Famille de coeur…

L'accueil en famille bénévole - Une famille PIE En image : Anni, Emily et Maria | 3 soeurs de coeur | L’accueil avec PIE

CONSÉQUENCES ET BIENFAITS DU BÉNÉVOLAT – Entretien 
Virginie, ancienne participante au séjour d’une année scolaire aux USA (c’était en 1989), devenue “spécialiste” de l’accueil de longue durée, témoigne de son attachement au principe du bénévolat et des bienfaits qui en découlent.

3.14 — Combien de fois avez-vous accueilli en famille avec PIE ?
Virginie — Cinq fois : Phoebe (Yu Fei) de Taïwan ; Anni Karin de Norvège ; Emily, Irlando-Américaine vivant en Allemagne ; Maria, Polonaise vivant au Danemark, puis Pearl d’Allemagne. En septembre, nous allons accueillir pour la sixième fois. Nous recevrons Mykala, une américaine.

3.14 — Comment avez-vous pris la décision la première fois ?
J’étais partie un an aux USA avec PIE et j’avais gardé une vraie frustration liée au fait que ma famille naturelle n’avait jamais accueilli. J’avais donc cela en tête depuis un moment. À l’époque, nous habitions Paris. Le principe d’accueillir alors que nous n’avions pas d’enfants, nous inquiétait un peu. Mais j’avais moi-même été accueillie dans une famille sans enfants et cela n’avait pas posé de problèmes. Et nous nous sommes dit par ailleurs qu’il y avait beaucoup d’enfants uniques (c’était d’ailleurs mon cas et celui de mon mari, Jean-Philippe)… alors pourquoi pas des enfants « d’accueil » uniques ! Nos conditions matérielles nous permettaient d’accueillir, on s’est donc lancés dans l’aventure.

3.14 — Quand les gens entendent parler pour la première fois d’un accueil bénévole sur une année scolaire, d’abord ils s’étonnent : « Bénévole, ah bon !? » et ensuite ils rajoutent presque invariablement : « Mais quelle est leur motivation ? » Il n’y a pas mieux que toi Virginie pour répondre à cette question ?
La motivation première c’est l’ouverture. L’ouverture sur le monde et l’idée de partage. Dès la naissance de mes enfant, j’ai eu le souci qu’ils ne se replient pas sur eux-mêmes. J’ai tout de suite pensé qu’accueillir était la meilleure chose à faire pour les relier à l’extérieur. J’étais persuadée qu’en étant en contact dès le plus jeune âge avec des gens différents —des personnes qui venaient d’ailleurs, qui avaient une autre langue et d’autres habitudes—, cela leur ouvrirait l’esprit. Je ne voulais pas attendre l’adolescence. Et je peux vous dire que cela a porté ses fruits. Aujourd’hui, nos enfants ont des sœurs partout dans le monde et ils n’ont pas peur des nouvelles rencontres.

3.14 — Quelle importance revêt le bénévolat dans cet échange ?
C’est fondamental. Nous avons testé le système d’échange payant ou d’accueil au pair. Et c’est une autre histoire, car, quelque part, l’argent fausse les relations. Ce désintéressement matériel ouvre d’autres perspectives. Dans ce système d’accueil bénévole, c’est une pure relation de cœur qui s’installe.  Je le résumerais de cette façon : nos enfants aujourd’hui ont des sœurs de cœur…. pas des sœurs de sang, mais des sœurs de cœur… donc des sœurs…
La vie, à travers cet échange, nous a mis en contact les uns et les autres : nous avons choisi de nous « adopter ». Après toutes ces années PIE (départ en 89, puis 5 “Accueils” de longue durée), j’ai compris, moi qui viens d’une famille très réduite que, bien au-delà des liens de sang, on pouvait se créer une famille… une famille de cœur : j’ai aujourd’hui une large famille aux USA et une large famille dans le monde. Ce que les gens ne voient pas ou ne comprennent pas, c’est qu’accueillir bénévolement c’est un cadeau que l’on se fait.

3.14 — Quels sont les qualités nécessaires pour accueillir ?
L’ouverture d’esprit d’un côté, et le sens de la communication de l’autre. L’ouverture d’esprit c’est à la fois savoir accepter les décalages et les différences et savoir faire preuve d’empathie. Il faut pouvoir se mettre un minimum à la place de l’autre (et c’est valable dans les deux sens). Et la communication, car je sais, par expérience, que lorsque des difficultés surviennent, si on est capable d’échanger et d’écouter, alors tout peut se résoudre.

3.14 — Qu’est-ce qui est le plus difficile dans l’accueil ?
Si la connexion ne s’établit pas, cela peut être compliqué. Et ce n’est pas facile de le savoir à l’avance. Si les protagonistes font preuve d’égoïsme, oui, ça peut devenir difficile.

3.14 — Que se passe-t-il quand les relations ne fonctionnent pas ?
Cela nous est arrivé une fois. Et nous n’avons pas poursuivi l’expérience. Rien de dramatique. C’est là où il y a une dimension assez légère par rapport à une vraie adoption. On accueille des adolescents, qui sont déjà construits, donc les enjeux sont différents. De ce côté-là, il faut comparer à n’importe quelle rencontre : quelquefois on n’a pas envie d’aller plus loin… et on se sépare. Personnellement, j’avais culpabilisé après cette séparation de notre jeune accueil, mais avec le recul je me dis qu’il faut savoir l’accepter.

 3.14 — Quels sont les arguments contre l’accueil bénévole ?
Honnêtement je n’en vois aucun. Toutes les choses du quotidien, qui nous angoissent avant d’accueillir, tout cela s’efface très vite. Tout cela n’est rien. Une fois que les jeunes ont franchi la porte, on fait avec et ils deviennent un autre membre de la famille. Rien n’est insurmontable. Non sincèrement, dans la mesure où l’engagement n’est pas définitif, je ne vois aucun obstacle au fait de se lancer dans l’aventure de l’accueil.