Je dois avouer que je me sentais sûre de moi en partant vers les Etats-Unis. Je passais des heures sur le site PIE en m’identifiant aux glorieux anciens — et à leurs témoignages — et en ignorant les témoignages assez négatifs. J’étais si excitée à l’idée de partir, de laisser derrière moi la grisaille parisienne… Je vis dans un quartier résidentiel où les maisons ont l’air d’être en carton. La mienne ne fait pas exception, c’est petit, sale, truffé de cafards, et ça sent le chien mouillé ! Ma famille, c’est un cliché— un de ces clichés dont les Européens aiment tant user pour parler des Américains… Vous savez, le gars qui ne sait pas placer la France sur une carte ! Et ben, ça c’est « Dad » ! Et la Ricaine, obèse, qui mange au fast food « almost every day » ! Ça c’est Mum ! Quant à la petite soeur, âgée d’à peine six ans qui ne vit que pour « High school musical hall » et « Hannah Montana » ! Eh ben ça, c’est ma « host sister ».
Et pourtant, je les apprécie tant — tout en admettant, certes, que les premiers jours n’ont pas été les plus évidents. Ils font beaucoup pour moi. Ils essaient de me faire profiter le plus possible de mon séjour. Ils ne roulent pas sur l’or, mais ils insistent pour tout me payer ; ce ne sont pas des grands voyageurs, mais ils vont essayer de me faire voir le plus d’états possible :
Florida, Wisconsin, Illinois, Missouri, Mississipi, Georgie ! Et puis le plus important, c’est qu’ils sont curieux et attentionnés. À table, ils me laissent raconter ma journée, ils m’écoutent, me parlent, sont avides de savoir comment est la vie à Paris, s’étonnent quand je leur dis que peu de Francais apprécient le « Peanut butter » ou les « Macaroni and cheese ». Ils veulent partager, ils essaient de donner tout ce qu’il peuvent, se font du souci quand ça ne va pas : je suis leur seconde fille. Alors, oui, je finis par m’accommoder au fossé qu’il y avait entre nous. Eux et moi, doucement nous l’avons comblé. Je suis restée en contact avec quelques « exchange students » d’Arizona, on se retrouve tous aux quatre coins des US, l’expérience nous rapproche. Certains sont tombés en Californie, à San Diego, Laguna Beach et compagnie. C’est légèrement tentant quand je vois les photos de leurs énormes maisons à deux minutes à pied de la plage, avec piscine-jacuzzi… Mais est-ce vraiment ce que je souhaitais pour un an d’immersion dans un pays étranger ? Le Minnesota, ma famille, c’est un choc certes, mais qui me rendra plus forte. J’ai tellement à construire ici, tellement de choses qui m’aideront à sortir « open minded » de cette aventure… L’école a été l’épreuve la plus dure à surmonter. On a tous en tête le cliché de la grosse looseuse qui va pleurer dans les toilettes entre les cours ! Eh ben, c’était moi lors de ma première semaine dans le Minnesota. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé, je m’attendais à être accueillie, reconnue, comme étant la Frenchie. Et bim ! Je me suis retrouvée dans une « High school » immense, de 3000 élèves : impossible de me repérer, trouver mes classes, ouvrir mon casier, comprendre comment la cafétéria fonctionnait. Ma « high school » est le cliché absolu de l’école américaine (« Cheerleaders », « Homecoming and co »…), et moi j’étais le cliché parfait de la nouvelle, totalement perdue. J’avais tout à construire, à faire par moi-même. J’ai commencé à zéro, et petit à petit, de jour en jour, quelques visages me sont devenus plus familiers… Du courage, il m’en a fallu et il m’en faut encore. Pour me créer un réseau social, je fais tout ce que je peux : « French club », « German club », « American sign language club », troupe de théâtre, « African music club », et même « mascotte remplaçante » ! « Und vorallem, I don’t forget to smile, even if my face hurts. » Et puis, il y a des jours comme aujourd’hui où la vie semble soudain plus facile, où les efforts commencent soudain à payer. Aujourd’hui, j’ai eu l’occasion d’être interviewée pour le journal du lycée, par un chic type rencontré au « German club » qui m’a proposé un « date » (un rendez-vous — NDLR) ! Bon ok, le chic type en question se revendique clairement Républicain, mais c’est ça aussi l’immersion culturelle.
Laure, Cottage Grave, Minnesota, Un an aux USA