L’aventure de l’année scolaire à l’étranger s’est transformée pour Leslie en une épopée de longue durée. Car l’expérience vécue au sein de sa famille d’accueil a marqué son parcours de façon indélébile, en initiant, il y a quelques années, sa complète reconversion professionnelle. Le récit de Leslie est jalonné de liens, d’écoute et de transmission ; son histoire est celle d’une naissance et d’une renaissance.
En images : Leslie d’hier et d’aujourd’hui (1999/2022) – Le livre de Leslie : À l’écoute de la naissance – Roissy, départ de Leslie pour les USA (1999)
Pourquoi je suis partie un an avec PIE
À l’époque, j’ai 17 ans. Je viens d’avoir mon bac avec un an d’avance, mais je ne sais pas quoi faire de ma vie. J’ai des envies mais pas d’idées, pas de direction ; c’est donc un peu n’importe quoi dans ma tête. Or, j’ai un copain —dont la mère est prof— qui parle couramment anglais… et je trouve ça tellement cool ! Cette idée de parler anglais, c’est comme un flash.
Là-dessus, au CIO du lycée, je tombe sur une brochure papier PIE. Je me souviens trop bien : la couv orange, les Lockers, la High School, le School bus… Tout à coup, je comprends ce que je veux faire et tout prend sens. Je vois mon parcours et ma vie se dessiner. Je réalise qu’en partant je vais pouvoir emmagasiner de la matière et prendre de la profondeur. C’est comme une évidence, un étonnement nécessaire.
Je réalise qu’en partant je vais pouvoir emmagasiner de la matière et prendre de la profondeur. C’est comme une évidence, un étonnement nécessaire.
Mon année PIE en trois mots
Pour retracer cette année, il en faudrait quinze. Mais après réflexion, le mot qui reste (celui en tout cas que je choisis de mettre en avant), c’est CONFIANCE. Moi je suis une “Dinosaure” (NDLR : en référence aux promos d’avant 2000). Quand on part à l’époque, on n’a pas internet, pas de portable, pas de connexion avec la France. On part seul : un an sans sa famille et sans possibilité de revenir ; un an sans Facetime, WhatsApp et autres, pour échanger un peu avec la France et les proches, pour s’appesantir sur son sort, pour chercher et trouver un soutien facile (car direct) auprès des siens. Moi j’étais vraiment seule, toute seule. Là-bas, on est vraiment seule, toute seule. Et cette solitude exige ou implique une certaine confiance en soi, que d’instinct, ou par la force des choses, on est contraint d’acquérir. Et de cette indispensable confiance acquise va découler ensuite la FIERTÉ, le DÉPASSEMENT DE SOI. Aujourd’hui, je n’ai peur de rien. Je suis prête à tout. Je sais que si je dois changer de vie, d’orientation, de lieu, de projet, je peux le faire. Je ne dis pas que je suis plus courageuse —car aujourd’hui la peur est là, quasiment comme avant—, mais je sais que je peux et que je vais y arriver. Alors forcément j’ose. Or, quand je repense à la petite ado de tout juste 17 ans que j’étais —un peu perdue et pas vraiment sûre d’elle— je sais que cette force, c’est à cette année à l’étranger que je la dois.
Après plus de vingt ans, une image me revient à l’esprit : celle des avions que je prends pour arriver dans l’Iowa. C’est comme des poupées russes : un gros avion pour Chicago, puis un moyen pour rejoindre Fort Dodge (Minnesota), puis le dernier, tout petit, qui me dépose avec cinq autres péquins dans un aéroport minuscule. Du mystère dans le mystère… de l’inconnu dans l’inconnu… et à l’arrivée ma famille d’accueil qui m’attend avec un drapeau US et un gros Teddy Bear (une peluche que j’ai conservée jusqu’à aujourd’hui). S’ensuit LA TRANSMISSION, LA DÉCOUVERTE, L’OUVERTURE. Mais à l’origine de tout cela, il y a bel et bien la CONFIANCE.
Une anecdote sur mon séjour.
Ma famille d’accueil était hyper jeune (27 ans le père et 22 ans la mère). Ils venaient de se marier mais n’arrivaient pas à avoir de bébé. Alors ils ont pensé à accueillir, histoire peut-être d’occuper leur année et de créer du lien. Mais juste avant mon arrivée, la mère est tombée enceinte. Elle a accouché en mars, en plein cœur de mon séjour. J’ai donc suivi toute sa grossesse quasi au jour le jour: j ‘allais aux échographies, elle m’informait de tout, on était ultra proches. Et j’ai donc eu une petite sœur pendant mon année ! et tout cela est forcément fascinant quand on pense à mon activité aujourd’hui.
À l’origine de tout cela, il y a bel et bien la confiance.
Études : Parcours depuis le séjour
Au retour des USA, je me suis inscrite en droit. Je ne savais pas ce que je faisais là : j’ai tout de suite détesté l’ambiance, les amphis, le côté froid, distant, incognito… ce côté “débrouille-toi toute seule”… J’ai tenu un mois ! Ma famille a flippé en pensant que je décrochais et que c’était la conséquence de mon année, mais je sentais qu’il me fallait me confronter au travail et réfléchir. J’ai quitté la fac et, pendant un an, j’ai fait tous les petits jobs possibles : enquêtrice, agent d’escale, job chez Franprix… J’avais envie à la fois d’exploiter mon anglais. Alors j’ai suivi mon petit bonhomme de chemin et rejoint une école de commerce. J’étais intéressée par la com et par la production. J’ai fait un 3e cycle en Marketing audiovisuel, puis intégré la télé…
C’est à l’occasion de mon année aux États-Unis que, quelque part, j’ai pratiqué pour la première fois —mais sans le savoir— mon métier.
J’ai travaillé plusieurs années dans ce secteur (je concevais des identités visuelles, j’ai bossé un peu partout, Belgique, Mexique, etc.), et tout à coup, après la naissance de mes enfants, je me suis dit : “Mais qu’est-ce que tu fais… ça n’a pas de sens tout ça ? J’ai clairement besoin de retrouver du lien, besoin d’échanges de femme à femme, de sororité… Je me retrouve donc dans des associations style “soutien à l’allaitement”. La rencontre avec une femme exceptionnelle (laquelle possède une capacité d’écoute active hors normes) me fascine et m’oriente directement vers son activité. Je veux faire la même chose qu’elle, autrement dit, savoir écouter et soutenir les femmes qui donnent naissance à leur bébé. Je fais un bilan de compétence, je quitte mon boulot, reprends une année d’études pour devenir auxiliaire de puériculture. Au cours d’un stage dans une maternité très militante (qui a beaucoup œuvré pour le respect des droits des femmes), une sage-femme me repère et m’invite à accompagner une future mère qui veut accoucher sans péridurale. Je résiste, elle me pousse. Au terme de cette expérience et après la naissance de la petite Suzanne, la sage-femme m’explique que ce que je viens de faire est un métier ; son nom : “Doula”. Je tombe un peu des nues mais je comprends que c’est cela que je veux faire. Je me lance. Tout en continuant à bosser, je me forme : Institut des doulas de France, accompagnement post natal, hypnose, tout un tas de notions et de pratiques.
Le livre de Leslie : À l’écoute de la naissance
Le travail de doula (métier méconnu) consiste à explorer le chemin de la parentalité, à accompagner émotionnellement et logistiquement les mères, à tisser du lien entre tous les acteurs, à apporter du soutien, de la compréhension, de l’écoute… Il y a quelque temps, je me suis lancée dans la rédaction d’un livre sur mon métier, et c’est en écrivant ce bouquin (À l’écoute de la naissance), que mon expérience à l’étranger est remontée à la surface… mais sous un angle que je n’avais pas soupçonné jusque-là : celui de l’accompagnement, de cette notion de transmission qui est au cœur de mon métier et qui avait bel et bien été au cœur de mon année américaine. J’ai découvert à cette occasion —mais, bizarrement, pas avant— le lien puissant qui existait entre mon travail et cette aventure de la maternité que j’avais partagée dès l’adolescence avec ma mère d’accueil. J’avais vécu cette naissance dans une famille très forte et très portée sur le partage, avec la grand-mère qui m’apprenait à coudre, moi qui préparais du “Dry Beef Gravy” pour la future mère, qui échangeait en permanence sur ce qu’elle vivait et ressentait. Quand je regarde tout ça avec distance, je réalise que j’ai tout simplement été la Doula de ma mère d’accueil, et que c’est à cette occasion que, quelque part, j’ai pratiqué pour la première fois —mais sans le savoir— mon métier.
Mon activité me ramène donc naturellement et quotidiennement à PIE. Et il existe un autre lien caché entre mon métier et cette année: c’est l’idée de (re)naissance qui accompagne le projet PIE.
Relation à PIE
Personnellement tout ce dont je me suis nourrie là-bas perdure. L’année à l’étranger est une année de transmission pure. On a tellement envie d’apprendre, de comprendre, tellement envie de changement que je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle. Mon activité me ramène donc naturellement et quotidiennement à PIE. Et il existe un autre lien caché entre mon métier et cette année: c’est l’idée de (re)naissance qui accompagne le projet PIE. On déboule dans une autre vie : on va tout découvrir et tout apprendre, à commencer par une langue, par tout un système relationnel, par la compréhension de tout un tas de codes.
Troisième chose : PIE m’a fait un vrai cadeau, je ne l’oublie pas. Certains d’entre nous poursuivent l’expérience en gardant le lien avec la “Famille PIE”. Ce fut un peu mon cas à travers l’investissement dans l’association des anciens. Même si elle est parfois distante, j’ai gardé une relation forte à PIE : l’association reste toujours dans mes pensées. Je me souviens de l’accompagnement proposé par l’association, des premiers contacts et conseils, du stage dans le sud de Paris, et j’essaie de garder cet élan du cœur. J’ai par ailleurs beaucoup d’anciens participants et participantes avec qui je reste en contact. C’est comme une famille un peu éloignée, on ne voit pas tous les jours, mais on est si content de se retrouver.
Si je n’étais pas partie avec PIE…
Je ne peux pas répondre, car c’est tout simplement inimaginable. Je ne serais tellement pas la même. J’ai tellement changé là-bas. J’aurais sans doute été à la fac… mais je ne m’y serais sans doute pas plu. Sans ce séjour, je vois beaucoup de tristesse en fait. Ce projet m’a ancrée dans la joie et la confiance.