27 février 1997.
Je vole vers Washington DC. Je viens de quitter ma famille d’accueil et ma région pour un voyage d’une semaine (avec ASSE, notre correspondant américain et un tas d’étudiants étrangers). Je sais que je reviendrai finir mon année dans le Connecticut, mais, au moment présent, dans cet avion,
je me sens perdue et seule. Tout se mélange : mon départ de France, il y a six mois (pour venir passer cette année aux USA), ce voyage d’une semaine, et mon futur départ (ou retour si vous préférez) vers la France. Je ne sais plus où j’en suis. Avant goût du mois de juin ou souvenir du grand départ ? Dans quatre mois je quitterai Bolton High school pour toujours et la vie dans l’école continuera sans moi. Je couperai un fil et redeviendrai étrangère à toutes et à tous. Pourquoi ? Quel est le sens de tout ça ? Je suis nerveuse. J’ai besoin de chanter. Mais dans un vol pour Washington DC, en classe affaire qui plus est, tout le monde est triste. On tape sur son ordinateur, on garde l’oreille collée à son portable, on se dit qu’on préférerait rester avec sa petite famille plutôt que de rendre visite, une fois encore, à la capitale des USA. Ils me rendent triste tous ces gens. Pourquoi ne suis-je pas rester avec ma petite famille ? Mais, quelle famille en fait ? La française, l’américaine ? J’ai envie de dire comme Ronsard : « Cueillez, dès aujourd’hui, les roses de la vie ». Mais cueillir quelles roses ? Il pleut aujourd’hui. Et puis, c’est le milieu de l’hiver. Je pars pour une semaine et j’ai le sentiment de partir pour toujours. Tout ce que j’ai construit ici, il faudra bien le quitter un jour. Et ce jour approche à grand pas. Tous ces gens autour de moi, l’odeur de l’aéroport, les « au revoir » : ça sent le retour, ça sent le départ. Je repense au moment où j’ai quitté mes chers parents, mes chers amis, où j’ai laissé mon port d’attache, pour tenter l’inconnu. En août dernier, j’ai mis un pied dans la solitude. Et aujourd’hui je mets de la solitude dans ma solitude, de l’indépendance dans mon indépendance. C’est magique ce sentiment que l’on ne peut compter que sur soi. C’est comme marcher sur les nuages. Je suis comme seule au monde, mais sure et confiante. Ai-je grandi durant ces six mois ? Certainement, puisque j’ai tout affronté par moi-même : seule face à l’avenir, face au mystère, face à la différence, à l’inconnu.
5 mars. La Guardia.
Fin de la semaine, fin du voyage, retour vers Bolton. La semaine fut merveilleuse, grandiose. J’avais peur, j’ai été bien accueillie. L’ouverture d’esprit des étudiants étrangers m’a beaucoup aidé. et puis tout était parfaitement organisé. Beau et parfait. La meilleure expérience, dans la meilleure expérience, de la nouveauté dans la nouveauté. Encore tant de richesses. Et il me reste encore quatre mois.
Marie, Bolton, Connecticut
Mars 97