Que reste-t-il, à long terme, d’une année scolaire vécue à l’étranger ? Peut-on quantifier les retombées d’une telle expérience ? Peut-on estimer sa portée? Pour répondre à ces questions, PIE a envoyé une enquête à tous ceux qui ont participé par le passé à ce programme. Les résultats et les commentaires sont sans équivoque. Ils nous confortent dans l’idée qu’une année scolaire à l’étranger est une année clé, une année pour la vie.
METHODOLOGIE
Tous les participants « départ » depuis la création de PIE ont été sondés, y compris ceux pour qui l’expérience a été écourtée (retour anticipé, renvoi…) y compris ceux – rares au demeurant – qui ont manifesté à leur retour leur insatisfaction. 2776 enquêtes ont donc été envoyées. Les résultats portent sur 302 réponses, soit 11% des participants, un pourcentage largement significatif, suffisant en tout cas pour donner toute sa crédibilité aux résultats présentés ci-dessous.
La première partie du compte-rendu, la plus analytique, rend compte des études et du parcours professionnel des anciens participants, la seconde, plus subjective, tente, à travers données chiffrées et commentaires, de répertorier les acquis et les bénéfices d’un tel séjour.
ETUDES & PROFESSIONS
Nous nous intéressons là aux participants qui sont en âge d’avoir fini leurs études.
(promotions de 1981 à 1996)
Quelles études avez-vous menées ?
Commentaires : On notera la prédisposition naturelle des participants à des études de langues (24%). Il faut savoir que beaucoup de participants ont débuté leur cursus par des études de langues et l’ont complété par une seconde formation (commerce, art, droit…)
On notera surtout le faible taux de participants n’ayant pas entrepris d’études supérieures (5%).
Voilà de quoi rassurer tous ceux qui pensent qu’une année dans un lycée à l’étranger risque de nuire à des études ultérieures. On notera enfin quelques cas atypiques, comme cette participante qui, après avoir mené avec succès des études de sociologie, d’infirmière, de langues (diplômes à la clé), a finalement opté pour la danse, qu’elle a d’abord étudiée, et qu’elle enseigne aujourd’hui.
Quels diplômes avez-vous obtenus ?
Commentaires : 63% des participants PIE ont mené des études à un niveau égal ou supérieur à Bac + 4. Même s’il convient de le nuancer – eu égard au milieu social de nos participants – ce résultat va au-delà des meilleures espérances – il est très largement supérieur à la moyenne nationale. L’année scolaire à l’étranger n’est donc en aucune façon un obstacle à la réussite universitaire… Bien au contraire !
À savoir : 54 % des étudiants sortent diplômés d’une faculté (en France ou à l’étranger), 31% d’écoles d’ingénieur, de journalisme, de B.T .S., etc., et 6% de grandes écoles (y compris polytechnique).
Quelle est votre profession actuelle ?
Commentaires : on retrouve les participants PIE dans les principaux secteurs de l’économie (administration, diplomatie, enseignement, commerce, art, recherche, médecine, agriculture…). Trois professions émergent à un taux nettement supérieur à la moyenne nationale : journaliste/reporter, enseignants et traducteurs/interprètes. Avis aux amateurs !
On constate que, contrairement à une idée reçue, l’année passée à l’étranger n’entrave en rien la poursuite d’études scientifiques de haut niveau.
On note un pourcentage de non actifs d’autant plus faible (6%) que la moitié d’entre eux sont, par choix, mères au foyer.
Au rayon des entreprises intégrées par les participants on retiendra : l’ONU, le ministère des Affaires Étrangères, le Ritz, la police nationale, Dell, la FIFA, Air France, l’Education Nationale, Europe 2 et… PIE ! 6% des participants ont par ailleurs créé leur propre entreprise.
Avez-vous mené des études à l’étranger (au moins 6 mois d’études) ?
Vivez-vous actuellement à l’étranger ?
Combien de fois par an prenez-vous l’avion ?
Commentaires : nos participants sont à l’évidence des voyageurs pour la vie : dès leur retour, ils reprennent la route, d’abord pour les études – plus tard, il leur arrive de s’installer à l’étranger. C’est le cas de 14% d’entre eux, répartis aujourd’hui sur les cinq continents (des US à Dubaï, des Pays-Bas à Israël). 7% d’entre eux ont même épousé un(e) étranger(e) (trois Américains, un Danois, un Espagnol, un Égyptien, un Péruvien !). On notera enfin que sur les 12% de participants qui prennent l’avion plus de 10 fois par an, 2% le prennent plus de 100 fois.
BIENFAITS & BÉNÉFICES
Votre année scolaire à l’étranger vous a-t-elle aidés dans vos études et dans votre vie professionnelle ?
Commentaires : Véritable plébiscite en faveur de cette expérience. Les qualificatifs les plus utilisés : « énormément », « déterminant », « primordial », « crucial », « vital », « décisif »…
Les réponses s’accompagnent de commentaires explicites. Cette année a « déterminé toute la vie » de certains, elle a « donné des ailes » à d’autres, ou « une assurance que les autres n’avaient pas. »
Sur trois points au moins l’apport est indéniable :
- La langue, c’est une évidence : « J’étais nulle, je suis devenue géniale » – « J’avais 5 de moyenne, je suis passé à 19,5 » – « Grâce à mes connaissances en Russe, langue rare, j’ai gagné des points durant toute ma scolarité… »
- L’aide à la réussite aux examens et à l’embauche : « Grâce à mon niveau, j’ai obtenu la meilleure note en anglais sur 700 candidats et j’ai pu intégrer l’école de journalisme… » – « J’étais le dernier de ma classe et j’ai pu intégrer l’Université de Sussex en Angleterre » – « J’ai pu travailler au Ritz, grâce à ma connaissance de l’anglais », « La langue est à la base de mon métier » – « De ce point de vue, cette année est déterminante à 100% » – « Dans la Recherche, il est indispensable de publier en anglais ! » –
- Une autre façon d’aborder les relations dans le travail (travail en équipe, contacts humains, dynamisme, management…)
Pour conclure, on retiendra cette remarque prosaïque d’un ancien : « On a beau dire, une année à l’étranger, ça fait bien sur un C.V. »
Utilisez- vous la langue que vous avez apprise à l’étranger ?
Commentaires : 60% des participants utilisent la langue qu’ils ont apprise à l’étranger quotidiennement ou assez régulièrement. 12% seulement ne l’utilisent pas ou très peu.
Quel est selon vous le principal bénéfice de cette expérience ?
Au risque de surprendre, la langue est loin d’être citée comme le premier des bénéfices. Les participants insistent en fait sur cinq points :
« COUPER LE CORDON »
En tout premier, ils citent la maturité et ses variantes : l’autonomie, l’initiative, etc. Ils disent que, par le biais de ce séjour, ils ont « quitté le cocon », « coupé le cordon », qu’ils sont « sortis de leur œuf », qu’ils ont « appris à voler de leurs propres ailes ». L’année semble être un accélérateur dans le processus de passage à l’âge adulte.« UN AVANT ET UN APRÈS »
Vient ensuite le bénéfice majeur aux yeux des participants : la connaissance de soi et ses dérivés : la connaissance de ses capacités, de ses envies, de ses limites, la faculté de prendre des décisions, de faire des choix. « C’est un moment privilégié, on se retrouve face à soi-même, sans le regard de ceux que l’on connaissait, sans a priori : on se découvre, on engage une nouvelle vie. Partir, c’est une page blanche à écrire ». Ou encore cette participante : « C’était une année d’introspection et de prise de recul… à quinze ans à peine ! » et celui-ci : « J’ai grandi de 10 centimètres… et de beaucoup plus dans ma tête ! » Ici apparaît une idée maîtresse, celle de l’année « déclic », celle du tournant, du break : « Il y a un avant et un après dans ma vie, et entre les deux, le Canada ! » et aussi : « Toutes mes rencontres dans ma vie ont été déterminées par cette année-là », « Tout ce que je touche a un lien avec mon année en Russie ». Pour beaucoup c’est « la chose la plus importante de leur vie » ou presque : « Après la rencontre avec ma femme et la naissance de ma fille, c’est l’événement le plus heureux de ma vie », « J’y pense tous les jours depuis 20 ans ! »« DE M À XXL»
L’ouverture d’esprit est un des autres grands bénéfices mis en avant. On parle de découverte d’une autre culture, d’une autre façon d’apprendre et de voir le monde. Les anciens participants se trouvent désormais plus tolérants, plus curieux : « J’ai compris que nous étions tous des habitants de la Terre, avant d’être ceux d’un pays » – ou : « J’ai énormément reçu et peu donné – c’était une expérience très tournée sur moi, un peu égoïste. Si c’était à refaire, je m’ouvrirais davantage aux autres », ou : « Ma famille m’a appris à me réjouir de la réussite des autres » – ou encore : « Je voyais la vie en M, désormais je vois tout en XXL. »« MES PLUS BEAUX SOUVENIRS »
On retiendra aussi, dans un registre qui touche à l’affectif, ces quelques réflexions : « J’ai appris à m’aimer » – « J’ai rencontré mon mari » – « Là-bas, j’ai découvert la vie » – « J’étais en pleine crise d’adolescence, je ne m’entendais pas avec mes parents, je me suis échappée et je suis revenue plus épanouie et mieux dans ma famille » – « Ma vie de femme a commencé cette année-là. » Pour beaucoup, c’est une année qui restera à jamais gravée dans leur mémoire.« FIER »
À travers toutes les enquêtes, un sentiment de fierté se dégage, bien résumé par cette remarque d’un participant : « J’ai tout simplement l’impression d’avoir fait quelque chose de grand ! »
Aujourd’hui quel jugement portez-vous sur votre expérience ?
Commentaires : même si certains ont pu éprouver de réelles difficultés pendant leur séjour, il ne leur reste aujourd’hui que la fierté de les avoir surmontées – ce qui explique sans doute ce résultat – pour le moins impressionnant – de 97% des participants jugeant avec le recul leur expérience « très bonne » ou « bonne ».
Si vous aviez un enfant, souhaiteriez-vous qu’il participe à un tel séjour ?
Commentaires : sans doute la plus belle façon pour les participants de dire qu’ils ne regrettent pas leur choix et que si l’expérience était à refaire, ils la tenteraient à nouveau. De belles perspectives pour PIE !
Si vous n’étiez pas parti(e), que seriez-vous devenu(e) ?
« La même chose en moins bien », « La même avec un grand vide », « La même tout en étant une autre »…
Je serais : « moins confiant », « ordinaire », « aigrie », « moins à l’aise », « coincée », « moins riche », « moins concernée », « moins motivée », « moins active », « dépressive », « médiocre »…
« Je serais un éternel mauvais élève », « Je me serais contenté d’un B.E.P. », « Je me serais plantée dans mes études »…
« Je serais restée enfermée avec mes parents dans la région que je déteste »…
Je serais « flic » ou « astronaute » ou « éboueur » ou encore « grenouille »…
« Je verrais la vie en gris »…
Si vous ne deviez conserver qu’un seul souvenir (ou anecdote) de ce séjour ?
STAR D’UN JOUR
« J’étais membre de l’équipe de « mock trial » (simulation de procès) et j’ai eu le prix de « best witness » (meilleur témoin) » – « La première fois que je suis montée sur scène, avec les rires de mes camarades : je me suis sentie bien » – « La « standing ovation » au concert de Noël du « High school band », après avoir joué un morceau en solo » – « Le jour où j’ai sauvé la vie de ma grand-mère d’accueil, victime d’une crise de diabète » – « Le jour où j’ai été élu « special person » au cours de religion et que tous les élèves m’ont écrit un petit mot… je les relis très souvent » – « Je me souviens que mon lycée a acheté une table de ping-pong pour moi, pour que je puisse m’entraîner ! »CHOC CULTUREL
Un garçon :« Le jour où j’ai pris la « water fountain » du gymnase pour une pissotière : ça a fait rire mes camarades pendant longtemps » – une fille : « Je me souviens m’être lavée les cheveux dans une pissotière en pensant que c’était une douche, ma famille était à la fois hilare et choquée ! » – « Mes parents étaient venus me rendre visite pour une semaine – quand ils ont vu à quel point j’étais bien chez moi, ils sont repartis ! » – « C’était en 92, on a fait un sondage dans ma classe, eh bien j’étais la seule démocrate ! » – « J’ai étudié la Bible avec mon père d’accueil, pasteur presbytérien » –APPRENTISSAGE
« Un jour que je marchais avec un ami, je me suis rendu compte que je parlais anglais sans y penser » – « Le jour où je suis allée à la poste pour réclamer une lettre qui n’était pas arrivée – personne n’a voulu croire que j’étais française » – « J’ai joué dans une comédie musicale » – « J’ai appris à pêcher sous la glace. »PREMIER JOUR
« My name is Fred, I live next to the bitch ! C’était le premier jour de classe » – « La cérémonie de rentrée scolaire chez les Maoris où les nouveaux doivent saluer les anciens en leur touchant le nez avec leur propre nez » – « C’était au restaurant, je lui ai bredouillé « thank you » dans mon anglais minable, ce à quoi en américain poli, il m’a répondu : « You’re welcome » – j’ai cru qu’il me souhaitait la bienvenue dans son pays, j’ai donc répondu « Thank you », et il a répété : « You’re welcome » ! » – « À la fin des cours, je cherchais mon « school bus », mais comme ils se ressemblaient tous, j’ai dû demander de l’aide à une fille qui passait – elle m’a ramenée chez moi… est devenue ma meilleure amie… et ma sœur d’accueil quand j’ai dû changer de famille. »FÊTE
« La Prom : c’était tellement américain, tellement fun » – « La « Prom » : le fait d’avoir été pomponnée comme une princesse » – « Ma robe à paillettes de « Prom », très jolie, très kitsch, et qui était merveilleusement bien assortie à ma jambe dans le plâtre » – « Noël, le faste , les cookies » – « « La graduation, s’avancer dans l’allée centrale sous l’hymne national et les bravos. »DUR, DUR
« Avant mon départ, mon père est décédé – je n’aurais jamais supporté l’épreuve si je ne m’étais pas éloigné de mon environnement » – « Un jour de match de foot, il y a eu une révolte de blacks contre la domination blanche : incroyable et effrayant. »AMOUR
« La naissance de ma sœur d’accueil » – « Le jour de la St. Valentin, mon copain et moi, quand on se regardait nus dans la glace » – « La petite Callie (4 ans) qui un jour dit à sa mère : « Maman, tu crois que je peux demander au père Noël qu’il me redépose encore une fois Solène derrière la porte » – « Mes parents d’accueil, qui n’avaient pas d’enfants, aimaient me présenter comme leur fille. Quand je suis revenue deux ans plus tard, ils avaient un bébé – alors, les gens croyaient que j’étais la mère et eux les grands-parents ! »IMAGE
« La traversée du Golden Gate en coccinelle : magique ! » – « Cattle drive » : j’ai ramené un énorme troupeau de vaches des pâturages d’été aux étables – j’étais à cheval, avec santiags et chapeau, entouré d’autres cavaliers pareillement vêtus » – « Ma mère d’accueil me lisant des histoires d’enfant, le soir dans le salon » – « Il y a une odeur particulière aux USA qui change d’un état à l’autre. Je sais, c’est bizarre mais ça m’a énormément marqué. Dans le Dakota du Nord, il y a une odeur de frais, de nature, de bois. Et dans la maison de ma famille d’accueil, ça sentait bon les épices, la chaleur. Je m’en souviens encore ! »…
Quel est votre message aux futurs participants ?
« Ça devrait être obligatoire » – « Foncez » – « Investissez-vous à 100% » – « N’hésitez pas » – « Go, go, go » – « Partez, partez, partez » – « Faites-le » – « Ne vous posez pas de questions » – « Ne réfléchissez pas » – « Réfléchissez tout de même, les obstacles sont nombreux » – « Relativisez » – « Rien à perdre, tout à gagner » – « Saisissez la chance » – « Osez, après c’est trop tard » – « Oubliez la France » – « Lâchez vos parents » – « Éclatez-vous » – « Enjoy » – « Carpe diem » – « Courage » – « Y croire et tenir bon » – « Haut les cœurs » – « Préparez votre retour » – « Souriez, ça vous ouvre toutes les portes » – « Ouvrez-vous aux autres » – « Ouvrez grand les yeux, les oreilles, les narines, les pores de votre peau, la bouche et imprégnez-vous de toutes les sensations nouvelles » – et… « Bonne chance ! »
Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°40