En image : « Au tableau » — Par Mona, Fukuoka, une année scolaire au Japon
IMPRESSIONS JAPONAISES — Visions du japon et de son école
Par Orianne, Kawasaki City, Kanagawa
Une année scolaire au Japon
Je voulais vous écrire, mais à propos de quoi : de ma famille d’accueil? de ma nouvelle ville? de la culture? de l’esprit japonais?… C’est aujourd’hui, sur le trajet vers Kawasaki, où désormais et pour une année je vis, que j’ai finalement trouvé ce dont je voulais vous parler. Je vais évoquer cette nouvelle forme de mélancolie que j’ai découverte: l’impression d’avoir jusqu’ici raté quelque chose, de ne pas avoir été celle que je devais être. Aujourd’hui, alors que je quittais l’école et que je traversais ce pont que je traverse tous les jours, je me suis retournée vers mon établissement scolaire et un nouveau sentiment est né en moi, sans prévenir. J’ai soudainement regretté toutes ces années scolaires passées en France —toutes ces années que j’aurais tellement mieux appréciées si j’avais pu les passer au Japon.
Nous entendons ou lisons parfois que «Le système éducatif français devrait prendre exemple sur le système éducatif asiatique». Au vu de ce que je lisais ou entendais, j’ai toujours acquiescé. Mais aujourd’hui que je fais concrètement l’expérience de ce système, j’ai envie de hurler: «Oui, prenons exemple sur le japon et changeons!» J’ai passé jusqu’à présent quatorze années de ma vie à l’école, et je n’ai aucun souvenir d’avoir vraiment vécu à l’école. Jusque-là, autant être honnête, je n’aimais pas l’école. Chaque matin était un combat, une lutte permanente pour trouver la motivation. Obtenir des diplômes, avoir un futur métier, etc., cela n’est pas suffisant. L’école japonaise, elle, vit, et de ce fait, je vis. Sur le trajet vers “Kanto Gakuin Muutsura Senior High School”, je ne tire pas la gueule.
Aujourd’hui je suis moi. Au Japon, nous avons des bukatsu —plus communément appelés «clubs»— sportifs comme artistiques! Nous y allons après les cours, nous y retrouvons les différents membres avec qui nous créons des liens, nous passons un bon moment et même si nous rentrons plus tard à la maison, nous sommes heureux. Moi qui détestais le sport, j’ai rejoint les membres du badminton et j’aime faire partie de ce groupe.
Au Japon, l’école est perçue comme une seconde maison. J’ai rejoint la classe 4-4. Comme chaque classe, elle est ouverte une bonne heure avant le début des cours et ne ferme que trois heures après la fin des cours. Si je le souhaite, je peux rester dans cette classe et y vivre ma vie avant ou après les cours. Dans ma classe, nous sommes quarante-et-un! J’ai eu l’occasion de faire la connaissance de chaque élève, je pense que la disposition des bureaux —que je trouve personnellement tellement pratique— aide beaucoup. Nous avons des bunkasai —plus communément appelés «festivals»—; à l’occasion des bunkasai, l’école change complètement : des stands sont installés, des décorations aussi, et les élèves se mélangent pour faire vivre à chacun un pur moment de joie. Le dernier s’est tenu il y a un mois: j’ai passé deux merveilleuses journées à découvrir chaque élève et chaque stand. Au Japon, on ne parle pas de professeurs et élèves mais d’adultes et d’enfants. C’est bien le point le plus difficile à expliquer à des personnes qui ne vivent pas ici. En France, cette barrière entre l’enseignant et l’enseigné subsiste, et, bien souvent, les enseignants français ne prêtent aucune attention à leur élève: tu comprends, tant mieux; tu ne comprends pas, tant pis. À ton professeur japonais, tu peux parler de tout; tes problèmes scolaires mais aussi personnels, et il t’écoutera. Personnellement, cela me donne envie d’aller en cours chaque jour. L’enseignant japonais participe réellement à l’éducation d’un jeune et désire réellement l’aider et le soutenir. Il plaisante avec les élèves, n’hésite pas à leur donner une heure de leur journée, n’hésite pas, si besoin, à leur expliquer un point ou une question de différentes manières si cela est nécessaire.
En France, tu peux avoir un professeur pendant une année et l’année suivante, il t’oubliera: ici, le professeur continue de saluer cet élève quand il le voit et l’interroge sur l’évolution de sa scolarité. En France, j’ai stoppé les mathématiques, et j’ai fui en section littéraire. Quand je suis arrivée au Japon on m’a mise dans une classe de maths où je devais résoudre des problèmes compliqués. Ce fut une catastrophe; j’ai finalement changé de classe et j’y ai rencontré mon nouveau professeur de mathématiques. Il écrit au tableau la prononciation de chaque kanji, il passe une heure sur chacune de mes copies, il me prête sa tablette pour me permettre de traduire, il installe une application concernant les kanji sur cette même tablette pour m’aider un peu plus, et il me demande si j’ai besoin d’aide ou d’explications à chaque fois que nous nous croisons dans l’école. En France, très peu de professeurs en feraient autant pour un étranger.
J’aurais aimé découvrir ce système éducatif plus tôt et y passer la plupart de ma scolarité. J’ai dix mois à vivre ici. Ce temps limité me donne envie de faire un bond dans le passé, d’effacer toutes ces années scolaires à la française, de fuir au Japon, et d’apprécier. Je voulais simplement remercier mes parents du plus profond de mon cœur pour avoir bien voulu m’offrir cette magnifique
opportunité, et leur dire que c’est dommage qu’ils ne soient pas là pour me voir faire de mon mieux à l’école et considérer aujourd’hui mon école comme ma deuxième maison. Papa, Maman, je vous le dis, je suis heureuse.