« Pourquoi ne partirais-tu pas un an à l’étranger ? » C’est ma belle-mère qui la première m’a posé la question. J’ai d’abord ignoré la proposition. Pourquoi devrais-je quitter ma famille, mes amis et perdre une année scolaire ? Mais plus le temps a passé plus cette idée a fait son chemin. Quand je regardais les experts, NCIS, ou tout autre série américaine, j’ai commencé à me projeter. Je me suis imaginée en train de déambuler dans les couloirs des lycées, comme dans « Dawson », ou de raconter des ragots sur mes voisines comme dans « Desesperate housewives ». Et un jour, j’ai fini sur le site de PIE. Six mois plus tard, j’étais dans l’avion en direction de Washington. Je me suis rendu compte alors que je quittais celles et ceux que j’ai toujours connus et qui ont de l’importance à mes yeux. Je partais. Je devais me créer une autre vie, et là, j’ai eu peur… un peu. Quand je suis arrivée à l’aéroport de Dayton, j’ai eu peur davantage. Les questions ont commencé à affluer : et si ma famille d’accueil n’était pas là ? et si elle était méchante ? et si mes soeurs d’accueil ne m’aimaient pas ? et si on ne me donnait pas à manger ? et si, et si… Trop de questions sans réponses. Tout cela n’a cessé qu’au moment où j’ai franchi les portes de l’aéroport et où j’ai aperçu une femme qui semblait être ma mère d’accueil. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai foncé. L’atmosphère était un peu étrange au début, nous ne savions pas vraiment quoi nous dire, juste des généralités sur le temps, sur le déroulement du voyage, sur les papiers à faire signer par l’école. Mais plus le temps a passé, plus tout cela a semblé facile. J’en ai fait des choses en une journée. J’ai dû aller à mon lycée remplir quelques papiers pour pouvoir prendre les fameux bus jaunes, j’ai rencontré des amis de ma famille d’accueil (ils étaient tous impatients de me connaître), j’ai fait du trampoline avec mes soeurs d’accueil et lutté à cette occasion contre le mal au coeur, j’ai défait mes valises.
Le premier jour de cours, j’ai choisi mes matières : théâtre, études criminelles, finances personnelles, arts du langage. Il m a fallu une semaine entière pour arriver à retrouver mon casier et mes salles de classe. La cafétéria, par contre, je l’ai trouvé sans problème. On y mange équilibré : hamburger, hot dog, croquemonsieur, pâtes noyées dans une sorte de fromage jaune, pizza, cuisine mexicaine. Très, très sain tout ça ! Il faut ingurgiter son repas en trente minutes, car ensuite les cours reprennent. Côté cours justement, j’ai pu me rendre compte que les contrôles étaient essentiellement des QCM. Il arrive que les professeurs fassent des devoirs surprises, avec le droit ou non pour les élèves d’utiliser les notes de cours et les livres. On peut obtenir des points bonus parce qu’on a bien fait nos devoirs ou parce qu’on a eu l’extrême bonté d’apporter des boîtes de mouchoirs pour la classe ! Ici, les professeurs sont beaucoup plus proches des élèves qu’en France. Ils n’hésitent pas à prendre leurs élèves dans les bras, à organiser des jeux, à raconter des blagues en classe.
La nouvelle de mon arrivée en tant qu’étudiante d’échange s’est répandue petit à petit dans mon école. Ma photo a été publiée dans le journal de la « High School » et quelques professeurs m’ont même placardée dans leur salle de classe. Je me rends compte que je dis bonjour à de plus en plus de monde dans les couloirs, on commence à me reconnaître et à m’appeler « Frenchie », j’ai de plus en plus d’amis et ma vie sociale est en constante évolution. Les clubs sont très importants dans la vie des lycéens américains. Moi, j’ai rejoint le club de théâtre. Je passe làbas la majeure partie de mon temps, environ trois heures par jour.
Cette expérience est certainement différente pour chaque individu, mais une chose est certaine : le mode de vie américain est incroyable et le changement pour
nous Français est de taille. Sans vous en rendre compte, vous allez vous retrouver à 11 heures du soir en train de faire les courses — car les supermarchés sont ouverts 24 heures sur 24 —, ou vous retrouver un dimanche après-midi, en train regarder le match de football américain des « Steelers » contre les « Bengals » et vous mettre à brailler parce que votre équipe aura raté le « Touch-down » de peu, ou encore — chose hautement improbable en France — vous rendre à l’école en pyjama. Vous devrez très probablement consacrer vos dimanches matin à l’église —mais croyez-moi, on y passe de très bons moments. Très vite, tout cela vous paraîtra normal !
Vous serez forcément choqué par certaines questions idiotes et déroutantes qui vous seront posées : y a-t-il des personnes de couleur noire en France ? vous parlez quelle langue, l’américain ? est-ce que vous vous rasez ? vous prenez une douche tous les jours ? Voilà. Préparez vous aussi à avoir du succès. La France est très populaire ici et les Américains, quoiqu’on en dise, apprécient notre humour et font preuve aussi d’ironie. Je tiens à dire que le plus incroyable dans toute cette affaire, c’est quand votre soeur d’accueil de sept ans, qui ne vous connaissait pas un mois plus tôt, vient vers vous et vous fait un câlin, et quand votre mère d’accueil, qui ne vous connaissait pas mieux, revient des courses et vous offre le petit truc qui vous manquait et dont elle vous a entendu parler une semaine auparavant. Le plus incroyable, dans cette histoire, c’est tout simplement de faire partie d’une nouvelle famille.
Marine, Englewood, Ohio