Bientôt 3 mois dans mon nouveau monde. Les craintes, maintenant, sont apaisées (non le froid n’est pas insoutenable ; non, Maman, je n’habite pas dans une cabane en bois, ni même dans un igloo) et les espérances se sont concrétisées (ma famille d’accueil semble avoir été inventée pour moi). Les habitudes sont prises, la barrière de la langue est définitivement franchie, et tout est devenu plus facile. Parfois, c’est vrai, je tempête, je rage (je pense au « school bus » qui, chaque matin et chaque soir, me transforme en « milk shake », je pense aux profs, trop exigeants, qui ne remarquent pas mes efforts et aux élèves souvent trop superficiels…) mais très vite je me rends compte que j’ai tort de m’énerver (le trajet en bus, s’il est long et inconfortable, me donne tout de même l’occasion d’admirer de superbes paysages et tout un tas d’animaux sauvages ; les profs font tout ce qu’ils peuvent pour m’aider mais tiennent, dans le même temps, à me traiter comme n’importe quel autre élève – c’est bien ce que je voulais non ? ; quant aux élèves, dès qu’on les connaît mieux on se rend compte qu’ils ne sont peut-être pas aussi superficiels que ça !).
Parfois aussi, l’angoisse monte et m’engloutit (c’est comme une vague terrible et irrésistible), et dans ces moments-là je me dis : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? »
Dire que c’est facile serait mentir. Mais j’apprends tant. Comment pourrais-je sérieusement regretter cette aventure ? Après tout, j’ai réalisé ce dont beaucoup parlent sans jamais oser le tenter, à savoir : laisser le connu pour découvrir l’inconnu, pour découvrir l’autre et pour se découvrir soi-même. Et c’est une vraie victoire de se dire : « I did it ».
Audrey, Rossburn, Manitoba
Un an au Canada en 97-98