Gros plan sur l’école privée aux USA

Léonard, 16 ans, est parti en août dernier pour vivre une année scolaire aux États-Unis.
Il y a intégré une école privée.
Il nous livre ici sa vision du système scolaire à l’américaine.

Trois quatorze — Quelle est la première chose qui t’ait frappé en découvrant ce système scolaire?
Léonard — Sans doute le fait que les journées soient plus courtes, que le rythme soit plus léger, qu’il y ait moins de pression, moins de tensions, moins de stress.

Trois Quatorze — Tu suis ta scolarité dans une école privée. Quelles sont les particularités de l’école privée?
Léonard — En théorie, le système semble plus strict dans le privé que dans le public — nous avons par exemple des uniformes — mais cela relève de l’apparence. Dans le fond, cela ne change pas grand-chose. Je pense que la spécificité du privé tient au fait que nous sommes plus encadrés, plus suivis encore que dans le système public.

Trois Quatorze — Peux-tu nous donner un exemple?
Léonard — À mon arrivée, le directeur de l’école m’a reçu en personne, il m’a questionné, m’a demandé ce que je voulais faire plus tard. En fait, il a essayé de comprendre qui j’étais et quel était mon projet pour m’aider à choisir mes cours. J’ai vraiment établi mon planning avec lui. En parallèle des cours obligatoires, j’ai choisi par exemple «Journalisme», «Littérature anglaise», «Espagnol»… Dans chaque classe, les professeurs essaient de me soutenir et de me faire progresser en anglais. Je ressens vraiment ce soutien.

Trois Quatorze — Tu es dans une école catholique. Ressens-tu un poids particulier de la religion?
Léonard — Non. Les seules obligations que nous avons par rapport à cela c’est de participer à une messe par mois, et de suivre un cours de «Religion». Mais il s’agit en fait d’un cours de réflexion. Cela s’apparente plus à de la philosophie qu’à autre chose. Ce n’est pas vraiment de la religion comme on l’entend. Et c’est un cours très intéressant.

Trois Quatorze — Pourquoi avoir choisi l’école privée?
Léonard — C’était plutôt le choix de mes parents. Je crois que le fait de pouvoir émettre un choix sur l’école et d’avoir la garantie de pouvoir partir ont été déterminants.

Trois Quatorze — Quelles activités fais-tu en dehors des matières académiques?
Léonard — On fait beaucoup de sport. Tout cela est mis en place dans le cadre de l’école. J’ai fait du foot ( Soccer») puis de la natation et bientôt je ferai du tennis.

Trois Quatorze — Un mot sur le niveau scolaire: la «High School» américaine n’a pas très bonne réputation sur ce point? Est-ce que tu as cette impression?
Léonard — Attention, question niveau et travail, il y a peut-être une différence avec l’école publique. Et c’est difficile pour moi de juger car je ne connais que le système privé. Mais je dirais qu’a priori on travaille moins ici qu’en France, mais qu’ici on est plus efficace. Dans mon cours de «Journalism», par exemple, on est dans le concret : on rédige et on publie le journal de l’école. Il m’a fallu écrire un article. Le système américain est peut-être moins ambitieux que le système français — notamment au niveau des connaissances — mais, au final, il me semble qu’on creuse plus les sujets. Il est clair aussi qu’ici ils s’intéressent plus à la méthode. L’école américaine insiste plus sur la façon de travailler. Elle se soucie plus du suivi des élèves : on est moins seuls, moins livrés à nous-mêmes. Ce qui me frappe également, c’est que grâce à cette école, j’apprends beaucoup plus de choses sur moi-même qu’en France. Ici j’ai l’impression d’avoir découvert ce que je voulais faire de ma vie.

Trois Quatorze — Cela est peut-être simplement dû au fait que tu as fait l’effort de «sortir» de ton quotidien et de te confronter à un autre système ?
Léonard — C’est vrai. Mais le fait est que cette école te met en confiance et qu’elle te valorise. Tout cela t’aide à y voir plus clair.

Trois Quatorze — Peter Gumbel*, un journaliste américain qui vit en France et dont les enfants ont été scolarisés au lycée parle du système français comme d’un système qui décourage les élèves au nom de ce qu’ils ne sont pas au lieu de les encourager en vertu de ce qu’ils sont. Il parle de culture de la négativité.
Léonard — C’est tout à fait ça. L’école américaine, contrairement à l’école française, met en avant tes points forts. Elle appuie toujours sur tes compétences plutôt que sur tes incompétences. J’ai remarqué qu’au niveau de la sélection —pour entrer en université, par exemple — elle va mettre en avant les matières où tu es bon et ne pas tenir compte de celles où tu n’es pas bon. Au lycée on entend souvent dire qu’on est «nul» ou qu’on est «dans la classe la plus mauvaise qui soit»… Ici, on n’entend jamais ça. L’école américaine ne te rabaisse pas. Il est plus facile à chacun de s’y faire une place.

Trois Quatorze — Quel est selon toi le point faible de ce système ?
Léonard — Je ne vois pas trop. Peut-être le fait qu’ils ne fassent pas de dissertation, qu’ils rédigent moins. Envisagerais-tu de revenir étudier aux Etats-Unis ? J Léonard — Oui, ce système me convient bien.

Article paru dans le Trois Quatorze n° 53
* Peter Gumbel — On achève bien les écoliers, Grasset, 2011