La Louisiane en parallèle

Si nous choisissons de publier ici, en parallèle, des extraits de lettres de deux jeunes participantes au programme d’une année à l’étranger, c’est pour bien comprendre que, contrairement à un avis répandu, la région de placement n’est pas forcément la clé de la réussite du séjour de longue durée. Solène et Cypriane ont, toutes deux, été placées dans la même région des USA (aux environs de Bâton Rouge), au sud est de la Lousiane, à la frontière du Mississipi. Livingston et Mt Hermont, leurs villes d’accueil respectives, sont distantes d’environ 20 miles (35 kilomètres). Nous écouterons ici leur attitude et leurs réactions face à leur nouvel environnement. Nous observerons, non sans intérêt, que l’ouverture d’esprit et la disponibilité des étudiants d’échange sont déterminantes quant à la réussite de leur intégration.

« LA DÉFENSE » CONTRE LA « LOZÈRE »

Extraits des courriers de Cypriane, partie vivre un an à Mount Hermon, en Louisiane, en 1998-1999.

Je suis dans un petit bourg champêtre de 1000 habitants à environ 150 kilomètres de New Orleans. Les principales activités de la région sont l’élevage et l’exploitation forestière. Dans Mount Hermon, il y a un minimum de commerces et d’activités. Il n’y a pas de transport en commun à part le bus de l’école (…)
Le premier cinéma se trouve à 50 kilomètres. Trop loin pour trouver quelqu’un qui m’y amène. Alors on loue des cassettes. Ici, en fait, c’est l’une des principales occupations des jeunes.
(…) En plus je hais l’école. Je suis dans des classes avec des gosses de 14-15 ans. (…) C’est si petit ici que c’est difficile de se trouver des amis. (…) Les gens me posent que des questions comme : « Y a -t-il des vaches en France, des pâturages, des plages naturistes ? » J’ai essayé plusieurs fois de changer de sujets de conversation, mais en vain ? Finalement je ne me mêle plus de ces discussions stériles. (…)

Quant à ma mère d’accueil, elle est plantée sur sa chaise devant la télé, à boire des cocas (…)
Un jour, j’ai eu une longue discussion avec un couple venu de Californie. Ils m’ont demandé pourquoi j’avais choisi la Louisiane : pour la forêt ou pour l’élevage ? Je leur ai expliqué que j’étais un « exchange student ». Alors ils m’ont expliqué que c’était les états du sud qu’il fallait d’abord éviter. (…)

Mon séjour à New-York restera mon meilleur souvenir des Etats-Unis. J’y ai trouvé la civilisation telle que je l’imaginais, des gens avec qui discuter normalement, très ouverts. Là, pas de choc culturel, pas de problèmes d’adaptation. La vie n’a rien à voir avec la Louisiane. La différence de paysage et de mentalité est comparable à celle qui existe entre le monde rural de la Lozère et les buildings de La Défense.

C’EST UN ENDROIT QUI RESSEMBLE À LA…

Extraits d’une lettre de Solène, partie vivre un an à Livingston, en Louisiane, en 1999-2000.
Il fait 40°, tout est vert, et les arbres sont immenses. Les maisons sont presque toutes des ‘ mobilhome ‘, et tout le monde roule en ‘ truck ‘ . Le blues, le jazz et les Cajuns, il y en a tout autour de vous dans la rue…
Je suis sûre que vous avez deviné où je suis ?

À la maison il n’y a qu’une chaise, alors on mange sur nos genoux dans des canapés, en regardant la télé. Je crois qu’on appelle ça des ‘ couch-potatoes ‘ – c’est plutôt marrant finalement. (…)

Tous les matins je prends le ‘ school bus ‘ jaune. Il me mène à l’école. Le sport et la musique y tiennent une place importante. Je fais partie du ‘ band ‘ (la fanfare) et je joue dans l’équipe de basket des ‘ Lady Hornets ‘. (…)

Je suis étonnée par tout ce que j’ai vu et appris ici. Le plus surprenant est sans doute la place que prend la religion dans la vie des gens – ça chante, ça danse, ça rit, ça pleure, en invoquant Dieu et Jésus. J’ai des amis catholiques, protestants, baptistes, mormons !
Pour vivre ça, il ne faut surtout pas comparer, il faut être le plus tolérant possible, et être curieux de tout. Bien sûr au début on a le cafard et le mal du pays, mais, petit à petit, on se rend compte qu’on découvre la vraie vie américaine, on surmonte les idées reçues – et le rêve, que l’on a si longtemps fait, on le vit. Différemment certes, mais, dans la réalité, on le vit… Et ça, c’est trop fun !

Article paru dans le journal Trois-Quatorze n°32