal par les élèves. Ma « mère » est tellement embêtée qu’elle a envoyé des e-mails à toutes ses copines pour m’en trouver un. Du coup avec « Courtney » —une copine qui n’a pas de cavalier non plus—, on a une « date » avec deux jumeaux dans les jours qui viennent !

SE LEVER OU NE PAS SE LEVER — Maëlis, participante au programme d’une année scolaire, Falmouth, Kentucky, USA —Tout a commencé par une petite tempête. Il faut dire que dans le coin où j’habite, il y a de vraies tornades – or, moi qui vous parle, j’ai un petit peu peur des tornades. Alors ce matin, je voulais rester dans mon lit. Mais j’ai pensé : « Aujourd’hui, tu n’as pas le droit, tu dois montrer aux Américains que tu les soutiens. » Alors je suis allée au lycée. Mais, il ne s’est rien passé de spécial. Même pas une minute de silence. Je crois que j’aurais dû rester dans mon lit.

PREMIÈRE — Loraine, participant au programme d’une année scolaire, Tockland, Maine, USA —C’était un grand jour : mon premier jour d’école. Mais je connaissais déjà des élèves, car nous avions fait trois jours de canoë avec eux. À notre arrivée, Phil le directeur nous a fait un « speech », et Pete, un des professeurs nous a fait faire un jeu très marrant. Le premier cours, —un cours de maths— m’a surprise parce qu’on l’a fait avec un ordinateur et un logiciel spécial. Les élèves avaient même le droit d’écouter leur I-Pod en travaillant ! En histoire, je n’ai rien compris ! Après j’avais cours « d’observation ». C’est un cours qui consiste à… observer ! Aujourd’hui, par exemple, on devait observer 12 oeufs et essayer de les reconnaître après que le professeur les eut changés de place. C’est plus dur qu’on ne le pense, croyez-moi et c’est très intéressant. En rentrant chez moi, j’ai fait des crêpes. Ma famille adore ça. Maintenant, ils veulent que j’en fasse tout le temps.

RONDEMENT MENÉE — Léo, participant au programme d’une année scolaire, Pueblo West, Colorado, USA — 7 h 00 : une superbe Chevrolet m’attend. Jade, une belle blonde américaine, est au volant. La journée s’annonce bien. Les cours commencent à 7 h 30. Je débute par un cours de Chimie. Tout de suite, ça fait un peu retomber le moral, mais avec les potes on joke pas mal. Et on enchaîne vite : Jazz, « Band », Dessin puis « Lunch ». C’est là que la France me manque le plus. Après le repas : « Calculus », Italien —on parle beaucoup de la finale de la coupe du monde pendant ce cours— et enfin « Student Government » —là on apprend à gérer l’organisation de l’école. Après les cours, je file à l’entraînement de « soccer » – en sortant on mange un bout de pizza chez Robs, et on rentre. On mange en famille et ensuite : « Go to bed ! »

RÉCUPÉRATION — Lilas, participante au programme d’une année scolaire, Villa, Argentine — Le 11-Septembre est férié. Je me suis donc remise doucement de mon week-end. Il faut dire que celui-ci, à l’image de tous les weekends argentins, était plutôt chargé. Samedi, je suis allée avec ma famille voir la grand-mère. Trois heures de voiture. C’est peu pour le pays. Le soir, je suis sortie en boîte avec la fille de la famille, celle qui a mon âge. Pas terrible, la boîte. Celles de la région où j’habite sont mieux. Dimanche on a été manger des « empanadas » (sorte de beignets à la viande ou aux légumes) chez un copain, et ensuite on a été à une sorte de soirée. Les soirées en Argentine se terminent souvent à 6 heures du matin. Alors aujourd’hui, lundi 11, j’ai récupéré.

BUSHMAN —François, participant au programme d’une année scolaire, 0’Connor, Australie — Pourquoi il fait si froid ? Et pourquoi j’suis pas dans ma chambre ! Et c’est quoi ce gros truc orange ! Ça y est, je sais, ça me revient : cette semaine je fais du « bushwalking » (une marche dans le « bush ») avec mon collège, et cette nuit j’ai dormi dans une grotte avec les autres élèves. Il est 6 h du mat, le soleil se lève et le gros truc orange c’est Alex mon collègue de cuisine et d’aventure. P’tit effort de mémoire, ah oui ! on est lundi, lundi 11, ça veut dire qu’il reste encore 4 jours de marche et que j’ai le droit à un muffin et 2 barres de céréales pour le p’tit-dej’. Je m’arrache de mon sac de couchage, j’vais chercher du bois pour le feu et de l’eau à la rivière pour le thé. J’en profite pour regarder les nuages descendre de la montagne dans la lumière matinale. Fini de rêvasser : « Package » ! Je charge les 15kg sur mon dos et je quitte la grotte pour une journée dans le bush. P’tite falaise à escalader, et puis, sans comprendre vraiment comment, on atterrit dans une forêt subtropicale, humide et sombre. À midi, on s’arrête à « Monolythe valley » (d’énormes rocks disséminés dans la vallée). Là, tous les adolescents immatures —dont je fais partie— hurlent d’une seule voix : « Echo », et l’écho leur répond : « Echoooo ! ». Petite séance photo, et on repart pour trouver une nouvelle grotte où dormir, et une nouvelle rivière. Trois heures de marche plus tard, on trouve enfin une bonne caverne, pas trop loin d’un petit ruisseau. Je prends une douche à 10°C, et avec Alex on se lance dans la préparation du rizotto ! On n’y connaît rien. Alors on teste, on apprend, on élabore. Au final, c’est pas trop mauvais. Après, on fait une partie de cartes. Tout le monde est très sympa, les profs qui nous accompagnent sont supers. Plus tard, on se couche, dans la nuit étoilée. Je vois les lumières du feu glisser sur les parois de la caverne. C’est ainsi que se termine ma journée.

DREAM — Yann, participante au programme d’une année scolaire, Billings, Montana, USA — C’est le jour que j’ai choisi pour faire mon premier rêve en anglais. Étrange sensation. En tout cas, voilà un jour plus important que les autres.

LUMIÈRE — Alice, participante au programme d’une année scolaire, Paraparaumu, Nouvelle- Zélande —La journée a commencé sous un soleil radieux — le fait est assez rare ici, pour l’apprécier à sa juste valeur. J’ai ensuite filé au lycée. Je m’y sens de plus en plus intégrée— j’ai des amis, je rigole, les profs me connaissent, je commence même à avoir de bonnes notes. Aujourd’hui, J’ai réalisé que Paraparaumu —la ville où j’habite— était devenue moins hostile pour moi. Le soir, après un footing sur la plage, je rentre préparer le repas. Je fais attention car ils n’ont pas toujours les mêmes goûts que moi. J’aime cuisiner pour ma famille – et je ne sais pas pourquoi, mais cuisiner est un excellent remède contre les coups de blues. Car, croyez-moi, les coups de blues et le « homesick », je connais. Parfois je me dis : « Qu’est-ce que tu fous là ? », je voudrais serrer ma maman dans mes bras. Mais je regarde alors ma famille d’accueil, magnifique, précieuse, pleine d’attention pour moi, cette famille qui me considère comme sa propre fille, et je me dis : « Pense à la chance que tu as d’être ici, pense à tout ce que tu apprends. » Je perçois toujours une petite lumière qui pointe au bout du tunnel.

« PO-BO » — Felix, participant au programme d’une année scolaire, Tianjin, Chine — J’ai été réveillé à 4 h par les militaires qui logent en bas de mon immeuble et qui criaient à tue-tête. J’ai pris une douche froide et sans pression. J’ai pensé que la journée commençait mal. Départ pour le lycée numéro un de Tianjin, un lycée de plus de 3500 élèves, avec seulement trois étudiants étrangers, deux allemands et moi. Ça commence à 8 h, par un excellent cours de Géographie. Je ne comprends pas tout, mais je profite du livre de cours avec ses très belles images. On enchaîne avec la musique. On apprend à danser. Aujourd’hui, c’est tango. On est 50, tous en uniforme violet, excepté moi —rassurez-vous, j’aurai bientôt mon uniforme, mais ils le font sur mesure et ça prend du temps— – le cours de musique est assez drôle. Arrive ensuite le grand moment de la semaine : comme chaque lundi, à 10 h 15 précises, tous les élèves se rendent sur le terrain de football. Là, on se range par classe —on me met au milieu pour me cacher, moi qui n’ai pas d’uniforme. « Po-Bo ! » : à l’annonce du chef de classe, tout le monde se met à courir et va rejoindre la place qui lui est attitrée. Une-deux, une deux, tous en même temps, cela ressemble fort à un exercice militaire. On regarde le lever du drapeau en écoutant l’hymne national. Et croyez-moi, 3500 élèves, tous en uniforme, rangés à la perfection, c’est très impressionnant. Viennent ensuite le cours de philo —pour moi, particulièrement fatigant et difficile car ils emploient des termes anciens et incompréhensibles— et le cours de maths. Vous me pardonnerez le mauvais jeu de mots, mais pour moi et où que ce soit dans le monde, les maths c’est du chinois.
Après les cours, je rentre en bus avec mon frère d’accueil. Il est très sympa. Il est parti l’an passé un an aux USA —avec un organisme genre PIE, en moins bien forcément !— Dans le bus, j’ai faim et j’ai chaud. Le chauffeur manque de renverser 28 cyclistes et 17 piétons. Aujourd’hui je les ai comptés, juste pour vous, afin que vous compreniez que rouler en Chine, c’est de la folie pure. Ce soir on regarde un match à la télé, aucun intérêt sinon les commentaires… qui sont en chinois. Je vous laisse une photo du repas du soir, car je trouve ça plus parlant qu’un discours : porc fumé, poulet aux oignons, riz… C’est très bon.

L’ARRIVÉE — Simon, participant au programme d’une année scolaire, Konisberg, Allemagne — Je suis arrivé hier soir, en provenance de France, de Paris. Journée spéciale donc même si les séparations ont été moins difficiles que je ne le pensais. Me voilà en Bavière. Les profs d’allemand de mon lycée m’avaient fait une description peu flatteuse de la région. Première soirée mémorable : échange de cadeaux, discussions auxquelles je ne comprenais pas grand chose. Le 11 a commencé par un petit-déjeuner à base de charcuterie et de fromage. Ensuite, visite de la ville et déclaration à la mairie. On est resté une heure, je n’ai rien compris. Repas de midi —on n’a pas mangé gras !— piscine. De retour à la maison, je me suis senti un peu perdu. Ma mère d’accueil m’a remonté le moral.

MON RÊVE SUD-AFRICAIN — Mélaine, participante au programme d’une année scolaire, Rocklands, Afrique du Sud — Elle a 16 ans et j’en ai 18 – nous sommes soeurs depuis 2 mois et pour la vie déjà. Ce matin, nous partons à l’école pour passer l’examen d’Afrikaan. Une journée d’exam’ commence toujours par une partie de « Uno » avec les « schoolmates ». On joue jusqu’à épuisement, au lieu de profiter de nos dernières heures de révision. C’est assez surréaliste de se retrouver à jouer avec une dizaine de Sud-africains et d’argumenter sur les règles du « Uno » entre anglais, afrikaans et français ! Je profite de l’intervalle entre deux cours pour aller bosser sur les ordinateurs ! De prime abord, cette école ressemble à une prison, mais, bizarrement, c’est sans importance. Car, croyez-moi, ce ne sont ni les grilles, ni la sonnerie —on croirait une alarme de caserne—, ni les tags, ni les portes défoncées, ni les carreaux brisés, ni le manque de chauffage dans les classes, qui comptent – non, ce sont les gens… Et ici, je veux dire, dans mon école, ils sont tous charmants et tous accueillants ! Moi et le jeune étudiant d’échange allemand nous ne passerons finalement pas l’examen d’afrikaan. À quoi bon : ni lui ni moi ne comprenons un mot. Il faut savoir qu’ici, l’afrikaan est la langue des « coloured », l’anglais est celle des « whity ». L’afrikaan reflète l’identité sud-africaine : dans les familles, à l’école, dans les rues dans les taxis… la vraie Afrique du Sud parle afrikaan !
Si vous venez en Afrique du Sud, un conseil : prenez un taxi ! Les taxis sont des camionnettes bricolées où les gens s’entassent. Ils tiennent jusqu’à une vingtaine de personnes par taxi. Les chauffeurs aiment écouter un RNB bien bruyant qui vous brise les oreilles. Les véhicules ont parfois 15 ans d’âge, la porte ferme à peine, ça grince partout dans la carcasse. Le taxi ne s’arrête pratiquement pas aux carrefours, faute de freins – on risque sa vie à chaque tournant. Mais le taxi reste le seul moyen abordable pour celui qui n’a pas de voiture. Le bus est beaucoup trop cher. Retour au lycée : la journée ne sera consacrée à aucune commémoration. C’est à peine si les gens se souviennent de quelque chose. En Afrique du Sud, les Etats-Unis ne sont présents que par la musique, les films, Oprah et les affiches Coca Cola décolorées ! L’Afrique du Sud se balade quelque part entre le Tiers Monde et son côté débrouille et un monde en construction et en développement. Une certaine classe ouvrière s’élève doucement. Dans des maisons en brique, bricolées, bancales et sans cloisons, on trouve les premiers ordinateurs, de belles télévisions et des lecteurs DVD ! Je vous parle de l’Afrique du Sud que je vois, mais il y a d’autres quartiers où l’on vit totalement à l’européenne et d’autres encore où ne subsistent, sur des dizaines de kilomètres, que des bidonvilles. Là, les traces de l’Apartheid, de la ségrégation et de l’isolement sont encore bien visibles.
Avant ma venue ici, quand je lisais Trois Quatorze —avec passion d’ailleurs— j’étais frappée par le fait que si peu de jeunes choisissaient de venir vivre en Afrique du Sud. Je me demandais pourquoi, aujourd’hui je me dis : « Quel dommage ! », car ce pays est formidable et passionnant. Il y a ici de réelles opportunités professionnelles (pour un européen, le pouvoir d’achat est ici multiplié par dix !), des tonnes de choses à découvrir, et autant à accomplir.

« SAYONARA » — Adrien, participant au programme d’une année scolaire, Tokyo-To, Japon — Nuit avortée. Un violent orage m’a réveillé à 3 heures du matin. Quand je dis violent, je pèse mes mots – vent délirant, de l’eau partout. Je me dirige, comateux, vers mon lycée. Je prends le bus. Je suis trop fatigué pour y aller en vélo. Je me trompe d’arrêt, je marche longtemps et d’une façon zombilicale —comprenez, comme un zombie— J’émerge pendant l’heure de japonais, me courbature pendant l’heure de sport, finis ma nuit pendant l’heure d’informatique, et déjeune pendant la seconde heure de japonais. Au menu aujourd’hui, des « onigris », sorte de boulettes de riz entourées par une algue. L’après-midi, c’est sport et sport et sport. Hier en tant que participant à la fête « O matsuri », j’ai dû porter un temple miniature de quelques centaines de kilos. Je n’étais pas tout seul heureusement, mais toujours est-il que j’ai les épaules en compote. Le sport n’a rien arrangé. Je rentre à la maison en rampant. Saleté de 11 septembre.
Me voilà donc au pays du soleil levant où je passe —ne croyez rien à tout ce que j’ai dit avant !— de supers moments. Je suis les cours assidûment, et que je sois en famille ou au lycée, chaque jour —le 11 ou un autre— est rempli de découvertes et de moments inoubliables. Pas de blues, pas de larmes, juste des sourires et des tonnes de souvenirs. Sayonara.

« OHAYOU GOZAIMASU » — Alexandra, participante au programme d’une année scolaire, Mie, Japon —Ce sont les premiers mots que je prononce. Ça veut dire « bonjour ». Je m’adresse à « Otousan » (Papa) et à « Okaasan » (Maman), qui sont en train de préparer les « bentos » pour toute la famille. Ayumi et Masato me sortent du lit. À 6 h 55, je quitte la maison avec Ayumi. On retrouve toutes ses amies, on discute de ce qu’on a fait le week-end, de nos performances au karaoké, on blague au passage. Je m’arrête en face à l’entrée nord du lycée, car je suis une élève de première année. Je troque mes chaussures d’extérieur pour celles d’intérieur. Le proviseur entre, tout le monde se lève et le salue – debout nous écoutons la prière du matin. Viennent les cours : biologie, calligraphie, sociologie, japonais. Aujourd’hui, j’étudie les « kanjis », demain j’aurai cours de conversation. Mes professeurs sont gentils et patients. A midi, entre deux bouchées de « bento », on discute sur la tactique qu’on va adopter pour le festival de sport. L’après-midi après les derniers cours, on se rend aux clubs. Les « clubs » sont très importants au Japon – c’est là qu’on socialise. Je suis dans un club de mangas.
Vers 18 h 00, de retour à la maison, on prend le repas préparé par « Otousan » (Mamie). On travaille, on regarde la télé. Vers 21 h 00, on se retrouve tous autour d’une tasse de thé, pour discuter. Bain très chaud, pour ne pas dire bouillant, et à 22 h 30, je suis au lit. Aujourd’hui comme tous les jours, j’ai fait de nouvelles rencontres. Les gens viennent spontanément vers moi, ils sont avides de culture française. Mes émotions ici sont multipliées par cent ! Chaque échange me comble de bonheur, et chaque jour je me dis : « Heureusement que les personnes de PIE ont travaillé dur pour m’aider à accomplir mon rêve. » C’était le cas aujourd’hui, lundi 11 septembre.

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