Je ne me serais pas pardonné de n’avoir pas écrit à Trois Quatorze, l’inséparable compagnon de mon « avantdépart »… Je crois bien qu’à force de le lire et de le relire, j’avais appris par coeur toutes les impressions des participants, je connaissais tout sur le bout des doigts, et je m’en délectais… un vrai trésor qu’avant mon départ, je ressortais à l’envie, et qui m’a indéniablement aidée à faire le tri dans toutes ces pensées diverses qui me traversaient la tête.
Sept mois que je suis sur le territoire « amerlock » ! Pour tout dire, j’ai l’impression que c’était hier, qu’exténuée de fatigue, je survolais la ville de Cleveland – merveilleuse Cleveland qui en pleine nuit révélait toutes ses lumières. J’ai fait un sacré bout de chemin depuis. Maintenant, je peux le confirmer : on grandit énormément durant une année à l’étranger – pas forcément consciemment, mais le fait est là, on grandit. Dans notre tête, dans nos rapports avec les autres, dans notre façon de voir les autres, aussi.
Je sais pour ma part que je ne serai plus jamais vraiment la même Céline, celle qui, contre l’avis de tous, avait décidé de partir loin, sans pour autant avoir d’idées précises sur ce qui l’attendait (enfin, du moins, qui s’en faisait des idées… mais ça c’est très différent). Je suis aujourd’hui une Céline renforcée, une Céline riche de toutes ces choses vécues, et non lues. Et cela me donne le sourire.
Parlons de l’anglais ! C’est un plus indéniable, il est toujours bon de le redire. L’anglais que j’ai acquis tout au long de l’année, j’aurais été incapable de l’acquérir si j’avais dû rester en France et continuer des cours d’anglais « à la française ». Car honnêtement, en arrivant ici, je pensais que j’étais « bonne » en anglais… Eh bien ! il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre à quel point je me trompais… Heureusement, l’obstacle de la langue se surmonte assez rapidement. En fait, il en est de la langue comme du quotidien : en quinze jours, on s’habitue, en deux trois mois, c’est la routine, on comprend, on s’exprime. Après, il y a toujours des progrès à faire, mais le plus dur est fait.
En ce qui concerne le bahut : là aussi je confirme, c’est un tout, à voir et à vivre, et surtout à prendre tel qu’il est, sans trop se poser de questions (elles seraient trop nombreuses…) : les « lockers », les « cheerleaders », les tables de cours « so typically american », les « games » du vendredi soir, suivis des fêtes, ou « dances » – les profs qui n’arrêtent pas de se marrer et de sortir des blagues – très ouverts les profs, très proches des élèves aussi – et les haut-parleurs qui crachotent leurs annonces, à chaque première et dernière heure de cours, et qui rabâchent les « announcements ». Toute la semaine dernière on a pu entendre : « French club members, don’t forget our french club meeting next monday… We’ll celebrate our exchange student’s birthday (eh oui, c’était bien du mien qu’il s’agissait…!) and she’ll tell us about France… » Une belle expérience que ce passage dans une école américaine, une expérience qui m’a fait prendre conscience des avantages et des inconvénients de notre système éducatif… et du leur. D’une façon générale, je crois que j’ai appris à faire la part des choses. Le vécu aide à se forger ses idées.
Côté famille d’accueil, aucun problème « at all ». Je suis chez un couple extra, la cinquantaine, sans enfants. Cela ne me pose aucun problème, au contraire : cela aurait même plutôt tendance à me ravir, étant donné que je suis issue d’une grande fratrie (trois frères et une soeur). Le changement est plus qu’enrichissant. Mes parents d’accueil ont voyagé pas mal : New York, puis Texas, puis New Jersey, puis Californie, et enfin, Wadsworth, Ohio. Ils ont l’ouverture d’esprit de ceux qui ont vu et qui ont acquis de l’expérience, et cela me plaît. Sans compter qu’ils ont aussi voyagé durant toute une année, et sont allés en France. Avec eux, j’ai eu la chance de découvrir d’autres coins du pays (voyage à New-York pour Thanksgiving et peut-être un autre voyage en mai à San Francisco, et peutêtre même plus loin – pour Spring Break, on parle d’une croisière aux “Southern Caribbean” !).
« Homesickness » : de ce point de vue, je suis chanceuse, je n’ai jamais eu le moindre petit dérapage nostalgique, sauf, peut-être, au moment de prendre mon deuxième avion à Chicago, quand il a fallu attendre trois heures avant que celui-ci ne décolle (il y avait un problème, ils « vérifiaient » quelque chose… là, oui, je me suis vraiment demandé ce que je foutais là et pourquoi je n’avais pas décidé de « rester tranquillement à la maison comme tout le monde »…) mais c’est parti aussi vite que c’est venu ! Je n’ai jamais eu à regretter mon chezmoi, ma famille… Au départ, de toute façon, un an me semblait être une durée minimum.
Un dernier mot, adressé à tous ceux qui lisent les impressions des participants et rêvent de partir. « Allezy, faites-le, si vous sentez vraiment ce besoin d’aller voir le monde, d’apprendre le monde, ou tout simplement de prendre conscience de ce qui vous entoure, allez-y, n’hésitez pas, n’hésitez plus. C’est de cette manière qu’on apprend, et d’aucune autre manière. Il faut vivre les choses, provoquer les événements, tracer son propre chemin, se faire son propre avis. Chacun se cherche, aspire à se trouver. Cette expérience vous aidera. Elle sera la vôtre, elle vous dessinera. Alors vraiment, faites le pas. Vous ne le regretterez pas.
Céline, Wadsworth, Ohio, un an aux USA
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°41