Magali, 16 ans, se prépare à vivre une année aux États-Unis. En attendant son départ (août prochain), elle suit de façon très classique sa scolarité en France (elle est en Terminale) et s’adonne, avec une certaine passion, à l’écriture. Elle vient d’achever son premier roman et en a mis quelques autres en chantier ! Extrait et interview.
Enfin, elle avait fini de tout préparer. Il était près de deux heures, mais malgré l’heure matinale Nancy n’était pas fatiguée. Elle sortit sur le balcon et regarda le ciel étoilé. Peut-être Mike regardait-il aussi les étoiles (…) Elle regarda cette nuit qui n’en finissait pas , qui avait recueilli toutes les confessions, heureuses ou malheureuses, de tout le monde, et se rappela le nom de chaque étoile qu’elle voyait briller dans le ciel. Cette nuit profonde et mystérieuse, qui contenait tous les secrets, toutes les réponses, et peut-être même celle qu’elle était venue chercher. Si c’était pour ça qu’elle était venue… «On the way back, back on the way» – Magali Leroy
Pourquoi ce titre en anglais ?
J’avais un double problème de sens et de consonance. En français le sens me plaisait bien, mais pas la musique des mots. Comme il s’agit de l’histoire d’une fille qui part vivre aux États-Unis, il m’a paru naturel de chercher un titre en anglais. Je voulais qu’il y ait l’idée de chemin d’où : «On the way». De retour sur le chemin et de chemin de retour. Voilà comment je suis arrivée à : «On the way back, back on the way».
Peut-on avoir une idée de l’histoire ?
C’est l’histoire de Nancy, une jeune fille de 15 ans qui part aux États-Unis et qui rentre dans la police. Elle entre dans un service de mineurs. Elle doit s’infiltrer dans les milieux de la drogue, de la corruption, etc. (ce genre de brigade n’existe pas, c’est mon invention)… Trois ans de service… Au cours d’une mission son coéquipier est tué. Alors elle abandonne. Elle refait sa vie ailleurs aux États-Unis (avec un chercheur, dans le Colorado). Après deux ans de vie, plutôt tranquille, la police vient la rechercher.
Le roman commence à ce moment là. La question essentielle du livre c’est : Pourquoi retourne t-elle là-bas ? Quelles sont ses motivations ? Que cherche t-elle ?
C’est donc un pur polar ?
Pas vraiment. Il ne respecte pas les règles du genre. En fait mon histoire c’est l’histoire d’une femme très fragile. C’est un roc, très dur, mais qui a des fissures partout et qui à tout moment peut éclater en morceaux.
D’où vient cette idée de brigade de mineurs ?
Sincèrement je crois que ce genre de truc est totalement impossible et qu’aucun parent ne laisserait son enfant s’exposer dans de tels services, mais ce qui me plaît avec l’écriture c’est qu’on peut imposer ses propres règles. Je voulais faire quelque chose d’assez psychologique mais en même temps je voulais qu’il se passe quelque chose. En fait, comme c’était mon premier livre, il fallait que j’évacue certaines choses et en même temps que ca bouge.
Évacuer quoi ?
La mort, la vie, l’amour, les démons de l’enfance, de la vie passée. En fait j’ai un problème par rapport à l’abandon (mon père nous a abandonnées ma sœur et moi) et j’ai voulu en parler en parlant de la mort.
Est-ce violent ?
Et bien, comment dire, ma grand-mère qui a 76 ans trouve ça assez violent mais pour les gens d’âge moyen (40 ans – CQFD) je ne crois pas que ce soit trop dur. La fin est un peu «hard» mais elle est dans la logique de l’histoire.
A savoir ?
Nancy part pour une mission particulière. Elle est seule, elle ne peut plus com-muniquer avec les autres. En gros on l’a un peu piégée pour l’obliger à revenir (ou lui donner le goût du retour). Elle est dans un pétrin pas possible, dans un hangar avec les munitions, elle est gravement blessée, en plus elle est sous l’emprise de l’alcool. Enfin voilà : elle est très amochée. On arrive, on va pour la réanimer, et elle meurt. Quelque part elle se laisse un peu mourir. En parallèle on suit la personne avec qui elle vivait et qui meurt au même moment qu’elle ! Ca a été dur de faire mourir mon héroïne mais j’ai pris un certain plaisir à écrire et à décrire tout cela.
Tu aimes l’action ?
Oui si elle sert à rehausser et à pimenter le personnage et son parcours. Mais l’action bête et méchante, non. Il faut qu’il y ait toujours une référence au passé. Dans toutes les romans que j’écris il y a du sentimental, des questions sur l’origine. J’aime bien les belles histoires.
Qu’écris-tu d’autre en ce moment ?
En ce moment un autre roman. L’histoire d’une journaliste qui part au Vietnam. Et de la poésie.
Qu’est-ce qui te fascine dans l’Amérique ?
1) La dimension. 2) Ça fait rêver. C’est le cinéma, le Western. 3) Le fait que ce soit tout à la fois (tout le monde, toutes les nationalités) et rien de précis en même temps. C’est à la fois très masculin et très féminin. Féminin pour «la statue de la liberté», pour «l’Amérique». Masculin pour l’action, le combat, l’exploration, les guerriers, la conquête… Quand on parle du passé de l’Amérique on ne parle que des hommes et de leurs luttes.
Une opposition féminin/masculin que l’on retrouve dans l’histoire de Nancy. (Femme – Flic – Belle histoire – Histoire de violence) ?
J’ai toujours eu un côté masculin très marqué. Plus jeune j’étais carrément garçon manqué. Mais maintenant je me dirige de plus en plus vers le côté féminin de mon caractère. Je cherche à le développer.
En quoi un an aux USA va t’aider à développer ton côté féminin ?
J’ai une image un peu trop masculine ici. Je voudrais abandonner cette image en allant là-bas ou plutôt qu’elle ne me suive pas. Là-bas les autres n’auront pas cet à priori.
Alors que vas-tu chercher là-bas ?
Je ne vais pas chercher l’inconnu. Ce serait d’autant plus faux de croire ça que j’y suis déjà allée. Non, je crois que l’idée c’est de partir dans un pays qui existe, qui est concret (ce n’est pas un rêve), mais un pays dans lequel rien n’est impossible, un pays dans lequel on peut tout voir et tout rencontrer. Pour moi les États-Unis c’est très connu et pas connu du tout. On peut les traverser en 3 heures (d’avion) ou en un an. C’est un pays propice à l’imaginaire. D’où la recrudescence de cinéastes et de romanciers.
Qu’est ce qui te fascine dans les histoires de policiers ?
La confrontation entre la justice, l’état et le désordre. En gros, le rapport entre le bien et le mal.
Qu’est-ce qui t’éloigne de ton héros ?
Elle est blonde, déterminée, elle aime l’Amérique et l’action. Mais en dehors de ça, elle est assez loin de moi. Elle fait pas attention à tout ce qui l’entoure. Elle est un peu top extrême. Elle fait un peu tout ce qu’elle doit pas faire. On a l’impression qu’elle aime les galères. Mais y faut ça pour avoir une histoire. Sinon ça n’intéresse personne.
Oublions un moment Nancy et revenons à Magali. Veux-tu être policière ?
Non absolument pas. Rien à voir. Je veux être chercheur. La physique me plaît beaucoup, mais je ne suis pas très bonne, je ne crois pas que j’ai l’esprit à ça. Je pense que je me dirigerai plutôt vers la biologie. Je garde la physique comme passe temps. J’en lis, comme ça, pour moi.
Physicienne, romancière, poète et biolo-giste… Beau programme ?
Oh question scolaire, le Français n’est pas mon fort. Je me suis toujours «tapé des taules» et en général mes profs détestent ce que j’écris. Ils me disent que les formules de style c’est pas fait pour moi et que je dois absolument m’abstenir de les utiliser.
Quelles formules de style ?
Toutes. Mais surtout les comparaisons, les euphémismes, la personnification. Mais bon, je fais ça parce que ça me plaît. Ca vient comme ça !
Visiblement ça ne t’a pas découragée ?
Non franchement je m’en fiche royalement.
Comment as-tu eu l’idée de partir un an ?
Je suis allée aux USA un été (en 89) et depuis je me suis jurée d’y retourner. En fait je cherche à poursuivre mon expérience là-bas en évitant de commettre les même erreurs. Je suis persuadée
que ce pays me correspond bien. Je pense aussi à l’avenir : la langue, les études. Je crois qu’il faut que j’apprenne à prendre les distances avec ma mère et que j’apprenne à rencontrer d’autres gens. J’aimerais bien que mes rapports avec les autres changent un peu. Quelquefois nos liens sont un peu stéréotypés. Et j’ai également envie de profiter de cette année «sabbatique» pour travailler autrement et pour réfléchir.
Et puis, en Amérique, ils ont de gros budgets de recherche !
Quelles erreurs estimes-tu avoir commises lors de ton premier séjour ?
Je suis passée à côté des autres. Je suis arrivée. Je voulais tout faire, participer à tout, tout voir, et je ne me suis pas rendue compte qu’en face de moi on attendait beaucoup et que je ne donnais pas.
De quoi as-tu peur ?
De ne pas revenir. De trop aimer, de ne pas vouloir rentrer. Je crains en retrouvant la France de ne rien apprécier. J’ai peur de décevoir, peut-être. Est-ce que je ne suis pas trop jeune pour partir ? Peut-être aussi ? Mais, finalement je n’ai pas envie d’appréhender. Arrivera ce qui arrivera. Vous savez pourquoi j’ai choisi PIE. Et bien, entre autre, parce que je ne savais pas dans quel endroit des USA j’atterrirais. Ca me plaisait. Il y avait une part d’inconnu qui me plaisait.
Et franchement, comme j’essaie de ne pas imaginer ce qui peut arriver là-bas, je ne peux pas non plus imaginer ce que j’aimerais qu’il n’arrive pas
Qu’attends-tu avec impatience ?
La remise des diplômes (si ça arrive) et la première journée. Ça ne sera certainement pas la plus chargée en événements et en sentiments, mais je crois que c’est celle que j’arrive à imaginer le plus facilement. C’est une journée d’espérance. Un ami m’a dit d’espérer beaucoup. Je pense que c’est une bonne idée. Je crois qu’il ne faut pas idéaliser mais espérer. C’est sûrement la bonne solution.
Mon devoir est de m’attendre à tout. Bien sûr j’aimerais une famille avec un père et des frères…
Le contraire de ta famille en France ?
Ca doit être mon côté romanesque ! Il faut jouer avec les oppositions.
A ceux qui hésitent à partir, que dis-tu ?
Essayez de bien savoir pourquoi vous voulez partir et rappelez-vous au moment de votre choix final qu’on ne vit qu’une fois et qu’il faut savoir passer les frontières. Vous devez vous dire : «Je quitte ce que je connais pour un truc merveilleux – je vais passer une étape et ça va être grandiose». Ne pensez pas «macabre» du genre : «Je quitte papa et maman, je vais rentrer dans la vie, je suis responsable, quelle angoisse».
Comment te vois-tu dans 16 mois (au moment de ton retour ) ?
16 mois de plus, deux centimètres de plus, des objectifs en plus, de la bouteille en plus et la même envie de vivre. Et puis, je reviendrai majeure. «Big» changement.
Quel titre doit t-on donner à cet article ?
Pourquoi revenir ?
Pourquoi revenir à ce que j’étais avant, c’est ça ?
Oui, mais je veux également exprimer l’idée qu’étant donné que je ne sais pas ce qui va se passer et ce que je vais rencontrer, je ne suis pas encore en mesure de trouver les motivations pour mon retour. Mon séjour ne m’a pas encore apporté ce qu’il devait m’apporter. Alors pourquoi rentrer ? Mais, n’ayez pas d’inquiétudes, je sais que je rentrerai.
Quel rapport entre le roman et la vie ?
Dans un roman on peut rendre les choses belles ou laides et dans la vie aussi. Et puis quand on écrit un roman on passe des frontières, on franchit des obstacles et on en fait apparaître d’autres. Mais la ressemblance s’arrête là. Car la vie se joue pour de bon. Et puis on ne maîtrise pas la fin. C’est comme un roman qu’on a pas écrit, un roman sur lequel on perd en partie le contrôle. On n’est pas maître de tous les événements à venir !
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°24