Tout est si différent (tous, nous sommes si différents les uns des autres) qu’on ne peut même pas se permettre de juger. Moi-même aujourd’hui je me sens bien différente de ce que j’étais avant de venir ! Et pourtant, en apparence, je suis toujours la même. J’apprends à me connaître. J’apprends à apprendre, j’apprends à regarder. J’ai découvert en moi une vraie envie de voir et d’apprécier réellement ce qui se passe autour de moi. Du coup, je me sens autre… Après toutes ces années passées en France, à croiser toujours les mêmes lieux, les mêmes visages (auxquels, à force, je n’accordais plus aucune attention ni aucun sens) je crois que je ne voyais plus rien !. Aujourd’hui quelque chose a changé en moi, et ce quelque chose a changé avant même mon arrivée. J’ai eu de vrais moments de solitude, de spleen. Il m’a fallu apprendre à contrôler, à analyser. Et, maintenant, quand je sens que des périodes dures remontent et reviennent, je m’efforce de pénétrer dans mes pensées les plus profondes et j’essaie de comprendre. C’est un peu ça se connaître. C’est un peu cela qui a changé. Chaque jour, je dois me battre avec ma timidité, avec des situations nouvelles ou inattendues et me confronter à des gens qui ne parlent pas la même langue que moi. Chaque jour est surprenant. Car la culture des autres, même si on a l’impression de s’y faire assez vite, on a jamais vraiment fini de s’y habituer. J’avance de nouveauté en nouveauté, de surprise en surprise. Un rien, ici, contribue à me rendre heureuse : un sourire, une parole échangée dans la rue, une phrase comprise dans un livre, le fait de réussir un devoir, ou de marcher avec ma soeur allemande, pieds nus, sous la pluie.
Le temps passe lentement et vite à la fois. J’ai déjà fait tant de choses et il m’en reste tant à faire.
Je crois que quand on a peur de ne plus se réveiller, il vaut mieux ne pas aller se coucher.
Alex, Numbrecht
Un an en Allemagne en 97-98