Par Camille Collin
À peine la question posée, tes yeux s’illuminent et une image très personnelle te traverse l’esprit. À chacun son image. Sa famille d’accueil, on peut l’imaginer comme la sienne en France, ou alors à l’opposé. Parfois, on la conçoit comme la famille idéale. Bien sûr, on veut des enfants, de notre âge si possible, ou alors plus âgés — pour qu’ils nous fassent découvrir des tas de choses dans le pays — ou alors des plus petits, histoire de les voir grandir. On veut des parents jeunes, pas trop stricts, présents, qui nous laissent de l’indépendance, mais qui ne soient pas indifférents non plus. Bref : on veut une bonne famille et une famille bien à soi. Puis vient le moment du placement : on reçoit la « fiche », on découvre les membres de la famille (petits et grands), leurs activités favorites, leurs animaux, leur adresse… Et nous voilà sur « Google Earth » à chercher la maison ! Les photos arrivent, les appels téléphoniques ou les mails. On va alors sur « Facebook », on se découvre de loin : se mêlent alors soulagement, curiosité et méfiance. Mais on rêve encore. Enfin, c’est le jour du départ, l’excitation, la tristesse… Et puis celui de l’arrivée… de la rencontre. La fatigue s’évapore, quand, à la sortie, des bras et des mains se tendent, nous enserrent et nous libèrent de nos bagages. Ils sont là pour nous, ceux que nous attendions depuis des mois. Tous les clichés alors s’évanouissent, tous nos rêves aussi, car ils sont bel et bien là, face à nous, ceux avec qui on va tout partager pendant un an. Ils sont là, bien présents, en chair et en os. La réalité efface alors toute notre construction imaginaire. Il n’y a plus de place pour la fiction. Bientôt vient le temps des comparaisons, triste période qui tend à nous faire oublier qu’une famille a accepté de nous recevoir une année — alors qu’elle ne nous connaissait pas, sinon à travers un dossier papier — que cette famille nous loge, nous nourrit, qu’elle est surtout toujours présente à nos côtés. Et nous sommes là, à la juger, à la comparer à nos attentes, à la fiction née de notre imagination. Un mo-ment pathétique en fait et qui ne nous laisse plus tard que des regrets, car même si le décalage entre ce que l’on a attendu et ce que l’on vit est immense, au final, seul compte et reste la réalité des moments vécus et partagés.
Article paru dans le Trois Quatorze n° 52