Rosalinda, Coons Rapid, Minnesota
Une année scolaire aux USA
En image — Rosalinda en famille.
J’habite avec ma mère d’accueil dans un quartier du nord de la capitale de l’état du Minnesota. Pendant la semaine, je vis dans un internat spécialisé pour enfants non-voyants — je vais également au lycée non spécialisé, mais dans un lycée habitué à recevoir les enfants dans mon cas. Le week-end, je rentre en famille.
Ma mère d’accueil a dû changer quelques petites choses de son quotidien pour pouvoir vivre avec moi, elle doit par exemple, me guider lorsque l’on sort, ou me décrire un objet qu’elle voudrait que je lui passe au lieu de le montrer du doigt… À l’internat, on nous apprend des choses du quotidien comme le ménage, la cuisine…, pour nous donner un avant-goût de notre vie future. Mon intégration au lycée est assez facile, étant donné que j’ai été intégrée dans un collège normal.
Mon lycée fournit des iPad, avec dessus une application contenant tous les cours. Lorsqu’on a des contrôles, les professeurs les postent également sur cette application. Le professeur peut également imprimer le contrôle et le distribuer ou alors les envoyer par e-mail. Pour ma part, je peux rédiger mes réponses directement sur l’iPad, ou le renvoyer par e-mail à mon professeur, ou copier mes réponses sur une clé USB que je donne à mon professeur. Je sais maintenant comment utiliser un appareil Apple: c’est un jeu d’enfant! Mais pour des non-voyants qui n’ont pas accès à ce genre d’appareil, ou qui n’arrivent pas à les utiliser, la clé USB est une très bonne alternative.
Pour le déjeuner, j’ai dû visiter le réfectoire avec ma professeur de «locomotion» avant de pouvoir m’y aventurer toute seule. Il y a une assez grande différence avec le lycée français: en France vous n’avez que le plat du jour, mais dans mon lycée américain, il y a plusieurs menus le même jour. Ajoutons à cela, les tables dispersées partout dans la pièce, et vous comprendrez que la cafétéria du lycée est un vrai parcours du combattant pour une personne non-voyante! Lorsque vous devez prendre votre plateau, vous avez deux possibilités: faire votre assiette tout seul, ou alors prendre l’assiette déjà faite. En ce qui me concerne, j’ai évidemment toujours besoin de l’aide de quelqu’un, mais j’obtiens cette aide la plupart du temps. Les dirigeants du lycée ont aussi la bonne initiative de poster le menu sur la même application que les cours, ce qui fait que je peux choisir ce que je veux manger le jour-même, avant d’aller au réfectoire, ce qui m’évite d’avoir à demander et me fait gagner du temps —ce n’est pas négligeable car nous n’avons que vingt-cinq minutes pour manger… il faut donc faire vite! Lorsque j’ai mon plateau en main, le «voyage» jusqu’à ma table n’est évidemment pas facile. Le fait de zigzaguer entre les tables, les chaises, les élèves et les sacs n’est pas simple…, mais avec un peu de volonté et une certaine assurance, on y arrive!
À la base, étudier à l’étranger demande, de toute façon, beaucoup de courage. Loin de leurs proches, la plupart des jeunes se sentent perdus et abandonnés, surtout au début. C’est une aventure: on se retrouve lâché en pleine nature. Nous savons tous — dès que nous nous inscrivons à PIE que ce séjour est le meilleur moyen d’apprendre une nouvelle langue, mais nous savons aussi qu’il va nous falloir, pour atteindre notre but, faire preuve de courage et de patience. Les étudiants doivent s’adapter dans leurs familles et leurs lycées respectifs, ils doivent faire preuve de bonne volonté pour rencontrer de nouvelles personnes et pour progresser au niveau linguistique. Le nouveau système scolaire demande aux étudiants de changer —ne serait-ce qu’un minimum— leurs habitudes de travail.
Si partir à l’étranger implique, pour un jeune en général, beaucoup de changements… vous imaginez pour un étudiant déficient visuel! S’adapter dans une école non spécialisée quand on est non-voyant est bien entendu difficile, mais pas impossible. On a des besoins particuliers: par exemple, l’aide d’une auxiliaire de vie, des documents en braille ou des documents audio, des maquettes ou des schémas adaptés… Aujourd’hui, les nouvelles technologies facilitent énormément les choses. Nous avons par exemple les appareils de la marque Apple qui ont une synthèse vocale, des logiciels qui lisent au non-voyant ce qui est écrit sur l’écran, et des plages tactiles (appareils à brancher sur un ordinateur ou connectables par «bluetooth», qui vous transcrivent directement en braille ou en voix de synthèse ce qui est écrit sur l’écran) et d’autres appareils qui nous parlent. Il est donc devenu tout à fait possible pour un aveugle de vivre normalement «tout seul». Tout cela facilite donc également une éventuelle année dans un pays différent, loin de sa famille, mais si près de tant de nouvelles choses! Pour autant —et c’est le plus important— on doit, pour affronter cette nouvelle vie, faire preuve de beaucoup de volonté.