La dernière lettre

Voici, dans sa quasi-intégralité la dernière lettre qui soit parvenue au journal. C’était juste avant le bouclage de ce numéro. Thomas Grimaud nous écrit des USA. Avec légèreté et humour, il décrit sa vie aux USA – il dit son plaisir et son étonnement, et justifie à sa façon l’existence des échanges avec l’étranger.

À 3.14,

OK, j’espère que cette lettre n’arrivera pas trop tard, et qu’elle n’est pas trop longue. J’ai essayé de faire de mon mieux : raconter ma vie. J’espère que c’est pas mal. Coupez ce que vous voulez, ou alors ne mettez rien dans le journal. Vous en faites pas, c’est pas grave. Vous pouvez inventer un autre titre, mettre une autre signature. J’ai juste fait ça pour qu’on puisse l’utiliser quelque part et que ça puisse servir à quelqu’un. Thomas.

Ça fait cinq minutes que je poireaute, que je bloque plutôt, en essayant de trouver une introduction. Je voudrais trouver un truc mieux que « Bonjour, je m’appelle Thomas, j’ai seize ans, je suis un « Exchange Student », à San Antonio au Texas et je suis là pour vous dire comment ça se passe au pays des obèses et des belles blondes aux yeux bleus très bêtes ! »
Non, je veux un truc mieux, avec un plan comme on m’a appris à en faire à l’école… En France. Je vous parlerai de tout : de PIE, de ma famille, de la langue, de l’école, du sport, des filles, des stéréotypes, de la nourriture, et des coutumes. Ce sera structuré – ce sera bien. Vous attendez pas à ce que je dise : « c’est génial ici » ou bien : « c’est nul ». Non, je vais juste vous dire comment c’est.

On y va, c’est parti. Je vais suivre mon plan – celui que j’ai énoncé plus haut, je veux dire, dans mon introduction. Je commencerai donc par PIE. PIE a été très bien, mais j’ai tout de même eu des problèmes avec eux. Notamment en ce qui concerne le choix de ma région et le fait que ma famille s’est désistée deux jours avant mon arrivée. En ce qui concerne l’état, je comprends bien qu’il est difficile de placer tous les jeunes à L.A., Beverly Hills et d’avoir Pamela comme mère d’accueil, mais le Texas… Quand même… ! Quant à la famille d’accueil, je crois que je suis un cas rare et puis, de toute façon, PIE a pris les choses en main. Finalement j’ai pu partir, on a fait un super voyage, on s’est bien amusés, je suis bien arrivé… Alors.

Je ne sais pas si je suis tombé dans la meilleure famille d’accueil, mais ils sont très sympas. En tout cas ils se démènent… J’ai toujours en tête qu’ils me nourrissent et m’hébergent pour rien du tout. Ma mère d’accueil bosse comme une folle. Elle a pris deux étudiants d’échange. Sébastien, un jeune Allemand, et moi en second (c’est pas une petite charge, je vous garantis). Elle nous a fait frères, et nous sommes maintenant très proches. Nous nous entendons très bien avec les deux autres enfants : Amanda (15 ans) et Mickael (12 ans). Le père vit au foyer – il est retraité. Dans une petite maison, les relations sont parfois difficiles, mais si on se fixe quelques règles et qu’on est respectueux des autres, ça se passe très bien. Sachez que ma famille n’est pas typique américaine, mais que je les aime et que j’apprécie ce qu’ils font pour moi.

Quelle est ma troisième partie, déjà ? Voyons voir… Ah oui, la langue ! Autant vous dire qu’au départ j’étais pas terrible. Les premiers temps, quand je parlais anglais, mon frère allemand croyait que je parlais français. J’en ris aujourd’hui, mais c’est pas drôle. Car la langue est la chose que vous devez maîtriser un minimum si vous voulez vous intégrer. Il faut pas hésiter à parler beaucoup, à aller vers les autres. Il faut pas être timide. Dans la cafétéria de l’école j’ai parlé avec beaucoup de monde – j’ai rencontré pas mal de losers. N’empêche qu’ils m’ont beaucoup appris en anglais. Le premier jour de cours une fille m’a demandé d’où je venais. « Quoi, t’es français, c’est trop cool ». Elle m’a invité à une party. C’est pas bien ça ?
C’est comme ça : au début c’est pas toujours grand, et puis, à force, vous rencontrez du monde, vous vous intégrez, et la vie devient belle. Pratiquer un sport ou une autre activité aide énormément… Mais, j’en parlerai à la fin – il faut que je respecte mon plan.
J’aborde maintenant le chapitre de l’école. J’ai un peu honte, mais je me dois de vous dire la vérité. J’arpente les couloirs de l’école avec le maillot de zizou. Tout le monde m’appelle le « Frenchie » : j’ai la cote, je suis populaire. Merci Zizou. Les gens viennent me voir et me parlent. De façon plus générale, je dirai des écoles américaines qu’elles fonctionnent comme des sociétés. Chaque école a ses événements, sa mascotte, son hymne, son stade, ses activités culturelles, sportives, etc. Le sport, parlons-en ! C’est inoui. Mon école a deux gymnases, un terrain de softball, un de baseball, six courts de tennis, une piste d’athlétisme, une salle de musculation, des vestiaires immenses. Je fais du foot – je joue en équipe A. Le stade fait 300 places – il est plein à chaque match. L’organisation est impressionnante : on est arbitré par des pro, on a un sponsor, on parle de nous dans le journal ! Pour le foot américain, c’est pire encore : chearleaders, musique, fanfare, et tout le trallalla.

Sur les filles (4e partie) je serai rapide. Mon accent est « cute », le frenchie en général est « cute », je suis « super cute ». La star, je vous dis.

Je consacre un très court paragraphe à la gastronomie pour vous dire que la France me manque à mourir. J’ai beau aimer les MacDo, sur ce point vraiment : Vive la France !
Us et coutumes : ils ont des trucs qu’on n’a pas. Par exemple, ils ne s’embrassent pas pour se dire bonjour, mais ils se font des câlins. Et si tu ne connais pas assez la personne pour lui faire un câlin, alors tu lui fais juste un coucou avec la main : pathétique.
Tous les matins à l’école, ils plaident l’allégeance au drapeau : incroyable !

Voilà c’est à peu près tout. Enfin, je pourrais continuer longtemps car je suis très très bavard.
Si vous avez des questions et si quelque chose vous tarabuste, vous pouvez toujours m’écrire.

Bon anniversaire, PIE

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°34