Du rêve à la réalité

Participants PIE lors du stage de départDans l’avion qui les emmène vers leur terre d’accueil, les participant(e)s au programme d’une année scolaire à l’étranger se livrent à un petit jeu. Ils imaginent leur première journée en terre étrangère : ils nous content leur arrivée, leur rencontre avec leur famille, la découverte de leur maison… Le lendemain ces mêmes participants nous relatent cette première journée, telle qu’elle s’est « vraiment » déroulée.

Nous avons retenu ici une quinzaine de témoignages. En confrontant tous ces rêves et toutes ces réalités, on est vite troublé. Car rapidement les deux mondes en viennent à se mêler : le rêve s’avère parfois plus crédible que la réalité, et la réalité aussi curieuse que le rêve.
Ce qui surprend également c’est la tendance de chacun des protagonistes à croiser dans le réel ce sur quoi son imaginaire s’était auparavant arrêté : ici un chignon, là un ascenseur, ici une attente, là une crainte. On tirera donc de ce petit exercice cet enseignement majeur : et si en voyageant on ne trouvait rien d’autre que ce que l’on était venu chercher ?

Du rêve…

Séquence 1 – Extérieur jour – Vol UA 915
L’avion survole Washington. Le temps est superbe, le soleil brille, le ciel est bleu. C’est le milieu de l’après-midi. Le mémorial Lincoln paraît tout petit.
Séquence 2 – Intérieur jour – Aéroport de Washington
Un groupe PIE, bardé de sacs ASSE, s’avance dans le hall. Les mines sont défaites : c’est la fatigue. Les 37 jeunes se dirigent en bloc vers leurs correspondances. Trois parmi eux se détachent.. Ce sont trois filles. Elles sont arrivées à destination. Elles passeront donc seules la douane et l’immigration. Parmi elles, il y a l’héroïne du film en question (c’est moi). L’héroïne a beaucoup de mal à se faire comprendre et à comprendre les questions du personnel de l’aéroport. Elle se fait aider pour récupérer ses valises – des valises bien trop lourdes (2 x 23 kgs) pour son petit gabarit.
Séquence 3 – Intérieur jour – Aéroport de Washington.
L’héroïne aperçoit deux adultes : ceux qui vont l’accueillir pendant un an. Ils lui font des signes encourageants. Il y a aussi Ashley, 13 ans. Elle aussi est placée dans cette famille. Mais elle est américaine et elle est placée dans cette famille par décision de justice.
Séquence 4 – Intérieur jour – Sur la route.
L’héroïne est conduite par son père d’accueil vers sa maison. La voiture est bien trop grande pour elle. Il fait toujours beau. On aperçoit la maison. Elle est posée en pleine campagne. À l’arrière, il y a un grand jardin, pleins d’arbres, et puis le lac….
Séquence 5 – Intérieur jour – Dans la maison.
C’est le matin. Le temps est toujours au beau fixe. L’héroïne se lève. L’aventure peut commencer. Fin du générique.

…à la réalité

Nous n’étions que trois à rester à Washington. À la douane, tout s’est plutôt bien passé. Mais au moment de récupérer les valises, ça c’est corsé. Avec mes 46 kilos de bagages, j’ai eu beaucoup de mal. Au moment de passer la porte automatique – estampillée « no reentrance » – j’ai pris peur et j’ai failli faire demi-tour. Mais c’était trop tard. Finalement, la curiosité a été la plus forte, et je suis passée. Je crois en fait que c’est là que l’aventure a commencé : la rencontre avec le père (un grand barbu à lunettes), avec la mère (une femme très chic et très souriante), le trajet dans une immense voiture, la découverte de la campagne de Virginie, et l’arrivée dans la maison (une maison typiquement américaine). Dès le lendemain, j’ai appris à me servir seule dans le frigo et à me repérer dans la maison, j’ai apprivoisé les cinq chats, et puis, j’ai visité la high school. J’ai déjà constaté que tout est très différent de la France et de l’Europe, que tout est grand : champs, jardins, maisons, magasins… Et que tout ça va élargir mon horizon.

Eve-Marie. Virginie – USA


Du rêve…

14 heures de vol, des transferts, des attentes. La piste d’atterrissage est en vue. C’est le soulagement. Enfin je vais savoir. Je vais découvrir ma famille et l’endroit où je vais vivre pendant 10 longs mois. Je veux que ça aille plus vite. Laissez-moi descendre. Comment vont-ils m’accueillir. Et si ça se passait mal ? Et si j’avais eu tort ? Et si… Mais tout s’envole quand j’aperçois un couple et une fille qui agitent les bras… et se précipitent vers moi. Ashley est aussi sympa que je l’imaginais – on va bien s’entendre. Avec Stan et Karen je me sens à l’aise. Dans la voiture, j’ai du mal à suivre. Je suis obligée de me forcer à parler, mais mes yeux se ferment. J’ai horreur de ça… Je me sens nulle. La maison est en vue. J’espère qu’on ne va pas manger. Je ne rêve que de dormir. À l’intérieur, la maison est épatante. L’extérieur ne laissait pas présager de si belles pièces. Tout est magnifiquement aménagé. Karen me propose d’aller directement me coucher – demain, elle m’aidera à déballer mes affaires. Je ne me fais pas prier. Je me glisse avec bonheur dans mon lit, et contemple ma chambre. Ce sera la mienne pendant un an. Un an. J’ai du mal à croire à ce que j’ai fait. J’ai du mal à dormir. J’ai tout laissé, mon copain compris. Mes yeux se ferment petit à petit – mais je sens les larmes qui montent – je n’arrive pas à les retenir.

…à la réalité

Je n’avais pas prévu que je serais malade dans l’avion. L’arrivée a donc été chamboulée. Quand tu n’es pas bien, tu ne penses qu’à ça. À la sortie de l’avion, Ashley et Karen m’attendaient : elles avaient un ballon « Welcome » et aussi un énorme cadeau pour moi. Elles m’ont serrée dans leur bras – elles parlaient toutes les deux à la fois. J’avais raison d’appréhender le trajet : c’était long et j’avais du mal à suivre. En arrivant on a visité la maison : rien de spécial. Après je me suis mise en pyjama, puis on s’est retrouvés autour d’un gros bol de pop corn et on s’est distribué des cadeaux. On a discuté jusqu’à une heure du mat. De tout : l’école, la ville… J’ai fini par aller me coucher. J’ai pensé à ce que j’avais imaginé la veille et alors j’ai eu un gros coup de cafard. Je me suis blottie contre ma peluche et j’ai pleuré. Le lendemain matin après un gros petit déjeuner (« typically américan »), j’ai commencé à installer mes affaires. J’ai commencé à me sentir chez moi. J’attends la suite avec impatience.

Hyanta – Maryland – USA

 

Du rêve…

L’homme, depuis la nuit des temps, a toujours été doué d’une imagination fertile. Il a pondu l’électricité, l’ordinateur, l’écriture… (en gros, le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Et l’avion ! C’est justement un de ces gros avions qui m’emmène aujourd’hui. Il m’emporte en Amérique, dans un coin paumé, mais sympa et accueillant. Le vrai gros « trip » quoi ! En fait, je l’dis pas, mais j’ai les boules graves. Surtout que j’ai écrit à ma famille et qu’ils m’ont pas répondu. Alors je sais pas du tout ce que je vais voir visuellement. C’est la découverte totale ! Sont-ils croyants, extrémistes, indiens, sado-masos ? Vraiment, je n’en sais rien. J’arrive même pas à imaginer. C’est impossible ce truc. Les USA c’est trop grand y’a trop de monde et trop de familles. Alors, avec mon voisin d’avion, on s’est tapés un délire : on a imaginé des trucs impossibles. On se dit que si on choisissait un truc à la carte, ça serait horrible (y’en a qui dirait : famille blonde et filiforme). Non, vraiment, impossible votre exercice !

…à la réalité

Quand je pense qu’ils ne m’avaient jamais répondu. Je peux dire que ça ne veut rien dire, car ils sont vraiment géniaux. Tout le monde dans la ville les connaît, et tout le monde les aime. Ils se marrent tout le temps. On les dit fous. Et c’est vrai qu’ils sont tout le temps en train de dire des bêtises. Et pourtant ils ont 51 ans. Même leur maison est étrange. En me couchant le premier soir, j’ai laissé la fenêtre ouverte. Et je me suis endormi avec un sachet de pop corn bien chaud dans la main. Quand je me suis réveillé le matin, j’étais entouré d’écureuils. Une vingtaine de ces petites bêtes étaient endormies dans mon lit… et il n’y avait plus un seul pop-corn. Et depuis, ces charmantes bestioles ne me lâchent plus. Maintenant, la nuit, elles restent à la fenêtre. Moi qui voulais m’acheter un manteau bien chaud pour l’hiver, je crois que grâce à elles je vais pouvoir me le fabriquer. C’est très style, ici ! Avouez : honnêtement, comment vouliez-vous que j’imagine un truc pareil.

Typhain – Michigan – USA

 

Du rêve…

À l’aéroport de Washington, pas de problème. Tout se passe bien. Je suis le flot. Les douaniers sont géniaux. À Harrisburg, tout coule. J’ai la tête de ma famille d’accueil dans la tête, donc pas de problème pour se reconnaître. On se reconnaît tout de suite – on se fait des « hugs ». Le courant passe bien : il faut dire qu’on se connaît depuis un bout de temps. Ils ont suivi mes derniers instants en France. Tout le monde me chambre sur le poids de mes bagages, mais moi je viens de Martinique et il fallait que je prenne le nécessaire pour affronter le froid. Je parle, je parle, je réponds à toutes les questions avec enthousiasme – je ne pige pas tout – ils parlent vite quand même – alors je fais un grand sourire. Ça marche. Sur la route, je vois des cinés des bowlings, des Mac do… La maison est comme sur la photo… En mieux. Rich, le père, me montre les tournesols qu’il a plantés pour moi dans le jardin. Et puis ma chambre : un bon lit et des oreillers moelleux, et de la musique. Je vais goûter l’eau de la piscine. Elle est un peu froide pour moi. Le coucher de soleil est doux. Je nage en plein bonheur. Sur la pelouse, juste à côté du drapeau américain, on a planté le drapeau français. Il me donne des cadeaux, j’en ai encore plus à leur donner. Ils n’en reviennent pas. Je me sens très fatiguée, j’ai besoin de dormir. C’est à ce moment précis que je réalise vraiment où je suis. Je ne rêve pas. Tout est flou, mais tout est réel et crédible. Les « aux revoirs », le stage, l’avion, les visages qui m’accueillent à l’arrivée, et la maison : j’ai bien vécu tout ça. Je dis bonne nuit à la maisonnée. Je monte l’escalier. Merde, c’est laquelle la porte de ma chambre ?

…à la réalité

À Washington, les douaniers ont été sympas. Quelques embrassades avec ceux du stage, on a échangé nos adresses, et c’était fini. Quelque chose d’autre commençait. L’aéroport d’Harrisburg est minuscule. Derrière les vitres, j’ai tout de suite reconnu ma famille. Deux secondes plus tard j’étais dans leurs bras. Drapeau américain, bouquet de fleurs, et déjà des cadeaux. On m’a effectivement chambré sur le poids de mes bagages. En arrivant à la maison tout y était : la superbe maison et la piscine – mais l’eau n’était pas froide. J’ai apprécié le coucher de soleil et la douceur de la soirée d’été. Dans ma chambre, j’ai trouvé le grand lit et de quoi écouter de la musique. Je leur ai bien donné mes cadeaux. Mais honnêtement j’en ai eu encore plus en échange. C’est donc moi qui ai été surprise.

Laure – Pennsylvanie – USA

 

Du rêve…

J’arrive dans le hall. Je reconnais ma famille. J’avais vu des photos. Mais ils ont quand même une autre allure. Le caractère modifie l’apparence. La mère me paraît plus sympa (ça tombe bien c’était ma hantise). J’arrive à la maison. Je suis gênée. Je partage ma chambre et j’ai peur de déranger. La chambre n’est pas très grande, mais je l’aime déjà. Quand je me couche, je me sens partagée entre deux sentiments : heureuse d’être là et d’avoir réalisé ce rêve – inquiète aussi. J’ai peur que les miens me manquent. Quand je me réveille, il est trois heures de l’après-midi. Je suis gênée ? Qu’est-ce que je dois faire ? Descendre, attendre ? Comment dois-je m’habiller ? Finalement je décide de descendre en pyjama. On déjeune. Ma sœur me propose ensuite d’aller voir ses copains. Pas de problème. Le plus tôt sera le mieux. Les copains sont cools. Certains font du skate, d’autres du roller, ça me rappelle Grenoble. Je m’entends bien avec eux, l’année est bien partie.

…à la réalité

En voyant ma famille, je me suis mise à pleurer. Il y avait plein de monde : parents, amis. Lindsey, ma sœur, m’a prise dans ses bras. J’ai tout de suite senti qu’avec elle le courant passait. On a été photographiées dans tous les sens. Dès le premier soir, on a commencé à parler. On a passé la nuit à ça. Le lendemain, à l’école, on a rencontré ses amis. L’école m’a semblée être assez grande et assez cool. Quand je regarde dehors, la rue est aussi belle qu’à Grenoble. La ville me semble assez grande. Je n’arrive pas à me repérer. Mais Lindsey non plus. Je suis assez impatiente de connaître la suite de mon histoire.

Carine – Colorado – USA

 

Du rêve…

Je n’ai pas dormi depuis trois jours (merci le stage PIE), alors je n’ai qu’une envie : trouver mon lit et m’y jeter. Mais en sortant de l’avion, j’oublie tout ça, la fatigue et le reste. Il y a trop de choses à voir ! c’est une autre planète. On ne comprend rien quand les gens vous parlent – chaque petite chose est une découverte. Je me retrouve plongé dans l’univers des westerns. Mais ce n’est pas un film. Tout est vrai… Ou alors je rêve. Oui c’est vrai au fait, là je rêve. Mais je me dis que c’est peut-être ça l’Amérique.

…à la réalité

J’ai compris tout ce qu’ils m’ont dit. Bizarre non ? Peut-être parce qu’ils parlaient lentement : je ne sais pas. Sur le chemin de la maison, je n’ai pas pu profiter du paysage, car il faisait nuit. Après il ne s’est pas passé grand chose, car j’étais trop fatigué. Mais ce matin, en me réveillant j’ai vraiment compris que j’étais en Amérique. La maison était immense, le petit déjeuner était typique : œufs, bacon, « peanut butter »… Le paysage m’a vraiment surpris : d’un côté les Rocheuses, de l’autre le Rio Grande, et le Mexique. Mon quartier n’a rien à envier aux séries américaines. Ma famille est super sympa. Ils ne me considèrent pas comme un étranger. Pour l’instant je suis sur un nuage. Je ne sais pas comment sera la suite.

Yann – Texas – USA

 

Du rêve…

Faut que j’l’avoue, suis quand même un peu déçue qu’ils parlent tous anglais. Que l’hôtesse te dise : « Hey, a coffee », OK, ça va… Mais bon, de là à tout dire en anglais… Quoi, fin bon. J’crois que j’avais pas réalisé qu’ils allaient vraiment utiliser cette langue !
Non mais c’est pas vrai, c’est quoi ces têtes d’Américains ? Je sais, j’avais déjà vu des photos, et je savais bien qu’ils avaient des vrais têtes d’Américains (et puis si je pars aux USA, c’est bien pour ça). Mais quand même, j’ai beau positiver : Sara 16 ans, blonde et typique pom-pom girl, on pense pas que ça existe vraiment.
Mes valises sont trop lourdes. Eux ils ont l’air super accueillants – mais moi je suis fatiguée. Pourtant c’est vrai, ils ont l’air adorables. Fin bon, j’irais bien me coucher. Ça me remettra les idées en place.
Le lendemain : shopping. Je me sens à la fois dans le truc et en dehors du truc. Je suis le centre des discussions et j’ai l’impression que ce n’est ni de moi ni à moi qu’on parle. J’suis complètement à l’ouest.

…à la réalité

Mon avion avait du retard. Alors j’ai entamé la conversation avec une dame. On a commencé à parler anglais. Au bout de cinq minutes elle m’a parlé des voyages qu’elle avait faits et puis elle m’a parlé d’argent et d’économie. Je me suis dit alors que c’était un vrai sujet tabou en France. À Des moines, la famille m’attendait avec un gros ballon. Le lendemain j’ai fait du shopping avec la fille de ma famille. Elle est pom-pom girl… Et blonde ! C’est bizarre, mais ça m’a beaucoup surpris que tout le monde soit blond (80% des gens en tout cas). Ce qui est bizarre aussi c’est que j’ai déjà eu l’occasion de venir aux USA, mais que cette fois je vis tout différemment parce que je sais que je vais rester là un an. Finalement, je crois que quand on se retrouve dans un autre milieu que le sien, c’est sur soi que l’on en apprend le plus. On verra

Magali – Iowa – USA

 

Du rêve…

J’essaie de reconnaître les visages de ma future famille. Mais ici tout est tellement différent, que j’ai la vague impression que tout le monde se ressemble. Là, j’aperçois une femme : pas très grande, plutôt grosse, bref pas très belle ! Elle brandit une pancarte sur laquelle est écrit : « Lucie ». Je m’avance vers elle, mon cœur bat. Mon père d’accueil est là aussi. Lui est tout maigre. On file droit vers la maison. Aussitôt au lit, je tombe dans un profond sommeil. Je me sens bien. Mes parents ont l’air cool. Je me sens plus forte. J’ai hâte d’être à demain.

…à la réalité

Après un voyage mouvementé (orages, retard…), je suis arrivée, crevée. Dans la voiture, la mère m’a beaucoup parlé. Je ne comprenais rien du tout ! J’ai mis ça sur le dos de la fatigue. Sinon ma famille a l’air sympa. Ils sont gros et moches, mais ils rigolent tout le temps. En arrivant, on a mangé une espèce de salade de concombres. J’ai personnellement horreur des concombres ! Mais je suis consciente de la chance que j’ai d’être ici et je suis convaincue que ce séjour sera super.

Lucie – West Virginia – USA

 

Du rêve…

Siège 26 B. Il me reste deux heures avant le grand saut. L’Amérique défile sous mes yeux. L’Europe est loin, mais pourtant je sens que je lui appartiens encore. Bientôt les choses s’enchaînent : Washington, Philadelphie… J’arrive. C’est l’heure des « hugs ». Louis (le père) insiste pour prendre mes deux sacs alors que Sara (la petite fille) me pose des tonnes de questions. Il faut suivre !
Plus tard… La maison est grande mais modeste. Ma chambre est à l’étage. Dès que j’ouvre la porte, je vois le bureau, la fenêtre, et à droite le lit, et juste au-dessus les étagères. Quant à Peggy, Louis et Sara, ils ressemblent à… En fait, je ne sais vraiment pas à quoi ils ressemblent – je n’arrive pas du tout à l’imaginer.

…à la réalité

Peggy, ma mère d’accueil (je n’aime pas trop utiliser ce terme car ma mère, elle, est en France, et mon père aussi) et Louis m’ont tout de suite reconnu. On s’est fait des « hugs », comme prévu (si vous n’êtes pas au courant, je vous jure que ça fait drôle). J’étais fatigué. Les questions se sont multipliées. À part les questions basiques, je ne comprenais rien. Je savais que c’était dur au début, mais pas à ce point. J’ai essayé une phrase, mais Sara n’a pas compris. Personnellement je conseillerai de préparer quelques questions avant son arrivée. C’est bête, mais ça évite les blancs et ça évite surtout qu’on vous pose trop de questions. Pour l’instant moi je dis : « OK », « Right » « Yeh, yeh ». C’est passionnnant.
Dans l’après-midi, j’ai appelé mes parents pour leur dire que tout allait bien. Ils me manquent. C’est un truc à ne pas négliger. Je leur ai dit que je les aimais – j’avais les larmes aux yeux.
Sinon la famille est super sympa – ils me mettent à l’aise. L’après-midi, Louis m’a promené dans sa super voiture (qui fait 15 mètres de long – ça change de la Panda de ma mère… la vraie !), il m’a montré le super marché, m’a expliqué où sont les choses (comme si je n’avais jamais été dans un super marché). Ensuite, il m’a montré ma high school : super moderne. Super sympa Louis. J’attends le début des cours avec impatience.

Benjamin – New-Jersey – USA

 

Du rêve…

Je n’arrive rien à imaginer. Mon esprit est lobotomisé par la fatigue. Il est vide. Je vois vaguement une grosse Chrysler qui file sur une autoroute à six voies. Mais sinon rien. Pas la pêche – pas d’imagination. On verra bien.

…à la réalité

Je suis incapable de vous raconter les premières 24 heures. J’ai passé mon temps à pleurer. Trop de bordel dans la tête. Mais depuis 48 heures ça va beaucoup mieux.

Caroline – California – USA

 

Du rêve…

Ma mère s’avance vers moi. Elle est un peu grande, brune (avec des reflets auburn), elle a les cheveux longs, ramassés dans un chignon tout fou ! Mon père est très costaud. Il est brun lui aussi et il est très content de m’aider à porter mes bagages. Ma sœur d’accueil est plus grande que moi et porte un jean large. Tout à coup je craque – je me mets à pleurer. Pourquoi ?
Parce que c’est la véritable entrée vers ce que j’appellerais la plus belle connerie de ma vie. C’est une connerie parce que c’est flippant, mais je ne regrette pas de la faire. En fait, c’est une superbe connerie. Je mets mon sac dans le coffre, à moi l’aventure. La route est agréable, elle est grande. À Morris, on prend une route plus petite. On me montre où je vais prendre le bus pour l’école. C’est parti.

…à la réalité

En descendant les escalators, on était serrés les uns contre les autres. On avait l’impression de filer droit à l’abattoir. On cherchait du regard les familles. J’ai reconnu la mienne : il faut dire qu’il y a cinq enfants. Mon père est assez grand, avec des lunettes, une moustache, un peu gros aussi. La mère, elle, est plus grande que moi, les cheveux noirs et blancs tirés en chignon serré. Et puis on est partis vers la maison. Par l’autoroute 75. Première surprise : on ne dépasse pas les 100. Au lieu de se diriger vers les lumières de la ville, on a pris un chemin non goudronné (j’ai appris depuis que beaucoup de routes dans le coin ne sont pas goudronnées). Après deux virages à gauche, on a aperçu « ma » maison… Là, au milieu de nulle part. Descente des valises, visite, coup de fil à mes parents et puis do-do. L’année s’annonce bien.

Marion – Canada

 

Du rêve…

L’Amérique, enfin. Et telle que je l’attendais. Je traîne mes 50 kilos de bagages. Et j’aperçois tout à coup une personne qui ressemble étrangement à mon père d’accueil. Maintenant, tous les autres arrivent. Ils me posent des questions. Je dis « yes » en souriant, souvent sans rien comprendre. Nous sortons. Tout est grand. Moi j’ai de tout petits yeux. Mais je me dis que j’aurai toute l’année pour apprécier tout ça.

…à la réalité

L’aéroport est grand et calme. C’est peut-être à cause de l’heure. Ma famille m’attend. Ils ont une pancarte « Welcome Marion ». Ils me serrent dans les bras. Ils me demandent combien j’ai de valises. Je réponds : « Two », en montrant deux doigts. J’ai trop

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°35