Qu’il est loin ce samedi du mois de janvier dernier, lorsque Géraldine m’interpelle sur l’avenue et court pour me rattraper et m’annoncer qu’elle a trouvé un organisme pour aller passer une année au Canada. Lasse d’une semaine bien remplie, assomée par la nouvelle (et peut-être aussi un peu par le prix), je lui réponds : « Nous en reparlerons ». Je laisse Géraldine en ville avec ses copines. Mais dès son retour, elle me reparle de son vieux rêve, de sa décision. Je l’écoute. J’attends un peu, puis je lui énumère les désagréments d’un tel voyage : la séparation, bien longue pour son âge, la langue, la différence de culture, de vie… Rien n’y fait. Elle me demande de me renseigner dès le lundi matin. Je le fais. Madame Richoud, qui répond très aimablement à toutes mes questions donne doucement de la consistance au rêve. Mais mon mari refuse d’en entendre parler. J’insiste. Il finit, sans grande conviction et sans grand enthousiasme,
par accepter. Alors, le parcours commence. Nous en suivons toutes les étapes. La plus pénible est celle des adieux à Paris. Géraldine ne voit pas mes larmes, elle ne réalise sans doute pas que son père ne peut plus parler. Après, c’est le départ. Deux lettres et deux coups de fils ont réussi pour l’instant à nous rassurer. J’ai pu constater au son de sa voix qu’elle était enthousiaste et contente. Dans un courrier à ses grand-parents, notre fille écrit qu’elle ne regrette pas sa décision. Elle semble s’adapter sans trop de problèmes. Sa famille canadienne l’aide beaucoup. Géraldine nous en dit beaucoup de bien. A l’école elle fait de son mieux pour faire face. Ses parents canadiens trouvent qu’elle fait de gros progrès en Anglais. Elle se prépare aux -40°C
et aux 7 pieds de neige qu’on lui a promis. Avec le recul, je suis très fière de ma fille. Partir, aussi longtemps et aussi loin, à 15 ans 1/2, j’avoue que je n’y croyais pas. Je mesure à présent, à la façon dont son père et moi-même avons accusé son départ, le courage qu’il a fallu à Géraldine. Je lui souhaite d’être heureuse tout au long de cette année.
MADAME PUEL. SAINT-AFFRIQUE