Vous me dites : « Écris-nous, témoigne, donne-nous des nouvelles… » Mais la vérité, c’est que moi je n’en vois pas forcément l’intérêt. J’ai l’impression de ne rien avoir à raconter. Il faut dire que pour moi c’est comme pour vous. Quand on vous demande : « Alors, comment ça se passe pour toi ? Raconte-moi ! », vous, vous répondez : « Oh, ben moi, tu sais… » Et ben, pour moi c’est pareil. Ici, ma vie ce n’est pas une aventure, ce n’est plus une vie de découvertes, c’est juste une vie d’habitudes. La nuit dernière c’est la même que celle d’avant, le jour, le même que celui qui précède : les mêmes visages, les mêmes histoires. Dans cette vie à l’étranger, on est très occupé, très pris par le présent. On ne pense plus trop à son monde d’avant : on sait parfaitement que l’on y retournera, alors on essaie de s’investir à fond là où l’on est. On sait aussi que ça passe vite, que c’est bientôt fini. On veut croire que les relations que l’on a construites ici vont se poursuivre, que les souvenirs ne s’effaceront pas. Alors on se ment un peu. Et puis on a un peu peur : peur de repartir et peur de rentrer. On sent qu’on a changé, alors on craint que les autres ne vous reconnaissent pas ou que vous ne les reconnaissiez plus. On sait pertinemment que tout ce que l’on est en train de vivre ne se reproduira pas, en tout cas pas comme ça, et que cette partie de soi, qui vit ici et de cette façon-là, ça va juste être dur de lui dire adieu. Forcément les terrasses des cafés, les rues piétonnes, les parcs, les flâneurs, le pain, le chocolat, les odeurs… tout ça me manque. Mais au plus profond, je sais que c’est ma base et que quoi qu’il arrive elle ne changera pas, et que cette base je la retrouverai. Par contre, ce que je laisserai ici, je le laisse définitivement. Non, je ne reviendrai pas… En tout cas, pas comme ça. En gros, vous me manquez tous, mais je veux profiter de ce qui me reste à vivre ici… de tous les moments.
Léa, Minnesota, Un an aux USA