Rapports de stage

Avant de s’envoler pour leur périple d’une année à l’étranger, les participants au programme suivent un stage d’orientation. Durant deux jours, ils échangent, réfléchissent, se détendent – en un mot, ils se préparent. Pour rendre compte de cette première étape de leur longue pérégrination, « Trois Quatorze » a choisi de photographier certains des participants et de les interroger sur leur état d’esprit du moment. Les images présentées ici sont accompagnées des commentaires des jeunes participants et parfois même de bribes de dialogues (tels qu’ils nous ont été rapportés par ces derniers). À travers textes et images, on pénètre dans l’intimité des participants : relation de chacun à son projet, à sa famille ou à lui-même. Le voyage illustré se révèle avant tout intérieur.

Participants PIE lors du stage départANNE JOURNOT
17 ans – Terminale
Origine : Alsace
Passions : équitation, lecture, cinéma
Destination : Kansas
Objectif : la découverte

Un moment-clé. Après la lettre d’acceptation, le placement, voilà le stage. Je remplis la fiche que j’ai pas remplie chez moi. Je me dis chouette. J’arrive au début du rêve. En plus j’suis contente d’être là. Je sais que ça en angoisse certains, mais moi ça me plaît d’être avec tout le monde. On est super bien accueilli. Je suis prête.

ANONYME
17 ans – Seconde
Bondy
Passions : les activités avec les copains.
Destination : Ohio
Objectif : changer d’air.

C’est le grand soulagement. Les derniers jours c’était lourd. Plus de copains à Paris. Et ma copine qui m’avait quitté. Je la comprends un peu, je pars un an ! Je suis resté avec ma mère une semaine. Elle était très stress à l’idée de plus me voir. Elle a même demandé à mon père de prendre une semaine de vacances pour profiter des derniers moments avec moi. Insupportable. Et puis, elle m’expliquait tout, comme si elle y était déjà allée avant moi. « Tu verras, elle me disait, tu verras. » C’est sûr que je verrai. Mais quoi ? Qu’est-ce que je verrai ? Elle en aaucune idée de ce que je verrai !
En arrivant ici, au stage, j’aurais pu être soulagé… Mais non. Je sentais comme un stress. Super peur d’avoir oublié mes papiers. J’ai fait la bêtise d’en parler à ma mère. Elle a sauté sur l’occasion pour me dire que si je les avais oubliés à la maison, elle me les ramènerait sur le lieu du stage. Toutes les excuses sont bonnes. Mon père, de son côté, vient de me demander : « À quoi on pense quand on part pour une année ? » Je réfléchis, j’ai pas le temps de répondre, on m’appelle pour présenter mes papiers. Je me présente. Bonjour, me voilà.

NOLWEN MAURIER
16 ans – Première
Origine : Metz
Passions : la musique, et avoir du monde autour de moi
Destination : Nouvelle-Zélande
Objectif : être trilingue.

C’est le moment où je récupère mon visa. Dur d’avoir ce visa. Je le regarde. Je ne pense qu’à ça. Vraiment à rien d’autre. Maintenant c’est du concret. Je peux y aller. On m’appelle. Je lève la tête. Moi et mon visa.

Adieux à la famille

MAUD CAGNIN
16 ans. Première
Lyon.
Un frère.
Passions : piano, USA
Destination : Texas.
Objectif : Découverte, langue…

Quand j’suis arrivée là, j’ai plongé dans une ambiance bizarre. J’étais un peu perdue, mais j’étais surtout contente. Très contente. J’étais même super super contente. Pas du tout anxieuse. J’attendais ça depuis si longtemps. J’arrivais enfin, ca y était. J’avais franchement mûri ça… Depuis des mois qu’on en parlait.
Et puis là, c’est juste après la réunion des parents. On va se dire adieu. Toute ma famille, elle va partir. Mon p’tit frère, il s’approche. On parle de l’école et de tout, et de rien. Je lui dis : « T’écouteras bien tes professeurs. » Il me regarde dans les yeux et il me répond : « Je t’aime. » Là j’suis sciée. Et puis d’un coup – c’est juste après la photo – il éclate en sanglot.
Après il m’dit plus rien – après y pleure seulement. J’suis émue – et puis surprise, ouais, j’suis surprise… Surprise qu’il soit autant attaché à moi mon p’tit frère. J’pensais pas. J’suis triste aussi, un peu malheureuse pour lui. Mais moi, je reste contente malgré tout. Rien ne pourra me faire changer d’avis. Partir. C’est ça que je veux. Je veux rester dans cet état d’esprit. Alors, malgré le chagrin de mon p’tit frère, j’suis contente. En fait à ce moment-là, je crois que pour lui j’suis encore là, alors que moi, j’suis partie déjà. Depuis longtemps.

T’es contente de partir ?
Ben ouais j’suis contente.

T’écoutera bien tes professeurs.
… Je t’aime

PIA DECARSIN
17 ans. Première
Chartres.
Destination : Kentucky.
Objectif : l’anglais, la maturité. Quitter le système scolaire français « trop compétitif ». Laisser tomber la pression. Relâcher.

Toute la journée j’étais sereine. Et puis là, au moment des « au revoir », ça devient surréaliste cette histoire là. Ça va vite, et surtout ça ne ressemble plus du tout à ce que j’avais imaginé. Pourtant j’y avais pensé pendant longtemps aux adieux. Moi qui suis du genre à tout planifier, je ne comprends plus rien à tout ce qui se passe. Mais rien. Je sais que mon père retient ses larmes, qu’il veut pas craquer… Et que ma mère est stoïque. Alors que moi, je l’imaginais en pleurs ma mère. C’est peut-être pour ça que je craque… Je pleure tout ce que je peux. Je contrôle plus. Mon p’tit frère est là. Il se jette dans mes bras. Il me fait du bien. Voilà, ça va mieux.
Après je vais voir ma mère. Elle me dit de craquer, de tout relâcher, d’évacuer la pression et puis, elle me parle d’après. Elle me dit d’en profiter. Elle me répète que des paroles rassurantes.
Moi j’reste bête, je pleure à nouveau.
Mon p’tit frère il revient. Il a faim, il en amarre. Il veut partir, mais on l’entend pas. Le pauvre.
En fait, moi je plane. Je plane depuis tout à l’heure. C’est comme dans un rêve, je vis un truc dont je suis en même temps le témoin, et dont je vais sortir. J’ai l’impression que ça existe pas, et qu’en même temps c’est là. C’est irréel. J’suis entre deux mondes. C’est un moment-clé, et sans consistance. Ça fait peur et ça fait du bien.

Pleure, et une fois là-bas, profite bien de tout. Ca va être génial.

ANDREA FRIELING
17 ans. Seconde.
Saint-Malo.
Passions : la natation, les animaux, le cinéma, les sorties avec les copains.
Destination : Alaska.
Objectif : repartir.

Là, je pense au chemin parcouru. Je pense à y’a cinq ans, quand j’ai commencé à collectionner toutes les brochures de tous les organismes. Et puis aussi à la première réunion à Dôle et à mon père qui m’a dit en sortant : « Je vais convaincre ta mère ». Voilà, à cet instant, je pense à tout ça.
Mes parents me disent que depuis deux mois je suis déjà partie. Ils sentent que je suis déjà ailleurs. Je suis pas inquiète. J’ai pas peur. Même si je vais peut-être tomber de haut, mais ça m’fait pas du tout peur. Ma mère est plus angoissée. Elle est cachée à droite. Ce jour-là, elle me dit rien, mais on a beaucoup parlé ensemble. Mon frère, côté angoisse, c’est pire. Il est grand, costaud, mais il est tellement fragile lui ! Sur la photo, on le voit pas.

ANNE -LUCIE WERQUIN
16 ans – Première
Origine : Bergerac
Passions : la danse africaine, les percussions
Destination : Utah
Objectif : l’anglais.

Là on est mal. Ma mère et moi on est mal. Ce voyage, ça m’est tombé dessus comme ça. On m’a proposé, j’ai dit oui. J’étais contente. Nouvelle expérience, nouvel horizon. Tout s’est fait en un mois. Alors, tout un coup, me retrouver la-dedans, et me dire que c’est parti, c’est légèrement la panique. J’ai l’impression de ne pas être prête, je vois un peu la grosse montagne qui se présente devant moi.
Il n’y a pas longtemps j’étais en colère, et j’ai dit à ma mère : « Je veux plus partir. » Elle m’a répondu : « Ça va pas, non… Bien sûr que tu vas y aller. » Au fond d’elle je crois qu’elle me garderait bien : je suis la petite dernière – la petite protégée. Mais là, faut y aller.

ISIS DUBOIS
16 ans 1/2 – Seconde
Origine : Lille
Un frère.
Passions : écriture, dessin, Afrique
Destination : Arkansas (puis Mexique)
Objectif : me renforcer moralement

Je me rends compte de rien. De rien. J’ai jamais vu mes parents comme ça. Jamais. Ils sont au bord des larmes. Là ça me dépasse. Ils me disent au revoir et moi je réponds : « À tout à l’heure. » Je m’rends pas compte que tout à l’heure, c’est dans un an. Je vous le dis… J’crois que je suis un peu paumée.


ELISE GUERIN

18 ans – Terminale
Origine : Manche
Passion : la musique, et avoir du monde autour de moi
Destination : Alaska
Objectif : faire un break, m’éloigner des miens, découvrir.

Ben oui, c’est les adieux. Et je suis contente. Contente de leur dire au revoir, qu’ils s’en aillent. C’est pas du tout méchant ce que je pense. Mais ça fait si longtemps que j’attends ce moment-là. Et je suis contente que ce soit terminé. Et puis j’ai chaud, j’en ai marre, je veux me détendre dans ma chambre… ou aller manger. Je fais vite un petit bilan : j’ai eu mon bac (même pas imaginable y’a un mois, je pars pour les USA, le rêve se réalise. On est dans le concret. Je regarde un peu autour de moi). J’adore ici. Y’a plein de monde. Je suis entourée. Non, ça me pèse pas d’être là. La seule petite angoisse que j’ai c’est, à mon retour, de ne pas retrouver les gens que j’aime comme je les ai laissés. Est-ce qu’ils m’aimeront toujours ? Est-ce qu’ils me resteront fidèles ? C’est bizarre comme idée, non ? Presque un concept pour la une. Avec ça, je crois que je pourrais presque créer une émission toute pourrie. C’est drôle, mais c’est ça que j’ai en tête : vont-ils m’abandonner ?
En fait ce moment-là, c’est que des « Je t’aime » sous entendus. C’est plein d’amour, de cadeaux qu’on se fait. J’adore ça. J’arrête d’y penser, sinon, je vais me mettre à pleurer.

Mère : « Regarde, notre dernière photo ensemble »
Elle : Je suis heureuse ou triste. Je sais pas. Peut être les deux
Père : « À bientôt. »

JULIETTE MONTEFIORE
15 ans – Troisième
Origine : Essonne
Passions : le sport, le dessin, la danse, la lecture, voir les amies
Destination : Minnesota
Objectif : la langue, voir autre chose que la France, trouver des idées pour l’avenir.

J’ai envie qu’il parte vite, mon père. Quant à ma mère, qui est au bout du fil, je voudrais qu’elle écourte la conversation. On s’est déjà parlé cinq fois dans la journée. Ce n’est pas que je les aime pas, oh non ! C’est simplement que je veux passer à la suite, me lancer, y aller. Je veux en finir avec les adieux.
Là, mon père raconte à ma mère ce qui s’est dit à la dernière réunion. Il lui dit que c’est pas bien d’aller me voir là-bas, que c’est un conseil que donne PIE aux parents. Moi, juste avant, j’ai dit la même chose à ma mère. Je lui ai dit : « C’est pas la peine tu sais. » Je crois qu’elle va se résoudre à ne pas venir.
Il faut qu’on y aille. Je dois partir.

 

Juste après le départ des parents

MAXIME LEURENT
15 ans – Seconde
Origine : Boulogne-sur-mer
1 frère et 1 sœur
Passion : la voile, les sports de raquette, la liberté
Destination : Indiana
Objectif : connaître les USA

Mes parents viennent de partir. Y’a plein de choses qui me passent par la tête. Je me dis que je vais plus les voir, mais je me dis que c’est pas grave. Je me demande surtout quelles têtes y vont avoir là-bas, ceux qui vont me recevoir. J’ai vu des photos, mais je me demande quand même comment ils seront. Et puis je me dis que je suis un peu fou d’avoir fait ça. Après tout, on n’est pas nombreux à se lancer dans un tel truc. Et en plus j’suis le plus petit, le plus jeune et ça me fait dire que c’est encore plus fou. Et pourtant je suis content. Vachement, je vous jure. C’est bizarre, c’est un mélange. Je peux pas décrire. Je sais pas pourquoi je suis là, mais je suis là. Et le fait d’être avec tous les autres c’est rassurant.

 

Le soir – première réunion

NILS LOUIS
18 ans – Première
Origine : Chambery
Passions : sports (rugby, foot, randonnée), sorties avec les copains
Destination : Australie
Objectif : l’anglais, le voyage

C’est la première réunion. J’écoute et en même temps je suis en train de me dire que je me suis embarqué dans un truc qui va m’apporter énormément. J’en prends lentement conscience. Je sais que je vais grandir dans cette histoire. En fait, je fais un petit bilan de mon premier jour de voyage : j’ai dit adieu à ma copine et à tous mes amis dimanche soir. C’était dur, voir pleurer la copine et les potes. Et puis je me suis retrouvé là. Au début, j’aurais préféré filer direct vers l’Australie. Mais finalement, je réalise que j’suis dans un sas. C’est un temps de décompression et d’attente avant le départ, un lieu et un moment propices à la cogitation.
Je ne suis pas trop du genre à m’en faire, mais à cogiter, oui. Alors comme l’ambiance est sympa, que les choses se présentent bien, j’en profite.
Au moment où l’appareil est devant nous Clément me dit : « J’ai pas envie d’être pris en photo. » Je le regarde en haussant les épaules. J’ai rien à lui dire sur ce coup-là, et en plus je crois que c’est trop tard. Après, il sourit.

CLEMENT MENUET
18 ans – Terminale
Origine : Toulon
3 sœurs
Passions : sports (surf, escalade)
Destination : Australie
Objectif : connaître l’Australie

Je suis dans le souci du moment. Je ne pose aucune question sur l’avenir, mais simplement sur le contenu de ces deux jours. Comment on va s’y prendre ? Qu’est-ce qui va se passer ? Je prends ce stage comme une petite introduction. Tout le monde est à peu près sur la même longueur d’onde. Rien ne me surprend vraiment. Et puis un copain est déjà parti – il m’a tout raconté. Là, avec Nils, on parle de l’Australie. Où on va aller ? Dans quelle ville ? On échangeait des petites impressions. Et puis c’est la photo !

J’ai pas envie d’être pris en photo.
Trop tard

 

Petit déjeuner

CHARLOTTE ESCOFFIER
16 ans (le jour du départ) – Seconde
Un frère.
Passions : piano et maths
Destination : Nebraska
Objectif : l’anglais et la maturité

Hier soir ça allait bien, mieux que ce matin en tout cas. Ce matin, je suis un peu différente. Je crois que j’ai un peu réalisé ce qui se passait. C’est venu tout à coup… Comme ça….Ça a fait tilt. Alors, c’est normal, je suis un peu bousculée. Mais ça va… Vous inquiétez pas ! c’est juste un peu bizarre.
À l’instant je parle avec les filles de ma chambre. Y’en a une qui disait qu’elle avait un sac en trop, mais que c’était pas grave. Elle dit qu’à l’enregistrement, ils vont pas faire attention. Je lui ai répondu que le Américains c’est pas les Français, qu’avec eux, la règle c’est la règle. Et qu’ils peuvent très bien nous laisser en plan avec nos valises et pas nous faire prendre l’avion. Après, on a parlé des fringues. Je leur ai dit que là-bas, elles s’habillent pas comme nous, les filles. Je leur dis que je connais un peu car ma sœur est déjà partie. Elle m’a dit qu’aux US on avait une réputation d’aguicheuse et que si on s’habillait là-bas comme on s’habillait ici on risquait d’être repérées. De toute façon on devra renouveler les fringues, puisqu’on va grossir. Non ?

Réunion transport & règlement

LOUIS-HENRY LELIEVRE
15 ans – Seconde
Origine : Bretagne
Sans passions, « sinon toutes »
Destination : Maryland
Objectif : apprendre l’anglais et bien rigoler

Depuis hier, j’suis stressé. Il faut dire que ça se concrétise. Je me dis que je suis un peu barge d’avoir fait ça. J’ai pris une sacrée décision, et maintenant il faut assumer. Et puis, je pense à demain, à l’avion, à l’arrivée… et se retrouver seul, je sais pas où ? Demain ! J’ai du mal à y croire. Au moment de la photo, je pense à tout ça. C’est plus le moment de rigoler.

MAXIME SOLLIER
15 ans – Seconde
Origine : Grenoble
1 frère et 2 sœurs
Destination : Michigan
Objectif : apprendre l’anglais, voir si je suis capable de faire ça

Là on nous parle du règlement. J’écoute et même si je suis concentré, de temps en temps je m’échappe. Je repense au départ, hier, juste avant de venir ici ? J’étais bien stressé. Pas envie de monter dans la voiture. Ouais, le plus dur, ce fut ça. Monter dans la voiture, c’était ça mon premier pas. Là je me dis que ça va mieux. Que demain, à l’aéroport, ça ira mieux encore. Je me concentre à nouveau sur le règlement. C’est pas mal d’être là. On est tous dans la même galère.

Entre deux réunions

FABIENNE SENAILLAT
17 ans – Terminale
Origine : Compiègne
Passion : la musique, l’aïkido, la lecture et la natation
Destination : Oregon
Objectif : apprendre en dehors du cadre scolaire

C’est pendant la réunion…. Au moment où je suis intervenue…. C’est cela ? Je suis très fatiguée. Je crois me souvenir que l’on prépare le « talent show ». J’envisage bien d’y participer, mais comment ? En jouant de la musique, simplement… Ou bien en m’incrustant avec d’autres ? Je ne sais pas ! Alors je suis perplexe.
Il faut dire que c’est un état que je connais bien, la perplexité. En réalité, je vois ce « talent show » comme le dernier obstacle. Et dieu sait qu’il y en a eu des obstacles : l’année scolaire, interminable – le bac, ennuyeux – les vacances, en partie intéressantes, en partie barbantes.
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en arrivant ici. Je croyais plonger dans un autre monde. Or je vois beaucoup de jeunes qui font des groupes et qui s’amusent et je n’ai pas l’impression que je vais y arriver. Dès qu’il y a du monde comme cela, des groupes, je ne suis pas à ma place. J’ai peur qu’on me juge en disant : « elle est toute seule, elle ne s’intègre pas, elle n’y arrivera pas, c’est un cas à part, elle est trop sérieuse, etc. »
J’ai tellement été mal jugée par le passé. On s’arrête souvent à cette impression que je donne de vouloir me différencier. Depuis toute petite, c’est comme ça. J’ai fini par considérer cela comme une tare, bien qu’au fond de moi je ne crois pas que cela en soit une. Je sens bien que les autres ont l’air plus heureux. Mais n’est-ce pas qu’une impression ? Et que puis-je y faire ?
Ici, j’ai l’impression de replonger dans des problèmes que je connais déjà. Voilà pourquoi ce stage est une étape un peu dure pour moi. Bien sûr, on pourrait me rétorquer : « Mais une année entière, voilà qui sera un vrai obstacle ! Et, autrement plus dure à surmonter qu’un stage ! » À cela, je réponds : « Certainement, mais le schéma sera différent là-bas, j’y vais sans idée préconçue, sans schéma pré-défini, et je prendrai les choses comme elles se présentent. » Je me dis que j’aimerais bien être perçue comme quelqu’un d’autre, que j’aimerais me relâcher. Que pour moi c’est peut-être cela « l’expérience ». Oui, j’aimerais abandonner cette image qui me colle à la peau. Mes parents me disent : « Tu verras là-bas, tu vivras autre chose, ce n’est pas la France. » C’est vrai que je suis déjà partie à l’étranger et que le dépaysement m’a permis de faire évoluer les relations. Au plus profond de moi je me dis que je serai bien. Mais méfions-nous. Car là-bas, ils réagiront peut-être comme ici. Après tout, les êtres humains sont les êtres humains. Et puis mon caractère est ainsi fait que je ne peux pas le modifier comme cela. Je ne peux pas renoncer à tout, à moi et à mes valeurs. Je ne peux tout de même pas devenir étrangère à moi-même.

 

Jeu des Oies

Nicolas BUDZINSKI
18 ans – Terminale
Origine : Vannes
Passions : le sport, internet, le cinéma
Destination : Pennsylvanie
Objectif : la langue, et l’envie de connaître autre chose

Jeu de l’oie. On pose une question à l’autre équipe. Nous, on contre avec un argument du tonnerre. Je suis le rapporteur de mon équipe. Super content, on va cartonner… et v’la le jury qui nous sèche. « Réponse démago » qu’il dit le jury… Dégoûté !
Voilà, rien de bien grave. Disons que je joue le jeu. C’est sympa. Y’a un bon esprit ici.
Est-ce que je pense à mon année à l’étranger au moment où on prend cette photo ? Est-ce que je pense à tout ce qui m’attend ? Non, pas du tout. Sérieusement, je ne pense qu’à faire gagner mon équipe. (Rires)

Tu te focalises pas sur ce problème.. T’essaies d’aller vers lui, il a beau être casse-pied il a forcément quelque chose à t’apprendre.

HELOÏSE DIDIER
16 ans – Première
Origine : Bourgogne
Passions : le sport, le dessin, la danse, la lecture, voir les amies
Destination : Michigan
Objectif : la langue, voir autre chose que la France, trouver des idées pour l’avenir.

J’ai la tête à demain. Ce matin on a parlé des bagages, de l’avion, de l’enregistrement.
Ça faisait beaucoup de choses en même temps, beaucoup d’infos. Ouais, tout ça me travaille un peu, me fait un peu peur. Il faut dire que j’ai jamais pris l’avion. Alors au moment présent, j’essaie de me remémorer tout ce qu’on nous a dit pour réussir au mieux mon voyage.
En fait, mon esprit a filé d’un seul coup – juste avant, j’étais bien dans le jeu (jeu de l’oie), j’ai m&ecir

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°36