« Anges gardiens », c’est le mot qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai lu le dernier journal. Car, on a beau se dire mûr et responsable, on est content d’apprendre que, de l’autre côté de l’Atlantique, quelqu’un vous écoute et veille sur vous. C’est un moment émouvant que la lecture de votre (notre)
journal, ce sont des visages flous qui se dessinent, des voix qui remontent à la surface, c’est l’odeur douce d’un stage, d’un début, d’un départ. « Trois Quatorze », c’est un petit pont qui me rattache à mon îlot naturel, de l’autre côté de l’océan, de l’autre côté de ma vie.
Le courrier ! Je me dois de vous parler du courrier. C’est si important le courrier ! Je me précipite bien souvent sur la boîte où je garde toutes mes lettres, et je me surprens à les ranger, les relire, les dater, les classer les recoller… J’attends les lettres. J’attends parfois longtemps sans en avoir. Et, un jour, le facteur (l’homme préféré des « exchange students ») fait son apparition. La barbe gelée, la main tremblante, il jette un regard dans sa sacoche, et l’air de rien me tend une avalanche d’enveloppe. Comme si tous mes parents et amis s’étaient consultés pour m’écrire au même moment et avaient fait, ensemble, un pèlerinage à la poste. Je me jette, pêle-mêle, sur toutes les missives en même temps,
déchire sans soin les enveloppes et parcours sans coordination les lignes et les pages. Mon cerveau fou tente de tout lire en même temps. J’étouffe sous les messages et les informations.
Chaque lettre est, pour moi, une petite pierre supplémentaire dans la construction de mes échanges.
Me voici à la moitié de mon parcours. Il y a quelques temps j’aurais dit : « Ça finira bientôt », aujourd’hui je dis : « Ça a commencé il y a six mois ». Bientôt je regarderai la neige fondre, les degrés remonter, et je verrai se fortifier les liens avec mon environnement.
Marie, Bolton, Connecticut
Février 97